"SOCIETE DES ANTIQUITES NATIONALES, LUXEMBOURG"

"LE GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG A L'EPOQUE ROMAINE"

par

Charles Marie Ternes

Ce texte reprend SANS CHANGEMENTS celui d'un livre paru en 1991. Il n'en fournit pas l'illustration. Une édition entièrement revue et complétée est prévue.

INTRODUCTION

Il y a vingt ans, je rédigeais un "Römisches Luxemburg" qui finit par paraître en 1974, en Suisse. Le travail paraissait utile, il fut difficile à réaliser: en maint domaine, la documentation disponible était peu abondante, mal établie, parfois douteuse ou absente. Il fallut se borner à l'exploitation de ce qu'il y avait, c'est à dire ce qui semblait résister au temps, Alexandre WILTHEIM, les bons travaux des NAMUR, ENGLING, VAN WERVEKE, MEDINGER et MEYERS, et ceux de nos voisins qui nous devançaient. Aujourd'hui, la situation est presque inverse: il faut se féliciter de l'abondance et -presque toujours- de la qualité des travaux dus aux chercheurs qui seront nommés dans ce livre-ci qui ne veut pas être une refonte du précédent. Il se veut un bilan, certes, et donc provisoire, mais cherche à répondre aussi bien que possible à deux finalités majeures: -fournir un texte lisible par tous, utilisable notamment par nos enseignants (sans être un 'manuel' destiné à quelque classe que ce soit); ils se plaignent souvent de l'absence ou de l'éparpillement des données qui devraient nourrir leurs cours: plusieurs m'ont fait l'amitié de lire ce livre avant sa mise au point finale; pour eux, l'important n'est pas d'entrer dans les subtilités des discussions qui se mènent entre spécialistes, mais de disposer de faits avérés et communicables; -un apparat critique qui permette d'aller un peu plus loin.

Ce livre ne peut remplir aucune de ces finalités entièrement: il est toujours possible d'aller plus loin dans l'un ou dans l'autre domaine; nous nous apprêtons à le faire, soucieux autant de prolongements pédagogiques que d'élaboration et de mise à disposition de savoirs de mieux en mieux assurés . J'avoue, enfin, que ce livre poursuit encore un autre but: faire apprécier nos sites, nos objets, nos monuments! A une époque où l'on court la Thaïlande, l'Algarve et la Californie, il me semble qu'il serait utile de retourner quelquefois à nos racines; ne se plaint-on pas que nos névroses, nos hystéries, notre 'mal du siècle' viennent de cette déstabilisation générale?

Pourquoi ceux qui organisent des visites du Luxembourg n'essaieraient-ils pas de sortir des supermachés, des stations d'essence et des guichets de banque qui font la 'gloire' du Grand-Duché? Pourquoi le tourisme culturel serait-il l'apanage des épouses de chefs d'Etat en visite officielle? Pendant ce temps, nos sites dépérissent: l'enthousiasme momentané fait parfois qu'on les aménage (généralement mal, parce que l'on suit davantage les conseils de l'entrepreneur que de l'archéologue), puis on les oublie; dix ans plus tard, ils sont à l'abandon.

Une fois de plus, le salut viendra de l'école; si l'on arrive à intéresser les jeunes aux choses du passé, ils y amèneront leurs parents. Les programmes sont-ils chargés? Qu'on les débarrasse du fatras des sujets sans intérêt qui les encombrent pour y introduire l'histoire de l'espace culturel qui nous concerne. Nul ne songe plus, aujourd'hui, à faire de l'histoire 'nationale' au sens étroit de naguère: mais ce qui, durant les cent mille dernières années s'est passé dans l'espace entre Rhin et Meuse nous concerne et doit être préservé non dans la mémoire de quelques érudits obstinés, mais dans celle de toutes les personnes qui passent par un degré quelconque de notre enseignement.

Disons (à toutes fins utiles) que ce livre ne prétend pas tout dire sur tout. Qu'un site n'y soit pas mentionné ne signifie donc ni que j'en ignore l'existence ni que j'en méprise la contribution à notre savoir; il en va (presque) de même des hommes. J'ai fait les choix qui m'ont paru s'imposer, rebus sic stantibus: je suis prêt à les défendre contre quiconque les contestera. . J'ai limité l'illustration au strict minimum; après tout: nous ne manquons pas de livres d'images! Ici, il s'agit de soutenir, non d'accompagner le texte ou d'en divertir.

Je remercie le professeur Raymond CHEVALLIER, maître et ami de longue date, qui, en vertu de ce qui est devenu une tradition, a rédigé la préface de ce livre comme de ceux qui l'ont précédé. C'est un insigne honneur auquel je suis très sensible!

DEFINITIONS

Le Grand-Duché de Luxembourg est une création du Congrès de Vienne de 1815. A l'époque romaine, la majeure partie du territoire actuel (qui résulte d'une ultime déprédation en 1839) faisait partie de la Cité des Trévires, ellemême partie de la provincia Gallia Belgica, après la réorganisation par Dioclétien (à la fin du 3e siècle) de celle de Belgica Prima; à l'une et à l'autre époque, Trèves était la capitale politique, religieuse, administrative et économique de la région. La conquête de celle-ci par Jules César (à partir de -58, jusqu'en -50), contribua à hâter une évolution qui aboutit, environ cent ans plus tard, à une romanisation qui ne s'affirma vigoureusement qu'après les troubles politiques de 69/70. On suppose aujourd'hui que l'influence romaine se fit assez distinctement sentir jusqu'au 7e siècle, lorsque commence -avec une germanisation et une christianisation plus systématiques- ce qu'il est convenu d'appeler le Moyen Age.

LE CADRE GEOGRAPHIQUE

Le territoire de la cité des Trévires (cf.notre fig.1: ciuitas Treuerorum) n'a pas de cohésion orographique: il s'étend de l'Eifel au Nord (entre Gerolstein et Jünkerath) jusqu'en Lorraine au Sud ( au Nord-Est de Metz), de la Meuse (entre Mouzon et Ivoix) à l'Ouest, à Wederath à l'Est. Ces 'frontières' (hypothétiques) ont été établies en fonction de lignes de force naturelles (lignes de partage des eaux, cours d'eau, sites, [Belginum /Wederath]); il devait d'ailleurs s'agir de zones-frontière sans tracé limitatif très précis.

Grâce au poète latin Ausone (originaire de Bordeaux, il séjourna à Trèves, au 4e siècle; il y fut le précepteur du prince impérial et le conseiller de l'empereur), nous connaissons une grande partie des hydronymes de l'époque ( cf.notre fig.2); appartiennent au Grand-Duché: Mosella (la Moselle), Sura (la Sûre), Alisontia (l'Alzette). Un seul toponyme, uicus Andethana(lis) (peut-être Hostert/Niederanven ) semble être attesté avec quelque certitude; l'identification entre le Ricciaco de deux documents antiques et Dalheim est loin d'être certaine. Au voisinage immédiat: Orolaunum (Arlon), et Trèves qui, un temps (surtout au 2e siècle) s'appela Colonia Augusta Treuerorum, "Ville nouvelle et impériale des Trévires", plus tard Treuiris; Beda Vicus (Bitburg), Contionacum (Konz).

Il semble que toutes les parties du territoire aient été occupées à l'époque, la densité augmentant quelque peu à mesure que l'on approche de Trèves.

ETHNOGRAPHIE

Les Trévires étaient de lointaine origine celtique (Cf. infra, 'L'administration'). Selon César (De bello Gallico 5,3,1), leur territoire s'étendait d'abord jusqu'au Rhin (Cf.notre fig.3); ils étaient voisins de ceux qu'on appelait alors "Germani" et qui avaient une réputation de guerriers presque invincibles. C'est ce qui explique que, pour impressionner leurs congénères aussi bien que les Romains, ils commencèrent par laisser dire qu'ils étaient, eux aussi, Germains (De bello Gallico 8,25,2).

L'axe mosellan structurait le territoire trévire en diagonale, les Trévires occupant, en gros, le Hunsrück et l'Eifel ainsi qu'une partie du 'Gutland' luxembourgeois et du pays gaumais.

L'existence d'une ancienne tradition culturelle ('Hunsrück-Eifel-Kultur', depuis -650; traditions marniennes) assura au groupe trévire (dont font partie -sans que nous connaissions les liens exacts qui les unissaient entre eux- les Segni, Condrusi, Caeroesi et Paemani) plus de consistance qu'à d'autres (Eburones qui cessèrent d'exister; Ubii qui furent transférés d'une rive du Rhin sur l'autre).

Les aristocrates trévires (que César appelle 'principes', les princes; 'duces', les chefs, les meneurs; 'equites', les cavaliers) étaient divisés quant à l'attitude à adopter vis-à-vis des Romains; certains (leur porte-parole était Cingétorix) virent dans la présence romaine une possibilité de mettre fin à d'anciennes querelles et d'organiser avec les 'ciues', les citoyens (artisans, petits commerçants, paysans) des ensembles politiques ('ciuitates') nouveaux.- Au Sud, le pays trévire touchait à celui des Mediomatrici; à l'Ouest, de l'autre côté de la Meuse (Mosa), vivaient les Remi qui avaient immédiatement opté pour Rome.

Dans le courant du +1er siècle, les préformes de l'organisation des provinces de Germanie ( 'Germania Inferior' et 'Germania Superior') ramenèrent la frontière de la 'Prouincia Belgica' et, à l'intérieur de celle-ci de la 'ciuitas Treuerorum' sur les hauteurs du Hunsrück. Tout nous porte à croire que les Trévires gardèrent toujours de fortes traditions indigènes qui s'accommodèrent de l'apport politique, économique, religieux et technologique romain: la 'pax Romana' (de +70 à ± 400) permit à cette symbiose de s'épanouir, laissant derrière elle les témoignages d'une prospérité générale.

CHRONOLOGIE

On est en droit de supposer que des marchands romains ont traversé nos régions depuis le début du -1er siècle.

L'action de Jules César, à partir de -58/-57, mène d'abord à une restauration de chefs qu'un large mouvement de contestation intérieur à la Gaule avait écartés du pouvoir. Visant à dominer la Gaule (et peut-être l'Italie) depuis le Nord-Est rhénan et la (Grande)-Bretagne, César constata que ses premiers alliés étaient peu fiables; il accepta alors, en -55/-54, les offres de services des jeunes chefs (Cingétorix, chez les Trévires) prêts à conclure un pacte de société avec Rome; mais, de plus en plus accaparé par les affaires de Rome, il quitta la Gaule en -50, sans que des structures durables y aient été mises en place.

C'est ce qui explique que, de -39 à -37, en -30/-29, en -16, des 'soulèvements' aient sérieusement mis en question l'emprise romaine sur nos régions; en +21, l'insurrection des Trévires Iulius Florus et Iulius Sacrouir, de 69 à 70, le rôle déterminant joué par les Trévires dans la véritable guerre menée par les derniers princes gaulois avec ou contre les armées des quatre empereurs (Galba, Othon, Vitellius et Vespasien) qui se sont succédé après la mort de Néron, prouve qu'en dépit d'un début de romanisation, ici et là, il ne saurait être question ni de soumission ni d'intégration dans l'orbite de Rome. Ce n'est qu'après la défaite des Trévires (à Bingen, Riol et Trèves) en 70, que l'évolution politique, sociale et économique mena vers un épanouissement culturel qui s'exprima (aux environs de +100) par la création d'un cadre de vie qui, tout en préservant (dans le domaine matériel aussi bien que dans les esprits) bien des traits issus de la tradition indigène, réalise un fructueux échange dont se nourrit une longue période de paix.

Cette 'pax Romana' est troublée en 275/276 par une razzia venue d'au-delà du Rhin, peut-être déclenchée par des contestations politiques majeures (ce qu'on appelle "l'empire gaulois" de Postume, Lélien, Aurélius, Victorin et Tétricus) qui eurent pour centres Cologne, Trèves et Mayence et donnèrent l'impression que Rome allait à vau-l'eau. La carte des dévastations révélées par l'archéologie (cf.notre fig.4), permet de donner une idée des directions prises par les hordes dévastatrices; tandis que les Franci (Francs) attaquaient la Meuse moyenne et descendaient vers Reims, les Alamanni (Alamans) passèrent le Rhin au Nord et au Sud de Strasbourg; l'un de leurs groupes marcha sur Metz, puis Toul et Langres, d'autres s'engagèrent au Nord (ils atteignirent donc le territoire trévire) et à l'Est. On suppose communément que c'est à l'annonce (dès 263) de l'arrivée de ces prédateurs qu'un certain nombre de trésors monétaires furent enfouis ( Bettendorf, Burmerange, Dalheim, Echternach, Ettelbruck, Kahler, Kleinbettingen, Lenningen, Lintgen, Medernach, Nagem, Niederdonven, Reichlange, Schlindermanderscheid, Septfontaines, Welscheid). Le trésor d'Ettelbruck contenait 600 pièces allant de Gordien III (238/239) à Postume (260/269); la plupart des séries monétaires trouvées en pareille situation se terminent avec les deux Tétricus (271/273). La dévaluation opérée en 263 (après le transfert, en 257, de l'atelier monétaire de Lyon à Cologne) avait amené les 'épargnants' à thésauriser le numéraire qui fut ensuite caché aux Alamans; les propriétaires étant morts lors des razzias, ou partis s'établir ailleurs, leur trésor resta enfoui. La procédure se répéta au 4e siècle (Marscherwald, Luxembourg).

La ferme de Wasserbillig/Langsur, l.d. 'op de Fréinen', avait été construite durant le 3e quart du +1er siècle (époque flavienne); au début du 2e siècle, le bâtiment principal se développa (la surface bâtie s'accrut de 80m2; on aménagea des bains chauffés); la céramique reste ensuite en série continue jusqu'au milieu du 3e siècle; la crise économique -générale- suivie des razzias de 275/276, mena à l'abandon et à la destruction de la ferme...jusqu'à l'époque constantinienne.

On observe le même phénomène à d'autres endroits: des 'Germains' ont pris la place des anciens occupants; ils réoccupent les sites abandonnés (parce que ceux-ci offrent de nombreux avantages), souvent pour donner aux bâtiments restants une autre forme, une autre orientation, une destination fonctionnelle différente ou s'établir aux moindres frais (c.à d. presque toujours en utilisant des matériaux en provenance de l'ancien bâtiment) au voisinage immédiat.

On retiendra donc deux faits:

-que beaucoup de sites ont été épargnés;

-que la germanisation de nos régions s'est opérée progressivement (sans doute depuis le 2e siècle) et indépendamment des incursions spectaculaires mentionnées par les écrivains et quelquefois décelées par l'archéologie.

En 352-357, les Alamans de Chnodomar viennent de Mayence, marchent sur Sarrebruck et Metz; Julien fut nommé Caesar par Constance II: il les refoula; ils revinrent en 365, Jovin dut refaire le même parcours. Valentinien Ier, conseillé par Ausone, réussit à stabiliser la situation de façon plus durable, mais, en 407, "tout le pays qui s'étend entre les Alpes et les Pyrénées, tout ce que limitent l'Océan et le Rhin, est dévasté par le Quade, le Vandale, le Sarmate, les Alains, les Gépides, les Hérules, les Saxons, les Burgondes, les Alamans" (Jérôme, Lettre 123, trad.P.Courcelle).

Cette fois, l'incursion partait d'une large base (de Mayence à Spire) et emprunta trois grands itinéraires dont deux atteignirent nos régions. En 451, les Huns d'Attila remontèrent la vallée de la Moselle. Ils saccagèrent Trèves et Metz, mais, après la défaite qu'Aëtius leur infligea sur les Champs Catalauniques (entre Châlons-sur-Marne et Troyes), ils refluèrent. Après 454, nos régions échappent au contrôle de Rome (qui n'existe, pour ainsi dire, plus qu'en 'Orient'): des chefs d'importance régionale, tels le comte Arbogast, en prennent le relais.

Entretemps, les petites agglomérations (du type Echternach, Bitburg, Neumagen, Arlon, Toul, Verdun) se sont fortifiées; on a même remis en fonction d'antiques oppida (p.ex. près d'Altrier/Hersberg) dont les côtés les plus menacés sont quelquefois renforcés et consolidés au moyen de blocs de pierre qu'on n'hésite pas à 'emprunter' aux somptueux monuments funéraires d'antan.

LES SOURCES DE NOS INFORMATIONS

En gros, il y a deux catégories de sources auxquelles nous puisons:-les textes; -les données issues des fouilles. Les finalités, les caractéristiques, les modes d'interprétation de ces deux catégories de sources étant différents, il ne faut pas s'attendre à ce que leurs résultats 'concordent' dans tous les cas. Elles se complètent, à leur façon.

**Les textes (de César, Dion Cassius, Appien, Strabon, Suétone, Florus, Velléius, Tacite, Suétone, de l'Histoire Auguste, d'Ammien et des compilateurs tardifs) ont été commodément réunis par Alexander RIESE, sous le titre: 'Das rheinische Germanien in der antiken Litteratur'(Leipzig, Teubner, 1892; complément: 'Nachträge zu: "Das rheinische Germanien in der antiken Literatur" ' in: Berichte der Römisch-Germanischen Kommission 8, 1913 / 1915, 7 sqq.); le même auteur a publié en 1914: 'Das rheinische Germanien in den antiken Inschriften (Berlin, Teubner, 1914. Reprint: Groningen, 1968)' nettement moins fiable.

*Pour notre pays, il faudra se reporter à mon recueil 'Les inscriptions antiques du Luxembourg'(cit.IAL; = Hémecht 17,1965, 3/4, 11 p., 132 ill.) et aux différents compléments qui y ont été ajoutés sous le titre-rubrique 'Supplementa Epigraphica';

*pour Arlon, se reporter au recueil d'Albert DEMAN et Marie Thérèse RAEPSAET-CHARLIER :'Les inscriptions latines de la Belgique'(Bruxelles, 1985, pp.110-162 ;

*pour la partie allemande, au: 'CORPVS INSCRIPTIONVM LATINARVM' (CIL vol.XIII en 6 volumes (1899-1933)(Suppléments, in: RGKBer 17,1927, 1-107, par H.Finke; 27, 1937, 51-134, par Herbert Nesselhauf; 40, 1959, 120-229, par H.Lieb; 58, 1977, 447-603 par Ute Schillinger-Häfele) et au 'Recueil des inscriptions chrétiennes de la Gaule, antérieures à la Renaissance carolingienne' de Nancy GAUTHIER 1er volume: 'Première Belgique', Paris, 1975.

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**Les sources archéologiques comprennent la numismatique, les collections lapidaires, les céramiques, les verres, les structures bâties (sanctuaires, habitat: en agglomération ou dispersé; monuments), de circulation (voirie primaire, secondaire et tertiaire, navigation) et de production (agricole, artisanale). La plupart des témoignages ('mobiles') ayant abouti dans les collections publiques (quelquefois après des détours plus ou moins rocambolesques par des collections privées).

En l'absence d'un catalogue général, les catalogues sectoriels du 'Musée National d'Histoire & d'Art, Luxembourg '(Adresse: L-2345 Luxembourg, Marché-aux-Poissons) revêtent une importance majeure:

*pour la numismatique :

-'Catalogue des Monnaies d'or antiques. Historique du Cabinet des Médailles avec mention des principales donations et acquisitions'(Luxembourg, 1968, 72 p., 6 pl.)

-'Catalogue des Monnaies de la République romaine'(Luxembourg, 1969, 67 p., 14 pl. (716 ill.)

-'Catalogue des 'folles' romains (Dioclétien-Licinius)'(Luxembourg, 1972, 62 p., 14 pl.)

Bien que son nom ne paraisse guère sur les pages de titre, l'auteur de ces ouvrages est Raymond WEILLER, conservateur du Cabinet des Médailles. On lui doit aussi:

-'Monnaies antiques découvertes au Grand-Duché de Luxembourg.Die Fundmünzen der römischen Zeit im Grossherzogtum Luxemburg' [cit.FMRL](Vol.1: Berlin, Mann, 1972, 614 p., 42 pl.; vol.2: 1977, 252 p., 15 pl.; vol.

3: 1983, 348, 14 pl.). *pour la glyptique et la toreutique :

-
Raymond WEILLER, 'Intailles antiques découvertes au Grand-Duché de Luxembourg '(Publications de la Section Historique de l'Institut Grand-Ducal 94, 1980, pp.195-261, 17 pl.)

-
Musée d'Histoire & d'Art, Luxembourg, 'Bronzes figurés de l'époque romaine'(Luxembourg, 1971, 35 p., 128 ill.Le catalogue semble être dû à Eugénie Wilhelm) .

*les collections lapidaires :

-
Eugénie WILHELM, 'Pierres sculptées & inscriptions de l'époque romaine'(Luxembourg, 1974, 160 p., 225 ill.)

-
Charles Marie TERNES, '(Icones) Les divinités gallo-romaines dans nos sculptures'(In: Bulletin des Antiquités Luxembourgeoises (BAL) 4, 1973, 2, 92-103; 3,113-123; 5, 1974, 175-191, ill.)

*les verres:

-Musée d'Histoire & d'Art,Luxembourg, 'Verrerie de l'époque romaine'(Luxembourg, 1969, 84 p., 122 ill. L'auteur semble être Eugénie Wilhelm)

Pour les musées des régions voisines, voir:

*pour Metz: -Musée archéologique de Metz, 'La civilisation gallo-romaine dans la cité des Médiomatriques', 1e partie: 'Monuments & sanctuaires de l'eau, la vie à la maison, le commerce, les cultes'(Metz,1964, 62 p., ill.) ; 2e partie:

'Les rites funéraires et la sépulture, la sculpture monumentale et son adaptation à l'architecture, l'art de bâtir'(Metz, 1976, 71 p., ill.). *pour Trèves: -Reinhard SCHINDLER, 'Landesmuseum Trier.Führer durch die vorgeschichtliche & römische Abteilung'(Trier,

1970/2). *pour Arlon: -L.LEFEBVRE, 'Les sculptures gallo-romaines du Musée d'Arlon'(In: Bulletin Trimestriel de l'Institut Archéologique

du Luxembourg (BTIAL) 51, 1975, 1/2, 3-92, ill.) .

Quant aux autres secteurs de l'archéologie, on verra: *pour la voirie : -Charles Marie TERNES, 'Le réseau routier du Luxembourg antique' (In: Ogam.Tradition celtique (Rennes) 19,1967, 169-180, cartes) ; 'La voirie préromaine du Luxembourg'(In: 'Vois de communication au pays mosellan', Luxembourg, 1968, pp.11-28, cartes) ; 'Les routes romaines de la Moselle luxembourgeoise'(Ibid., pp.33-67, cartes) ; 'Les voies romaines du Grand-Duché de Luxembourg, vues par Alexandre Wiltheim'(In: Hémecht 20, 1968, 1, 99-109) . Dans un cadre élargi, consulter: -Josef HAGEN, 'Römerstrassen der Rheinprovinz' (Bonn, 1931/2, Schroeder, 536 p.,, 16 pl.,ill.) -Heinz Cüppers, 'Die Trierer Römerbrücken' (Mainz, 1969, 176-184) -Johann Baptist KEUNE, 'Moselverkehr in alter und neuer Zeit' (In: Trierer Heimatbuch. Festschrift zur Jahrtausendfeier 1925, Trier, 1925, 19-60) , ainsi que les deux publications fondamentales consacrées à l'ensemble de ce secteur de recherche: -Raymond CHEVALLIER, 'Les voies romaines' (Paris, Colin, 1972, surtout pp.181-196) -Gerhard RADKE, 'Viae publicae romanae' (Stuttgart, Druckenmüller, 1971, 271 p., t.à p. du 13e vol. suppl. à la 'Realencyclopädie' de Pauly / Wissowa / Kroll) . *pour l'habitat: -Charles Marie TERNES, 'Les villas romaines du Grand-Duché de Luxembourg' (In: Helinium (Gent) 7, 1967, 120- 143, ill.) ; 'Le vicus d'époque gallo-romaine en pays trévire & rhénan'(In: Caesarodunum (Tours) 10, 1975, 18-31) *les sanctuaires d'époque gallo-romaine sont principalement connus à travers les publications de S.LOESCHCKE et Erich GOSE concernant les zones-sanctuaires de l'Altbachtal (2 vol., Mainz, 1972) et de Lenus Mars (Berlin, Mann, 1955) à Trèves. Brève synthèse chez: Charles Marie TERNES, 'Sanctuaires et cultes en pays trévire et rhénan'(In: Caesarodunum (Tours) 9, 1974, 246-249). *économie: -Heinz HEINEN, Grundzüge der wirtschaftlichen Entwicklung des Moselraumes zur Römerzeit (In: Trierer Zeitschrift (TZ) 39, 1976, 75-118) -Marcel RENARD, 'Technique et agriculture en pays trévire et rémois'(Bruxelles, 1959, 69 p., ill. 7 pl.)

-Harald VON PETRIKOVITS, L'économie rurale à l'époque romaine en Germanie Inférieure et dans la région de Trèves (In: Janssen 7 Lohrmann, Villa- Curtis- Grangia. Landwirtschaft zwischen Loire und Rhein, von der Römerzeit zum Hochmittelalter' München / Zürich, 1982, 1-16)

-Charles Marie TERNES (éd.), 'Les structures fondamentales de l'économie de nos régions à l'époque romaine'( = Actes des 2es Journées Archéologiques de Luxembourg = BAL 8, 1977, 191 p., ill.)

Il existe quelques travaux d'ensemble qu'il est toujours utile de consulter, soit comme entrée en matière, soit comme synthèse récapitulative; mentionnons:

-Josef STEINHAUSEN, 'Archäologische Siedlungskunde des Trierer Landes'[cit. ASK](Trier, 1936, 613 p., 46 pl.) -Richard LAUFNER (Hgb.), 'Geschichte des Trierer Landes' , vol.1 (seul paru)(Trier, 1964, 365 p., ill. surtout pp.39-97 (pré- et protohistoire), 98-221 (époque romaine), et 222-302 (époques tardives).

-Heinz HEINEN, 'Trier und das Trevererland in römischer Zeit'(Trier, Spee, 1985, 468 p., ill.) et: Charles Marie Ternes, Thesen über das römische Trier (in: BAL 19, 1988, 165-215, ill.) Dans un cadre progressivement élargi:

-Heinz CUEPPERS (Hgb.), 'Die Römer in Rheinland-Pfalz'(Stuttgart, Theiss, 1990, 710 p., ill.) -Harald VON PETRIKOVITS, 'Die Rheinlande in römischer Zeit'(Düsseldorf, Schwann, 1980, vol. 1 (texte) 386 p., cartes, vol. 2 (illustrations) 106 p., 232 ill.)

-Charles Marie TERNES, 'Die Römer an Rhein & Mosel. Geschichte & Kultur'(Stuttgart, Reclam, 1982/3)

-id., Römisches Deutschland. Aspekte seiner Geschichte und Kultur'(Stuttgart, Reclam, 1986, 418 p., 100 ill., 31 pl. Bibliographie: pp.371-403) Pour le Grand-Duché: -Charles Marie TERNES, 'Das römische Luxemburg'(Küsnacht / Zürich, Raggi [1974]199 p., ill.) , avec des

chapitres sur la topographie générale (pp.21-52), les fermes (pp.53-76), les dieux et les cultes (pp.99-113), l'économie (pp.114-126), les sépultures (pp.127-157), les principaux sites (pp.158-180), Ausone (pp.181-186).

L'actualisation des connaissances s'obtient par le recours aux bibliographies courantes et aux périodiques. Citons:

-'Bibliographie luxembourgeoise', éditée depuis 1944/1945 (T.1) par la Bibliothèque Nationale de Luxembourg

-'Bibliographie zur Geschichte Luxemburgs' paraissant depuis 1963 dans la revue 'Hémecht (diffusée sous forme de t.à p. par la Bibliothèque Nationale de Luxembourg)

. -Depuis 1969, le 'Bulletin d'Archéologie Luxembourgeoise' (devenu à partir du t.3,1972 le "Bulletin des Antiquités Luxembourgeoises') [cit.BAL] a pour thème l'histoire ancienne et l'archéologie de l'espace Rhin-Meuse. Vingt volumes sont parus.

-Depuis 1975, 'Hémecht. Revue d'histoire luxembourgeoise' consacre une rubrique "Grabungen und Funde. Actualités archéologiques' aux fouilles officielles; sous des désignations diverses, les 'Publications de la Section Historique de l'Institut Grand-Ducal' publient articles et rapports d'activité en provenance des instances officielles.

En grande région:

-les 'Annales de l'Institut Archéologique du Luxembourg' [cit. AIAL] et le 'Bulletin Trimestriel de l'Institut Archéologique du Luxembourg' [cit. BTIAL) à Arlon

-les 'Cahiers Lorrains' à Metz

-à Trèves: la 'Trierer Zeitschrift für Geschichte & Kunst des Trierer Landes & seiner Nachbargebiete' [cit. TZ] , le 'Kurtrierisches Jahrbuch' [cit.KTrJb] qui publie 'Funde und Ausgrabungen im Bezirk Trier', suivant d'assez près les fouilles du Landesmuseum; enfin les 'Landeskundliche Vierteljahresblätter' [cit. LdkdlVjbl]

Terminons en disant qu'aux sources littéraires de l'histoire luxembourgeoise appartiennent aussi (et e.a.) les

écrits de Jean BERTELS (1544-1607), Jean-Guillaume (1594-1636) et Alexandre WILTHEIM (16041684). L'opus magnum de ce dernier: ' Luciliburgensia Romana siue Luxemburgum Romanum' est en cours de réédition d'après le manuscrit autographe.

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L'HISTOIRE DE LA REDECOUVERTE DE NOTRE PASSE ANTIQUE

Parce que Pierre Ernest, comte de Mansfelt (1517-1604) avait réuni dans les jardins de son château de Clausen des "antiques" qu'il s'était procurées ici et là, des érudits comme Christophe BROWER, Jacques MASEN, Abraham ORTELIUS et Jean VIVIANI purent visiter cette collection unique au Nord des Alpes et la mentionner dans leurs ouvrages. Jean BERTELS, abbé de Notre-Dame de Luxembourg ('Münster'), puis d'Echternach, Jean-Guillaume et Alexandre WILTHEIM en firent de même; entretemps, les collections du comte de Mansfeld furent dispersées; une partie non-négligeable se retrouva dans les jardins du collège des Jésuites où ceux-ci purent les étudier à loisir. Il faut supposer que les premières fouilles dignes de ce nom furent celles que la "Société Archéologique" entreprit, aux alentours de 1850, à Dalheim; sous la direction d'Antoine NAMUR (1812-1868), elles produisirent des milliers d'objets qui furent enregistrés et décrits dans les trois rapports qui parurent dans les PSH . Les travaux de Jean ENGLING (1801-1888) consacrés à Altrier, Waldbillig, Christnach, Larochette, Bourscheid sont plutôt des rétrospectives; certains montrent la voie vers des études de synthèse (sur la 'statistique monumentale', les bas-reliefs romains disséminés à travers le pays, les trouvailles numismatiques, les voies romaines, les habitats) par lesquelles même aujourd'hui toute étude sérieuse devrait commencer. Depuis 1845, les 'Rapports du (secrétaire-)conservateur' (RdC) signalaient, dans les PSH, les découvertes faites, les objets acquis par le musée.

Copie par F.N.Meyer (1802) d'un tableau de Joachim Laukens (1656) montrant le corps principal du palais Mansfeld à Luxembourg-Clausen. D'importantes parties sont déjà en ruines.Cf.l'agrandissement ci-dessous.

Extrait du fameux tableau de Antoine François Van der Meulen (1684) exposé à Versailles. On voit à l'avant-plan à gauche des restes du corps de logis; au loin l'un des ensembles-porte (dont quelques éléments restent en place), au loin à droit le 'Hondhaus', les ruines du chenil.

Antoine NAMUR s'intéressa dès 1849 aux antiquités "post-romaines".

On restait très vague quant aux (longues) périodes "anté-romaines" et/ou "celtiques". Ce n'est que vers 1900 (en partie à la suite du congrès archéologique d'Arlon, en 1899, auquel Charles ARENDT et Nicolas VAN WERVEKE prirent part ) que l'on découvrit les antiquités préhistoriques auxquelles les années trente du 20e siècle , avec Victor FERRANT, Marcel HEUERTZ, Ernest SCHNEIDER donnèrent des impulsions décisives.

Grâce à Paul MEDINGER (1883-1939) et Joseph MEYERS(1900-1964), le musée de Luxembourg devint l'un des foyers de l'archéologie (et de l'historiographie) luxembourgeoise.

D'après Tony KELLEN ('Die Luxemburgische Geschichtsschreibung. Ein Rückblick & ein Ausblick',in: Jonghémecht. Zeitschrift für heimatliches Theater, Schrift- & Volkstum 7, 1933, Nos 4 / 5 / 6, p.122) , il faudrait considérer le 22 avril 1839 comme 'jour de fondation du musée' de Luxembourg: on fit cadeau de 97 monnaies romaines à l'Athénée (autrefois collège des Jésuites) qui fit, longtemps encore fonction d' "Alterthumskabinett". Le 2 septembre 1845, un règlement royal grand-ducal autorisa la réunion d'antiques; après le 'Traité de Londres' (1867) qui ordonnait la destruction de la forteresse de Luxembourg et entraîna le départ de la garnison prussienne , la "caserne Vauban" (dans le faubourg de Pfaffental) servit de musée. Grâce à Joseph BECH, la maison von Scherff-Collart sise au Marché-aux-Poissons, put être acquise durant les années vingt de ce siècle; après de longues transformations, les 'Musées de l'Etat' y trouvèrent abri; il est question aujourd'hui d'installer le 'Musée d'Histoire Naturelle' dans les locaux de l'ancien Hospice Saint-Jean au Grund; cela suffira-t-il pour 'aérer' les salles d'exposition du 'Musée National d'Histoire & d'Art', procurer aux personnels scientifique et technique des conditions de travail convenables, à des services en pleine expansion (notamment le très utile 'service éducatif') l'espace indispensable?

Les "Studien" ('Studien zur Siedlungsgeschichte Luxemburgs' = Beiträge zur Luxemburgischen Sprach- & Volkstumskunde, Berlin, de Gruyter [1932]) de Joseph MEYERS résumèrent en 67 pages l'acquis des siècles précédents; c'est peu, mais ce fut un bon point de départ. Aujourd'hui encore, on ferait bien de s'y référer et, notamment, d'en revenir au principe des 9 'Teilregionen' qui fournissent un excellent encadrement géographique à toutes synthèses régionales.

Après la deuxième guerre mondiale, la préhistoire connut de beaux développements; grâce à des collectionneurs comme Joseph GEIBEN, Emile MARX, Charles SPIER, à des hommes d'étude comme Marcel HEUERTZ, Marcel LAMESCH, Joseph HERR, Fernand SPIER et Pierre ZIESAIRE, on dressa (enfin) l'inventaire des collections (privées et publiques) avant d'en venir (enfin) à l'exploitation systématique de sites, aux fouilles.

De nombreux sites ont été fouillés (dont il sera question ci-dessous): Goeblange/Nospelt, Mamer-'Voosen', Rosport, Wasserbillig-Langsur-'op de Fréinen', Potaschbierg, Lellig, Altrier, Diekirch (église Saint-Laurent), Dalheim, Titelberg ont marqué des étapes dans l'évolution de notre savoir. Par le biais des 'Cours d'archéologie', lancés en 1969, repris en 1974 par la 'Société des Antiquités Nationales,Luxembourg', les résultats des travaux, obtenus ici et là, purent être soumis au public; tous les quatre ans, les 'Journées archéologiques de Luxembourg' réunissent les spécialistes d'un sujet donné , face au public. Le 'Bulletin des Antiquités Luxembourgeoises' assure la communication, notamment avec l'étranger. Cours, conférences, séminaires, excursions, expositions, voyages, complètent l'action entreprise. Depuis 1990, le SEMINAIRE D'ETUDES ANCIENNES (SEMANT) du Centre Universitaire de Luxembourg, offre, en dehors de ses tâches scientifiques (mais en partie grâce à elles) des cours publics d'histoire romaine et d'archéologie.

Malgré la loi du 13 décembre 1988 "portant organisation des instituts culturels de l'Etat" et le dévouement des gens en place, on ne peut pas dire que l'archéologie luxembourgeoise remplisse au mieux les fonctions qui sont les siennes; la loi ignore le concours des (nombreuses) associations privées qui pourraient mettre sur pied des équipes permanentes d'intervention urgente, aider à la publication des résultats, organiser des 'animations' sur le plan local), le Centre Universitaire(!) devenu à son tour un centre de recherches muni de structures (SEMANT!) où philologie ancienne, archéologie, histoire des provinces romaines entrent de façon constitutive et officielle; les personnels qualifiés manquent partout; il n'y a pas de planification à moyenne et longue échéance concernant les grands sites; nous avons, à reprises, demandé la désignation d'informateurs cantonaux, appelés à surveiller les chantiers publics (souvent les plus dévastateurs!) et privés, les sites, les 'restaurations' etc.- Ceux-là mêmes qui sont recrutés, ont-ils reçu une formation universitaire spécifique? Les moyens techniques et financiers sont-ils disponibles? Une refonte totale du Musée National d'Histoire est-elle prévue?

Malgré cela, le Grand-Duché a dûment contribué à plusieurs expositions régionales et supra-régionales; comptetenu de ses (nombreux) handicaps, il a -dans ce cadre- sa quote-part à verser à l'oeuvre commune.

LES CADRES COMMUNAUTAIRES

**L'ADMINISTRATION

Ainsi que nous l'avons dit ci-dessus, nos régions faisaient partie de ce tiers de la Gaule transalpine dont César disait qu'elle était occupée par des gens qui, dans leur langue s'appelaient "Celtae" , en latin "Galli". Cette phrase a prêté à des nombreux malentendus parce que César, restant fidèle à ses sources, les géographes grecs, qui appelaient "Keltoi" tous les habitants de l'Europe du Nord (même les 'Germains'!); il a fait croire qu'il faille appeler Celtes ceux qui furent des Gaulois habitant la Gaule: en fait, on réservera l'ethnique 'Celtes' aux (lointains) ancêtres des populations d'époque césarienne; vers -1000 ou -750 (suivant les régions) elles 'occupèrent' le Nord et l'Est de l'Europe, unies par des langues (indo-européennes), une religion (indoeuropéenne), des cadres politiques et une esthétique semblables, mais déjà dissociés par des particularités régionales venant de ce qu'il est convenu d'appeler la Préhistoire.

Après l'épisode césarien, mais à un moment que nous ne datons pas avec précision, la Gaule fut organisée en trois provinces, les 'Tres Galliae' , dont l'une, la Prouincia Gallia Belgica (cf.notre fig.5) comprenait une vaste région allant de la Manche aux hauteurs du Hunsrück. Il est probable que les contours de cette unité administrative de base furent fixés plus nettement après les événements de 70.

A la tête de chaque province, il y avait un legatus Augusti pro praetore , un "gouverneur" assisté d' 'officia' , de 'services'; la Belgica n'ayant pas de garnisons, c'est à celles du Rhin que l'on empruntait les personnels nécessaires. Le gouverneur résidait à Reims (Durocortorum Remorum ) .

Le 'procurator prouinciae Belgicae utriusque Germaniae', procurateur de la province de Belgique et des deux Germanies, résidait (probablement) dans la capitale économique de la province, à Trèves. Il collectait les impôts directs ('tributa') et une partie des impôts indirects ('uectigalia'); le 'fichier central'('tabularium') réunissait les renseignements nécessaires à la perception; Lyon (Lugdunum), 'caput trium Galliarum' (métropole des Trois Gaules), restait, à bien des égards l'échelon hiérarchique intermédiaire avec Rome.

A côté de cette administration impériale, fonctionnaient les divers échelons de la 'municipale', responsables de la "ciuitas Treuerorum", la communauté des Trévires. Elle avait à sa tête un 'senatus' , une assemblée d'une centaine de personnes appelées 'decuriones' : ce sont des hommes libres, en principe autochtones, ayant quelque fortune (les charges politiques ne sont pas rémunérées mais peuvent entraîner des frais considérables) et exerçant des métiers réputés honnêtes; les décurions dirigent les travaux publics, président aux cultes majeurs et rendent compte aux magistrats impériaux. Parmi ces décurions on distingue diverses fonctions et rangs (connus par l'épigraphie ):

-les 'duouiri' (collège de deux hommes), 'présidents' du sénat de région pendant un an: ils organisent la justice

-les 'aediles' (édiles) s'occupent de l'approvisionnement, des marchés et des jeux

-les 'quaestores' (questeurs) gèrent les fonds publics et les archives.

Les 'seuiri Augustales' (conseil de six personnes affectées au culte d'Auguste) n'exercent qu'une charge honorifique; dans certains cas, il s'agit d'affranchis (liberti) récompensés pour services rendus. Les esclaves semblent avoir été rares dans nos régions. Du Titelberg provient une dédicace faite sur ordre d'un Sabinus qui fut' seruus publicus', c. à d. 'esclave de l'Etat'; sa dédicace étant faite au 'genius', c. à. d. au 'génie protecteur' des 'Vosugones', quelques savants ont supposé que ceux-ci étaient les habitants d'un 'pagus' , une sorte de canton, subdivision de la 'ciuitas'. On a émis des hypothèses du même genre pour un 'pagus Vilcias' ou 'Vilciatis' , un 'pagus Teucorias' et un 'pagus Carucum' qui semblent avoir existé (puisqu'ils sont attestés épigraphiquement, les deux premiers dans le sanctuaire de Lenus Mars, à Trèves), mais dont la localisation et le statut juridique restent incertains. De toute façon, on mettra en garde contre une conception centraliste de ces divers pouvoirs et réalités qui ont pu exister simultanément, parallèlement, en partie faire double emploi, en partie 'dépendre' les uns des autres. Aussi se gardera-t-on de faire des 'uici' (bourgs) ou des 'oppida' (agglomérations fortifiées) des sous-ensembles des 'pagi'. Les premiers sont des agglomérations importantes , mais qui n'ont pas le statut urbain (de facto et de iure) ; il n'y a pas d'exemples certains d''oppida' ou de 'burgi' dans nos régions.

LES STRUCTURES DE LA VIE ACTIVE

Si des appontements existent plus de cent ans avant l'arrivée des troupes romaines (à Stadtbredimus, sur la Moselle, à l'un des points de passage les plus anciens de nos régions), il y avait, dès ce moment, un commerce, un trafic, des échanges; nous savons que ceux-ci existaient beaucoup plus tôt: le mélange subtil des influences qui se croisent dans les fouilles préhistoriques en témoignent. Les milliers de monnaies gauloises trouvées sur le Titelberg (par centaines et dizaines ailleurs) ne peuvent avoir d'autre explication que le dynamisme d'un commerce régional, parfois supra-régional. Il faut donc admettre qu'il y avait des raisons de s'établir à demeure sur le territoire qui fait l'objet de cet opuscule, plus précisément: de quitter les refuges de hauteur (ou leur voisinage immédiat), les oppida d'époque césarienne, pour se fixer dans le 'Bon Pays',sur les plateaux, en terrain découvert. La prospérité de nos régions est un fait indiscutable; certes, l'archéologie (pratiquée à la manière d'autrefois) ne retrouve souvent que les traces laissées par les couches sociales 'aisées'; mais il semble que, même avec des méthodes affinées, on gagne l'image d'une multitude de gens qui surent tirer profit de la paix romaine et mener une vie à l'abri du besoin. Par Ausone (et d'autres), nous savons que telle était encore la situation au 4e siècle, en dépit des incursions dont il a été question ci-dessus. Le but de ce chapitre est de décrire les principaux aspects de cette prospérité, d'abord dans un cadre collectif, ensuite en milieu plus individualisé.

*Le réseau routier

Des routes ont existé longtemps avant l'arrivée des Romains; ne comportant guère d'aménagements techniques laissant des traces décelables par l'archéologie, elles ne peuvent être qu'entre-aperçues par des témoignages indirects: lignes de force du paysage, gués obligés, habitats. Les découvertes de Stadtbredimus ont montré qu'il y existait un appontement en bois qui remontait au -2e siècle!

On admet aujourd'hui que les Romains créèrent peu de routes, mais choisirent dans le réseau préexistant les tracés qui correspondaient à leurs besoins; ils les consolidèrent et veillèrent à leur entretien. L'ensemble du réseau routier de nos régions dépend de l'innervation par l'axe Sud-Nord, de la vallée du Rhône, par le plateau de Langres, vers la Lorraine, le Gutland et l'Eifel, en direction de Cologne, ou par le Hunsrück vers Coblence et Mayence. La carte que nous reproduisons montre l'importance de cet axe, par rapport auquel le reste du réseau est transversal et donc secondaire. En même temps, la carte montre bien que ces apports transversaux, depuis Augst (Augusta Rauracorum), par Besançon et Vienne complètent l'apport méditerranéen qui suivait le littoral vers Aix et Arles. L'axe Lyon-Dijon-Metz-Trèves-Cologne fut appelé (on ne sait par qui) 'voie d'Agrippa' parce qu'il y eut un moment où Auguste chargea son gendre, M.Vipsanius Agrippa de structurer l'ensemble du réseau, partant de la capitale gauloise; nous ignorons s'il le fit, quand et sous quelle forme . De la préhistoire, le réseau routier garde la multiplicité des itinéraires interchangeables. Il n'y a là rien de bien surprenant, puisque les grands documents itinéraires romains (dont nous connaissons le reflet dans ce qu'on appelle la 'Tabula Peutingeriana', l'Itinerarium Antonini Augusti', la Cosmographie de Ravenne) n'étaient eux-mêmes destinés qu'à assurer une information de base ( 'Il y a une route de A vers B'), laissant à l'infrastructure de communication (bornes milliaires ou leugaires, relais-étapes etc.) le soin de fournir les précisions requises sur place. Entre A et B il n'y avait rarement qu'une seule route; suivant les finalités du voyageur (ou son équipement, ou son humeur ), diverses variantes étaient disponibles.

Examinons d'un peu plus près les liaisons entre Metz et Trèves. Un petit cartogramme (Fig.7) -qui a malheureusement échappé à l'attention d'aucuns- montre qu'il y avait effectivement un 'système de voies' entre les deux points d'aboutissement. L'option fondamentale portait sur la rive droite ou gauche de la Moselle; la route de la rive droite passait le long de la crête des collines (assez élevées), par Merzkirchen, Tawern, et Conz; celle de la rive gauche, par Dalheim et Stadtbredimus, avant de rejoindre la précédente; dans les deux cas, la distance réelle est la même entre les deux cités. L'itinéraire par Dalheim offrait bien des avantages: une seule montée/descente assez forte, le contact avec des agglomérations assez importantes et de nombreuses fermes toutes proches, bref un réseau économique très dense en comparaison avec celui de la rive droite. A partir de Dalheim, une route partait en direction du Nord: elle rejoignait aux environs de Mensdorf la voie Reims-Trèves qui descendait par Munschecker vers Mertert et Wasserbillig.

Afin de clarifier l'impression d'ensemble et de permettre une désignation facile des différentes routes romaines de notre pays, j'ai publié en 1970 la carte ci-dessous (Fig.8): Il y a lieu de distinguer 6 itinéraires de base:

1)RR1 = Metz-Trèves via Dalheim-Bous/Neunkirchen-Stadtbredimus

2)RR2 = Arlon-Trèves, via Steinfort-Cap-Mamer-Strassen-Luxembourg-Hostert/ Niederanven-Mensdorf- Munschecker-Mertert

3)RR3 = Tossenberg-Weiswampach, via Gosseldingen-Mersch-Rost-Schieren-Warken-Michelau-Hoscheid-Hosingen-Fischbach

4)RR4 = Trèves-Belgique, via Wasserbillig-Mertert-Herborn-Bech-Hersberg-Medernach-Stegen-Ingeldorf-Warken-Feulen-Eschdorf

5)RR5 = Altrier-Arlon via Mersch-Finstertal-Noerdange-Hupperdange

6)RR6 = Arlon-Cologne, via Bigonville.

De nombreuses intercommunications relient ces voies entre elles; quand il s'agit d' "affluents" de droite on ajoute un chiffre pair à celui de la voie principale: rr 10 est donc le premier affluent de droite de la Metz-Trèves; rr 11 est le premier affluent de gauche etc.

RICCIACO = ?? Dalheim??

Il est évident qu'un cartogramme à cette échelle ne peut pas rendre compte ni de la totalité des chemins existants ni de leur implantation topographique exacte; pour celle-ci on se reportera aux cartogrammes mentionnés supra ainsi que, bien sûr la "Carte archéologique du Grand-Duché de Luxembourg" Quant au problème -naguère fort débattu, aujourd'hui passé sous silence- du réseau des environs de Dalheim et de l'attribution à cette localité d'un toponyme attesté dans les documents itinéraires anciens, voici ce que j'écrivais en 1976 :

"Dalheim a défrayé la chronique à partir du moment où Jules Vannérus reprit l'ancienne question de l'identification de Dalheim avec le Ricciaco de la Table de Peutinger. Afin de prouver que cette identification est légitime, il employa plusieurs séries d'arguments, depuis les indications des itinéraires anciens jusqu'aux chartes du 10e siècle, en passant par un milliaire, de fantomatiques tessères, la toponymie, l'hodologie etc. Sa thèse étant encore et toujours admise aveuglément par d'aucuns, j'entends reprendre une argumentation que Vannérus disait probante et qui, en fait, peut donner -au mieux- quelques possibles probabilités. Reprenant une idée de VAN WERVEKE, Vannérus attira l'attention sur l'existence d'un toponyme Ritzig à l'Ouest du secteur sur lequel avaient porté les fouilles de NAMUR. Ce toponyme -et d'autres, semblables- sont fréquents et semblent dériver d'un patronyme Ricc- qui l'est tout autant. Il fit état ensuite de deux tessères en plomb répertoriées au CIL xiii sous le numéro 10.029.223 a + b comme provenant de la collection du notaire DUPAIX à Dalheim; ces tessères auraient porté les inscriptions: R CCIAC et RICC, au revers, deux hommes et un sanglier. Malgré huit années de recherches diverses, je n'ai pu localiser aucune trace de ces deux tessères; deux choses me frappent: le CIL ne s'engage pas quant à l'interprétation des tessères et ne rattache nullement R[i]cciac[o] ou Ricc[iaco] à Dalheim. Van WERVEKE non plus n'en fait pas mention dans son étude sur la collection Dupaix dont elles sont pourtant censées provenir . Eussent-elles existé et fussent-elles de Dalheim, leur valeur probatoire ne serait qu'infime. Des quatre itinéraires antiques qui évoquent notre pays, la seule Tabula Peutingerii mentionne, entre Metz et Trèves, les deux stations de Caranusca et Ricciaco, et cela en ces termes:

DIVODVRO MEDIOMATRICORVM-CARANVSCA XLII

CARANVSCA-RICCIACO X

RICCIACO-AVG.TRESVIRORVM X

Il s'avère impossible de maintenir ces chiffres à cause de l'écart exagéré entre Metz et Caranusca; selon la mesure adoptée, celle-ci varierait entre 62,160 et 103,095 km! Si l'on part de l'idée que la répartition des chiffres intermédiaires est inexacte et que le total est peut-être correct, on obtient par addition, le total: XLII + X + X = LXII; sachant la façon cavalière dont les copistes traitaient les textes et surtout les chiffres, il est tout à fait possible que le texte originel ait indiqué d'abord la distance globale Metz-Trèves par le chiffre LXII. D'après le tableau ci-dessous :

la distance totale entre Metz et Trèves pouvait varier entre 90,760 et 153,450 km. Or, la distance à vol d'oiseau mesurée au curvimètre sur un fond de carte au 1:100 000, compte tenu des corrections et redressements nécessaires lors de l'emploi d'un tel procédé et de cette échelle- est de 91,50 km. Ce trajet à vol d'oiseau coïncide d'ailleurs en très grande partie avec le trajet réel de la Metz-Trèves par la rive droite de la Moselle. Que faut-il en déduire? 1° que la Tabula Peutingerii indique ses distances -pour cette partie de l'Empire- en milles de 1.480m, ce qui nous confirme dans notre opinion qu'elle remonte à des documents d'époque haute

2° que, dans notre cas, elle indique la distance globale à parcourir, laquelle correspond à la distance de visée; le copiste tardif s'est trompé lors de la transcription, a sauté la ligne indiquant le total et n'a reporté que des distances intermédiaires, réparties arbitrairement entre des stations-relais dont il ignorait tout

3° que de ce fait, c. à d. de la conception souple d'un itinéraire à plusieurs variantes topographiques, il n'est guère possible de tirer de la T.P. une indication quelconque au sujet de la localisation des stations en question; celles-ci se situent quelque part entre Metz et Trèves sur la rive droite ou la rive gauche de la Moselle.

Sur cette dernière, il y a trois routes principales:

-RR 1, par Dalheim, Bous et le pont romain de Stadtbredimus, rejoint à Helenenkreuz la voie de rive droite

-rr 15, de Dalheim via Witeschbierg vers Mensdorf/ Beyren, où se fait la jonction avec la RR2 (Arlon-Trèves)

-rr 17, depuis Bous jusqu'à Grevenmacherberg, et, de là, avec la RR 2 jusqu'à Mertert, Wasserbillig et Trèves.

Or, mesurées au curvimètre (dans les conditions dites ci-dessus), les distances respectives sont:

On aura remarqué que le parcours par la RR 1 (mixte: rive gauche/ rive droite) comprend rigoureusement le même nombre de kilomètres réels que a* la distance globale Metz-Trèves en visée directe; b* la voie sur la rive droite. Un milliaire placé aux portes de Metz (ou de Trèves) pouvait donc indiquer la distance globale de m.p.LXII tout en laissant au voyageur l'absolue liberté de choisir entre les différents parcours... qui s'offraient dans la réalité . Même les parcours annexes, par la rr15 et la rr17 ne s'écartent au maximum que de 6km de la moyenne générale; même celui qui choisissait ces itinéraires-là recevait des milliaires et des tabulae itinerariae un renseignement globalement correct qui permettait de calculer le nombre de jours qu'il faudrait marcher . Pour en revenir au problème de l'identification entre Dalheim et Ricciaco, il faudra donc dire que les itinéraires antiques n'apportent aucun élément qui puisse être considéré ni comme probant ni même comme convaincant. Deux milliaires (l'un, de Philippe l'Arabe, indique une distance de XVI jusqu'à Trèves , l'autre, de 121, devrait être corrigé de XXV en XXVIII m.p. pour qu'il indique correctement la distance entre Dalheim et Trèves par la rr15) ne changent rien à cette constatation; aucun des deux ne donne le nom de l'endroit où il se trouvait et le lieu de trouvaille reste incertain pour l'un d'entre eux. Restent les documents d'archives (de 936, 962, 963 et 996) qui mentionnent soit un pagus Rizogohensis ou Rezcensis ou Rizzigowi en même temps que des localités dont certaines se trouvent aux environs de Dalheim. La valeur probatoire de ces textes me paraît faible. Ils proviennent d'un milieu et d'une époque où les faux foisonnent, et la notion de pagus est si vague et nos connaissances la concernant sont si floues qu'il est actuellement impossible d'imaginer quelle réalité topographique ces pagi ont pu représenter; en 996, Dalheim n'est qu'une uilla du pagus Moselensis: le nom est donc celui que la localité a conservé jusqu'à nos jours; il l'est déjà dans une charte de 962 ou le predium Dalahem est attribué au pagus Rezcensis. Ceci signifie-t-il que le Ricciaco de la Table de Peutinger est notre Dalheim? Ce la me semble d'autant plus improbable qu'à cette époque déjà, le site antique de Dalheim était abandonné depuis plus de quatre siècles. Le dossier reste ouvert: de grandes fouilles deviendront nécessaires prochainement. Produiront-elles quelque milliaire explicite? Une dédicace de la part des habitants à quelque dieu? Ou des tessères plus tangibles que celles dont il a été question ci-dessus?" Des fouilles ont eu lieu; elles ont produit des résultats appréciables, mais n'ont pas fait avancer la question débattue ici. Je n'ai donc rien à ajouter à mon texte de 1976.

Technologie de la voirie Alexandre WILTHEIM donne une coupe de la RR2 pratiquée " à l'endroit, où, après avoir traversé l'Alzette, en vue de Luxembourg, elle traverse un haut plateau" . (Fig.9) La voie -nous reproduisons, bien sûr, le dessin du ms alpha- a une largeur de 20 pieds luxembourgeois dans la partie supérieure, 28 dans l'assise inférieure. Suivant les auteurs classiques , il distingue, de bas en haut: -un statumen, "composé de pierres plates, mais irrégulières, telles que la carrière les avait produites; ces pierres n'étaient pas engagées dans du ciment mais gisaient de façon désordonnée...dans du gros sable jaune"; "; -un nucleus "fait de pierres plus petites, fortement tassées"; -une ruderatio "en gravier, dont les pierres atteignaient rarement la taille d'un oeuf de poule; elles étaient si complètement noyées de chaux que les pioches eurent de la peine à les entamer"; - au-dessus se trouvait une glarea "un peu plus haute qu'un demi-pied et pilée aussi minutieusement, bien que coupée, à courts intervalles de terre rouge sombre." Et WILTHEIM conclut la description de cette coupe: " Les quatre couches de la route, statumen, nucleus, ruderatio et gravaille, mesuraient en hauteur trois pieds et demi..." Une coupe opérée plus récemment sur le même parcours (notre fig.10) montre que la description de WILTHEIM est fort correcte, mais semble avoir été faite à un endroit où la route avait été moins réparée ; les couches 6, 7 et 8 appartiennent en effet à un corps de voie plus ancien que celles qui s'élèvent au-dessus du statumen. WILTHEIM fit grand cas d'un dispositif technique relativement rare, comprenant "deux espèces de languettes [ qui] partant des accotements, pénétraient en forme d'un coin dans le nucleus et consistaient en gros sable jaune sans ciment ni pierre". Par Vitruve , nous connaissons "des pierres taillées en forme de coin et faisant saillie, placées de distance en distance"; servaient-elles à consolider le corps de la voie? Si j'en crois la description fournie par WILTHEIM, les linguae de Luxembourg-Kirchberg pouvaient servir à évacuer latéralement l'humidité. La coupe de Mamer-'Hirebësch' montre une chaussée nettement plus simple et plus proche du schéma décrit par WILTHEIM (Fig.11). Par rapport aux idées (fausses) reçues assez généralement, on soulignera que: 1° les voies de nos régions ne sont jamais dallées 2° elles ne comportaient qu'exceptionnellement des 'trottoirs' destinés à la circulation des piétons 3° elles ne sont que rarement visibles en élévation, au-dessus du sol; c'est bien le cas de la RR 2 , exceptionnelle à cet égard. Comment orienter une recherche? Si l'on ne peut pas recourir à des photos aériennes , il faut réunir un dossier d'objectif aussi complet que possible, comportant: les cartes anciennes, les extraits cadastraux, anciens et récents; le relevé complet des toponymes . Aucune de ces catégories d'informations, prise isolément, ne peut être concluante; il reste même douteux que l'ensemble, bien mené, atteigne un niveau scientifique suffisant pour dépasser la simple hypothèse de travail . Le seul ouvrage d'art en rapport avec la voirie romaine est le pont romain de Stadtbredimus. En 1960, commencèrent les travaux de terrassement en vue de la construction de l'écluse Stadtbredimus-Palzem ; il fallait élargir le cours du fleuve sur 400m en direction du site dit "Gréin"; dans les alluvions on découvrit deux types de piliers en bois; en 1969 on datait les uns en -168 et -149, les autres vers +30. Depuis, les dendrochronologies ont subi de rudes secousses et, en 1984, l'appontement de 1967/1969 (indûment promu 'Moselbrücke') se datait en -122, un (autre?) pont en +56 . Bien qu'il n'y ait pas de trouvailles archéologiques spécifiques, nous connaissons le charroi de l'époque depuis les monuments funéraires où ils sont abondamment représentés . On distingue principalement des chariots à deux grandes roues de 10 rayons, pour le transport rapide des personnes et les chariots destinés au transport des marchandises; certains de ceux-ci ont des châssis spéciaux pour recevoir notamment de grands fûts. Le charroi romain ignore toute suspension: les couches de gravier et de sable des routes romaines devaient donc amortir les secousses de ces engins peu confortables. Ajoutons que la plupart des déplacements se faisaient à pied et qu'une bonne partie des marchandises circulait à dos d'homme. Les péniches plates (telles qu'elles sont représentées sur le socle du monument d'Igel) transportaient, semble-t-il, des marchandises fragiles (amphores de vins précieux, entourées de paille) ou encombrantes (ballots de laine, peut-être blocs de pierre) . On est en droit de supposer (notamment à cause du monument d'Arecaippus à Bollendorf , représentant un homme assis dans une barge chargée qu'il dirige à la godille) qu'en dehors de la Moselle, la Sûre était navigable sur son parcours inférieur . Les agglomérations Parce qu'on a tendance à attribuer le terme de uicus à toute agglomération comprenant deux ou trois habitats, il nous a semblé utile, voici quinze ans , de partir à la recherche d'une définition capable de décrire les paramètres obligés rentrant dans le concept de uicus. Deux cas d'espèce se présentent: 1° le uicus est attesté épigraphiquement: aucun site luxembourgeois ne rentre dans cette catégorie 2° il y a des raisons archéologiques de supposer qu'une agglomération répondait à certains critères de facto . Dans ce cas, c'est moins la quantité des objets trouvés que la présence de certaines structures qui importe; elles proviennent de l'étude des cas attestés par l'épigraphie : -présence de cadres administratifs: toutes fonctions publiques (notamment la présence d'un seuir Augustalis) a valeur d'indice -dédicaces aux 'grands dieux' (Juppiter, Junon, Minerve, Mercure, la domus diuina : elles sont attestées dans 47,46% des cas examinés; dans seulement 19,24% des cas, des divinités du type mater peuvent suggérer un état de moindre romanisation; les uici sont caractérisés par la fréquence des accumulations dédicatoires qui tablent sur l'effet d'association et de conjonction des forces divines au bénéfice des dédicants -dans 69,24% des cas examinés deux ou plusieurs personnes font poser une dédicace: le fait communautaire s'exprime donc nettement -on ne s'étonnera pas que les bâtiments cultuels soient considérés comme un indice positif: ils sont attestés dans 61,54% des cas -l'épigraphie montre que d'autres bâtiments publics entrent en ligne de compte: un arc, des bains, un gymnase, un théâtre, une enceinte sont des jalons de l'étude convergente des symptomes qui permettent, s'ils s'additionnent, de conclure à l'existence probable d'un uicus de facto. C'est le cas de Trèves jusqu'à l'époque claudienne, de Dalheim, Mamer-Tossenberg, du Titelberg d'époque romaine, peut-être d'Altrier, Bous, Diekirch, Echternach, Mersch, Medernach, Steinfort, Hostert. Dans la plupart des cas, notre documentation est si gravement insuffisante qu'il faut bien s'en tenir aux quelques cas plus récemment étudiés et donc plus susceptibles de confirmer et de compléter notre définition. DALHEIM Par son étendue, l'importance des dizaines de milliers d'objets trouvés, sa situation géographique, par son rôle dans l'archéologie luxembourgeoise, Dalheim mérite d'être présenté en premier lieu . C'est l'aménagement de ce qu'on appelle la 'route des trois cantons' qui amena, en 1850, la découverte de restes considérables de constructions d'époque gallo-romaine, aux lieux dits: 'Felsgaart ' , 'Im Schmitzberg' et près de 'In Putzelt' . J'ai transcrit les données concernant 'Im Schmitzberg', reproduites à trés petite échelle(Fig.13) : on distingue le caractère urbain (A et B) de ces lotissements et leur parfait alignement , voire l'existence de rues (C). "Selon Alexandre WILTHEIM, il y a lieu de distinguer sur le plateau dalheimien muri et moenia, des murs et des murs de fortification. Il ajoute qu'il a fait fouiller à l'endroit où le chemin qui monte du village atteint le plateau, une partie du mur d'enceinte romain. Ce mur avait, semble-t-il, entre 2,20 et 2,50m de large, était appareillé sur les deux faces extérieures au moyen de pierres dont la partie postérieure était taillée "in pyramidem". Nous n'avons aucune raison de mettre en doute ces assertions dont personne jusqu'ici n'a tenu compte. Or, il est intéressant de constater que le Mur d'Hadrien, dans la partie qui relie Chesters, Housesteads et Birdoswald a non seulement une largeur de 2,286m, mais présente une structure qui rappelle de près l'évocation d'Alexandre Wiltheim: "Lapidum frontes quadrangulae in longum ordinem cubantes explicantur. Terga lapidum in pyramidem cuneata mordebant calcem" . La structure interne du mur correspondait, elle aussi, parfaitement à celle du 'Narrow Wall', à blocage régulièrement disposé et noyé dans la chaux....[Alexandre WILTHEIM] ajoute qu'on lui a raconté que des gens du pays se rappelaient qu'entre 1580 et 1600 "stetisse ibi turrim portis duabus quibus iter ad castrorum loca peruium...et uero et altero turris latere ascendentibus muri uestigia sese offerunt haud amplius dupondio terra obruta." La tour n'appartenait donc pas à la légende, mais restait constatable... L'existence -à mon avis désormais hautement probable- d'une enceinte fortifiée à Dalheim pose, par voie de conséquence un problème de chronologie. L'architecture du mur d'enceinte ne relève pas des constructions assez hâtives faites au lendemain ou à l'annonce des grandes invasions germaniques ni ne rappelle les murs d'époque très haute qui conservaient la technique des poutrages de bois héritée de la protohistoire. Ceci étant, elle pourrait donc bien appartenir au milieu ou à la deuxième partie du second siècle; époque du plein épanouissement de la bourgeoisie provinciale..., mais époque aussi d'une menace qui amena Trèves à s'entourer de murs; époque enfin du 'prestige urbain' que conférait une enceinte de belle facture dressée à l'endroit d'une éventuelle vallation antérieure." De 1863 à 1865, DUPAIX, clerc de notaire, fit faire des fouilles au l.d.'Pëtzel': seule une construction octogonale concentrique -sans doute un sanctuaire - à laquelle peut se rapporter une inscription en l'honneur de la maison impériale, de 'Juppiter Très Bon Très Grand', de Junon Reine et de Minerve. L'été de 1976, exceptionnellement sec, fit réaliser des photos aériennes qui permirent de mieux cerner la petite zone-sanctuaire entamée par DUPAIX et d'obtenir une impression d'ensemble des secteurs construits sur la frange Nord du plateau. En 1979, Jean KRIER fut chargé des fouilles de Dalheim; elles produisirent un important matériel d'époque haute: des monnaies gallo-romaines du type GERMANUS-INDUTILLI, une vingtaine de monnaies d'époque augustéenne (ateliers de Nîmes et de Lyon), des fibules à spirale et à charnière, un fragment de harnachement de cheval en bronze (Fig.14), de la céramique, qui permettent d'envisager une origine de l'agglomération dalheimienne dans la première partie du +1er siècle . Il est manifeste que c'est à cette époque que la RR1 était transformée en voie principale reliant Metz et Trèves; il était normal que des gens viennent s'installer à un point- carrefour dont est né le uicus ultérieur. Dans la mesure où les habitats de la première époque étaient encore (au moins partiellement) construits en bois, (notre fig.15 montre les trous de poteaux ,les puits et les 'Vorratsgruben'relevés par les fouilles de 1979) . On les imaginera (peut-être) semblables à ceux du Titelberg de l'époque protoromaine. On savait qu'au lieu dit 'Hosse-Gronn', en contre-bas du plateau dalheimien, des 'pierres romaines' continuaient à être (plus ou moins clandestinement) sorties de terre; des restes d'une carrière pouvaient même remonter à l'époque romaine. En 1985, des travaux de construction menèrent à la découverte (Fig.16, les parties en noir) d'éléments d'un théâtre dont le diamètre intérieur était de 100 pieds (29,70m), l'extérieur de 210 pieds (62,40m). Le mur de scène (frons scaenicus) appartenait à une construction de 11,60 x 5,70m . D'après les fouilleurs, le théâtre aurait été construit, dans sa première version, dans la 2e moitié du +1er siècle; la deuxième version appartiendrait à la deuxième moitié du 2e .La cauea aurait pu accueillir 3.500 spectateurs. Dans l'état actuel des choses, le uicus de Dalheim se présente donc de la façon suivante (Fig.17): Une longue rue Nord-Sud parcourt l'agglomération; sur sa droite (vers l'Est), la photo aérienne a permis d'identifier de longues parcelles (non fouillées), un téménos où l'on discerne au moins cinq sanctuaires dont l'un, sur plan parallélépipédique peut avoir eu un aspect plus méditerranéen que les autres appartiennent visiblement au type fanum gallo-romain courant. Il semble qu'à l'Est téménos et zone d'habitat soient limités par un mur de clôture; à gauche (c.à d. à l'Ouest de la rue principale), on retrouve les longues parcelles qui correspondent à un lotissement général qui, tout en tenant compte des dénivellations du terrain aux environs de 'Leichewé', a dû, sytématiquement englober l'ensemble du plateau. C'est dans ce secteur aussi que se trouvent, les maisons plus anciennes, mises en évidence par les fouilles de 1977-1985: elles aussi sont orientées sur l'axe fondamental qui semble avoir structuré l'ensemble. Il n'est pas exclu que le bourg se soit étendu vers le Nord, aux environs du théâtre; j'ai toujours soutenu qu'il s'étendait vers le Sud et, plus que probablement vers l'Ouest. Il se trouvait dans une région d'occupation du sol assez dense; c'est ce que montre un cartogramme établi par J.METZLER en 1978 (Fig.18) : les carrés noirs signalent des sites romains plus ou moins importants, les demi-cercles de nombreuses 'mardelles', c'est à dire (au moins en partie) des habitats protohistoriques . J'ai résumé sous forme d'un cartogramme (Fig.19) les connexions routières du bourg de Dalheim. La grande route RR1 arrive par le Sud, par 'Lémillen'; elle continue par Welfrange vers Neunkirchen et Stadtbredimus. La rr15 passe par 'Napoleonshut', 'Witeschbierg' (forte descente!), 'Doudewé' vers les pentes du Widdebierg. Le détour par Syren permet d'éviter la pente raide du 'Witeschbierg'. Les routes qui mènent vers l'Ouest établissent la communication avec le site qui porta plus tard la ville de Luxembourg et le Sud du pays (Titelberg). Le 28 mai 1855, Guillaume III, roi Grand-Duc vint à Dalheim inaugurer un monument commémoratif destiné à rappeler et la présence de Rome ( sur la face Ouest: "Rome a campé sur ce plateau") et l'action des fouilleurs (sur la face Nord: "...ingentes post effossas/ hic aere publico substructiones e..." . Composé de blocs découverts en 1854 et représentant plus que probablement les restes de la tour-porte que WILTHEIM avait mentionnée, le socle du monument supportait une colonne de 5,30m de haut (et de 1,50m de large), couronnée par un aigle (les ailes, à demi déployées avaient une envergure de 1,54m !) juché sur un globe qui avait le respectable diamètre de 1,20 m. WURTH-PAQUET, JURION, ENGLING, ARENDT, BOCH-BUSCHMANN, le curé DOENER, DUTREUX, DE LA FONTAINE, MUENCHEN, NEYEN, PAQUET, ULVELING, NAMUR (le fouilleur) représentaient la 'Société Archéologique' . On aurait, certes, mieux fait d'utiliser à une nouvelle campagne de fouilles le peu d'argent disponible! Par Jos.GOEDERT , nous savons que dès l'époque, il y avait eu des voix allant dans le même sens , que l'ensemble avait fait l'objet de controverses au sein desquelles le prince Henri, lieutenant du Roi Grand-Duc dut trancher; il obtint qu'aucun coup de canon ne fût tiré "afin que les chevaux ne causent pas de malheur" et que l'on précisât bien que l'aigle "soit bien l'aigle romaine et pas l'aigle de l'Empire français." "Au lendemain des fêtes il faut régler les dépenses, ce qui ne va pas tout seul. Des controverses naissent également au sujet des proportions de l'aigle, du choix du fondeur et même du métal... Des défectuosités ont été remarquées dans l'exécution des inscriptions (lettres de trop, etc.)..." Il est dommage que des velléités qui se manifestèrent vers 1864 n'aient pas mené à une action de quelque envergure. L'ingénieur MERSCH semble avoir fait des travaux de recherche (souvent mentionnés dans les RdC) qu'il aurait importé de vérifier sur le terrain; les 'recherches' menées par Ernest DUPAIX, alimentèrent les collections de celui-ci; elles parvinrent au musée de Luxembourg en 1899 . Le bourg gallo-romain de Dalheim a fourni un nombre appréciable d'inscriptions parmi les quelles il nous importe de mentionner brièvement, d'abord celles dédiées aux dieux: à la MATER DEVM (la Cybèle d'Asie Mineure) et à Mercure (IAL 28), le dieu le plus honoré dans nos régions , par un Antonius Martialis; à Némésis, la déesse du destin militaire, par un Sabinus (IAL 37); à I.O.M. (ce qui signifie:I(ovi) O(ptimo) M(aximo), à Juppiter Très Bon Très Grand), et à Junon et Minerve (IAL 41, sur une petite plaque en bronze votive): c'est ce qu'on appelle "la triade capitoline", les trois grands dieux de Rome, tels qu'ils sont réunis dans le grand sanctuaire de Rome. Une telle inscription atteste presque à elle seule de l'importance du bourg à qui elle contribue à faire conférer le titre de vicus de facto. L'inscription IAL 44 associe la domus diuina, la maison impériale et Mercure Adiutor; dans IAL 54, hommage de Victoria à la victoire! Dans IAL 58, mention (probable) de dieux assez rares: les di Casses honorés par un Tessilinius (?); en IAL 60, invocation de la maison impériale et de Iuno Regina; un fragment de cette inscription, lu au Musée de Luxembourg le 15 octobre 1968, permettrait de suggérer que le dédicant fût un SIGNINIVS qui finança l'inscription (et peut-être le bâtiment sur lequel celle-ci était fixée) de suo, c. à d. de ses propres deniers. De Dalheim, proviennent plusieurs de nos Eponae (cf. infra): le culte de cette déesse purement gauloise, à peine traduite en termes d'iconographie et de théonymie latines, s'accorde bien de petites zones-sanctuaires comme celle que les fouilles récentes ont dégagées au Nord du bourg; elle montre bien le phénomène de permanence culturelle que l'on rencontre partout, sans qu'il soit opportun le moins du nmonde de parler de 'résistance à la romanisation'; au contraire, l'intégration non conflictuelle de telles divinités dans la pratique cultuelle constante et publique en atteste l'existence harmonieuse. Les fragments d'angles de corniche, de corniche, les colonnes, les entablements, les chapiteaux conservés au Musée de Luxembourg montrent, par ailleurs, qu'il y eut quelque part un sanctuaire d'assez grandes dimensions, et, sans doute, de facture méditerranéenne. MAMER-'TOSSENBERG' " Des travaux de lotissement ont bouleversé un site gallo-romain au nord-ouest du 'Tossenberg', près de Mamer. La mauvaise saison ainsi que la progression rapide des travaux ont empêché des fouilles systématiques. Une pièce hypocaustée, un canal ainsi que les restes d'un four de potier ont été constatés. Le matériel trouvé (poteries, fibules, monnaies) date du 2e-3e siècle." Sous le titre "Le 'scandale' du Tossenberg" j'écrivis alors un éditorial dont j'extrais le passage suivant: "Evoquant les trouvailles faites et le résultat des fouilles menées par le gouverneur de la Fontaine sur le plateau du Tossenberg dans le "Courrier du Grand-Duché" à la date du 14 août 1844, Antoine NAMUR écrivait: "Die grosse Anzahl calcinirter Knochen, die man entdeckte der weite Erdraum, über welchem die Urnen aufgestellt waren, gestatten nicht, diese Ueberreste zu betrachten als die Spur eines einfachen Vorübergehens. Die Römer begnügten sich nicht damit, auf der schönen, die umliegenden Anhöhen beherrschenden Bergebene Strassen's vorüberzuziehen; sie errichteten daselbst auch eine Station als Rast-& Ablösungspunkt zwischen Niederanven und Arlon." Jean ENGLING ajoutait: "Wo aber und welches dieser Aufenthaltsort, ob es ein einziger oder mehr als Einer, ob es eine Statio, oder Mutatio oder Mansio oder Villa, oder ein Vicus oder ein Heerlager gewesen sei, kann nicht durch den deutlichen Buchstaben der Geschichte bestimmt sondern nur durch die Alterthumsreste, die der dunkle Erdschoss birgt und zuweilen an's Tageslicht bringt, errathen werden." L'actualité archéologique a remis ces remarques et ces hypothèses au goût du jour. Fin mars de cette année [1973], des travaux de terrassement entrepris en vue d'une rectification de la route internationale E9 au l.d. Tossenberg, ont amené la découverte de substructions indubitablement romaines; il s'avéra difficile de stopper les travaux; il y eut des tractations entre les Ponts & Chaussées et le secrétariat d'Etat aux Affaires Culturelles; finalement les archéologues obtinrent un répit de 7 jours...Dès la première heure il était pourtant certain qu'on ne se trouvait pas en présence d'une villa mais d'une agglomération....Le scandale du Tossenberg ce n'est pas que le passé compte si peu en face des bulldozers du progrès; ce n'est pas l'absence de coopération et d'échange entre les services publics: on peut y remédier facilement; ce n'est pas qu'on construise aujourd'hui une route coûteuse que l'autoroute, demain, aura rendue inutile; ce n'est pas que de tels chantiers soient ouverts sans qu'un observateur qualifié y représente les intérêts de l'Histoire. Le scandale du Tossenberg, c'est le comportement inqualifiable de centaines de gens qui ont défilé là-bas, piétinant et ramassant, jugeant souverainement ce dont ils n'ont pas les premières notions..." Malgré la conjonction des incompétences, de l'indifférence publique et privée, le 'progrès' mis au service de la destruction, les archéologues réussirent à sauver du naufrage les éléments qui nous permettent de dire que ce versant du Tossenberg portait un uicus et d'en fournir une brève description . Le plan général (Fig.20) représente (en zone hachurée) la surface (irrégulière) apparemment occupée par le vicus, par rapport auquel les thermes du l.d. 'Woosen' étaient en position excentrique . La RR2 traversait l'agglomération qui est comme délimitée au Nord par la RR3 ; celle-ci se continuait vers le Sud-Ouest, en direction du Titelberg ; un diuerticulum reliait les deux systèmes suivant la pratique que nous avons illustrée ci-dessus pour les environs de Dalheim. Une nécropole au Nord et une autre au Sud du vicus achèvent d'en délimiter l'étendue; en effet, de temps immémorial, il était interdit d'ensevelir les défunts à l'intérieur d'une agglomération . Nous reproduisons ci-dessus, en fig.21, un croquis dû à J.ZIMMER, donnant une bonne impression d'une partie de ce bourg. La présence des thermes, l'alignement de l'habitat sur la rue principale, une distribution perpendiculaire du parcellaire le long de celle-ci sont des indices probablement suffisants pour l'attribution du statut de uicus de facto. L'existence de surface non bâties assez considérables, de puits et de citernes, de canaux abducteurs et de traces de bâtiments qui peuvent avoir été des remises ou des ateliers donnent une idée de la base économique des habitants celui-ci. Les éléments les plus anciens semblent appartenir au plus tôt au milieu du +1er siècle; l'occupation du site semble avoir été continue jusqu'au 4e. La découverte la plus remarquable est, certes, celle de la seule installation thermale de notre pays . C'est en 1974-1975 qu'au l.d. 'Woosen' des travaux de canalisation menèrent à la découverte de restes de constructions qui purent, grâce à l'obligeance de la commune de Mamer, être dégagées, plus tard aménagées. On connaît une construction en bois antérieure aux bains: une poutre d'appui mesure 4,40m de long et 40cm de large; des évidements à équidistance de 2m ont permis d'imaginer (notre fig.22) la disposition en élévation de ce système de colombages noyés de mortier. Le fait que la couche supérieure à celle qui recelait les restes en bois soit datable dans la deuxième moitié du +1er siècle fait supposer que ceux-ci sont plus anciens. Vers la fin du siècle, on construisit la première version des bains. (Fig.23) Il s'agit de trois grandes pièces (2: caldarium , 3m,40 x 4,50m; 3: tepidarium , 3,30 x 4,50m; frigidarium , 4,30 x 4,50m) disposées en enfilade, suivant la règle la plus classique pour ce genre de bâtiment (qui couvre une surface totale d'à peu près 13,80 x 5,90 m); on entrait par le côté Est, le plus frais. La niche semi-circulaire de la salle chaude est, elle, exposée plein Sud pour recueillir un maximum de chaleur. L'espace carré (1,80 x 1,80m) situé à l'Ouest, partiellement taillé dans le rocher et entièrement revêtu de planches en chêne épaisses de 6cm, semble avoir été un bassin de décantation destiné au filtrage mécanique de l'eau amenée aux bains . La chaufferie (1, au Nord), stockait le bois et alimentait le chauffage (praefurnium) qui échauffait l'air qui circulait ensuite sous les dalles du sol (dispositif dit 'hypocauste'). Ultérieurement, la salle froide fut précédée d'un vestibule (apodyterium), puis les trois salles flanquées d'une longue construction au Nord, enfin (période II E), toute la partie avant développée démesurément, jusqu'à atteindre quelque 30m de largeur en façade. L'on doit à J.ZIMMER un essai de reconstitution graphique de la façade Est (par laquelle le visiteur abordait le bâtiment) que nous reproduisons en fig.24. Le bâtiment thermal n'avait pas terminé sa carrière! Peu vant le milieu du 4e siècle, il fut transformé (phase IV) en une vaste construction de 29 x 17m, précédée d'un hall de 15 x 13m. D'après J.METZLER, le bâtiment aurait alors servi de grenier à blé. Parmi les objets trouvés à l'occasion des fouilles, relevons deux inscriptions, dont l'une au moins a une importance certaine, puisqu'elle représente l'une de nos dédicaces à la DEA MATER DEVM, la 'Grande Mère' des dieux, Cybèle d'Asie Mineure . Julianus lui dédia une inscription en même temps qu'à la DOMVS DIVINA, la maison impériale; tout en faisant foi d'appartenir à ce culte oriental, Julianus n'était pas trop au courant des pratiques théonymiques puisqu'il était superflu d'appeler 'dea' la mère des dieux! Il nous livre donc un aperçu (corroboré par de fréquents cas semblables) sur l'état de culture de l'époque: on connaissait les dieux étrangers, on les honorait, on les nommait... sans trop mesurer la portée exacte des mots que l'on demandait au lapicide d'utiliser. L'inscription dont nous parlons est relativement mal faite, si bien qu'il ne sera pas trop osé de l'attribuer au 3e siècle, peut être même au premier quart du 4e. L'autre inscription , un peu plus soignée (et donc sans doute antérieure) a été faite par un [Lito]genus (?) qui était mercator, marchand. La statue d'un homme nu, debout, flanqué d'un griffon et s'appuyant sur une sorte d'autel-encensoir (autour duquel se love un serpent) peut représenter un Apollo Medicus. .De Mamer, WILTHEIM connaissait un fragment de statue représentant une déesse (cf. fig.25) du type Fortuna , et deux scènes en provenance d'une colonne à Juppiter , représentant deux danseuses, l'une jouant des crotales, l'autre charmant (peut-être) un serpent; enfin un relief montrant deux époux unis devant la mort, l'homme en manteau gaulois, tenant une bourse, symbole de prospérité, la femme en toge, tenant un flacon, symbole de vie. LE TITELBERG "Parmi les camps antiques, un troisième site attire l'attention par l'importance de ses ruines...Ce site s'appelle Tittelberg, un nom de lieu qui a provoqué bien des jeux de mots séduisants! Il y en a qui le font dériver de 'Titi mons', mont de Titus, d'autres de 'Tetrici mons', montagne de Tétricus; ces derniers croient que Tetricus y ait eu un camp parce que de nombreuses monnaies de cet empereur y ont été découvertes. Grâce au même argument, je pourrais attribuer à cet empereur le camp de Dalheim : ici également, la terre produit continuellement des monnaies de Tétricus! Et il y eut aussi ceux qui cherchaient sur notre site un camp de Titurius , général illustre de l'armée de Jules César. J'avoue que, d'une certaine façon, il y a quelque chose de romain dans le nom de Tittelberg; mais le site mérite notre attention plus par l'importance de ses ruines que par son nom. Il convient de remarquer d'abord que la configuration du sol correpond aux exigences de Végèce pour la construction des camps: site de hauteur, large panorama par lequel le Tittelberg domine les environs; à proximité immédiate, des forêts et des champs qui peuvent à tout moment fournir du bois et l'alimentation nécessaire; la montagne elle-même a des flancs abrupts donnant sur des vallons qui ne permettent pas d'attaques par surprise; sur deux côtés s'ouvre un accès: naguère encore, aux deux endroits, subsistaient des restes de portes. Partout où la nature ne procurait pas de verrouillage, un rempart artificiel fut aménagé. De ces murs et du système de défense, il reste des ruines qui mesurent à peu près 40 pieds. L'espace intérieur est à peu près carré, un peu plus long que large et comprend environ 400 jugères. Au milieu de l'un des côtés extérieurs, là où le plateau présente une inclinaison assez nette, jaillit une source vive et abondante. Naguère encore, il y avait ici (au milieu d'amoncellements, de ruines de constructions et sur des aires bétonnées) des restes de tuiles, de poteries, de briques tellement enchevêtrés que, de quelque côté qu'on se tournât, l'on devait les empiéter. Des chaufourniers les ont entre-temps enlevés; les tuiles ont été employées à la couverture des maisons, les poteries furent vendues. Je ne veux pas m'attarder ici aux monnaies: on en a trouvé de Tibère , Caligula , Trajan , Galliénus , Victorin , Postume , des deux Tétricus , de Constantin, Constnce et Constant, et cela en très grandes quantités. A cela il faut ajouter les poteries suivantes: il s'agit de deux récipients jaune-cendre sans anse; d'un flacon en verre tenant six six de nos setiers et d'un balsamaire plein d'une substance odorante. Le récipient en verre était conservé jusqu'à une époque très récente dans la très-noble maison d'Arnoult; à présent il est malheureusement cassé. Le couvercle seul s'offre à notre admiration; il est conservé à la bibliothéque de notre colloque; j'en joins un dessin [notre fig.24] ainsi que de l'une de ces urnes. Au Tittelberg, on découvrit en outre le support d'une coupe de couleur rouge portant en estampille le nom de son fabricant: COMINIVS. Il y a, par ailleurs, une assiette fort intéressante en poterie rouge vernie, ayant un diamètre de 14 onces, une hauteur d'une once; l'objet ressemble plutôt à une assiette qu'à une coupe plate; elle vaut d'être reproduite dans ses dimensions d'origine ..." Le texte wiltheimien est remarquable à bien des égards (et l'étude en aurait épargné à plus d'un le ridicule d'erreurs grossières): 1° par l'importance qu'il accorde au site, remarquable 2° par la vigueur avec laquelle il rejette les sornettes fabriquées autour du toponyme 3° par l'observation de plusieurs 'détails' qui me paraissent très importants: -l'importance des ruines visibles, véritables amoncellements recouvrant des restes de constructions: en 1755, l'abbé DE FELLER écrit (dans l'un de ses récits de voyage, inédits): "Sur le Titelberg, on voit encore les restes d'un camp romain: l'enceinte de ce camp, qui était un mur, est aujourd'hui couverte de haies et de broussailles; le reste se laboure"; -ces ruines sont attribuées à deux catégories d'origines: les 'murs de maisons' et les moenia, les murs de fortification, le "rempart artificiel" dont parle le texte; des traces de portes restaient visibles en deux endroits -les monnaies sont considérées comme l'étalon par rapport auquel on juge de l'activité (et donc, dans un sens, de l'importance) du site; avec elles, la céramique joue le rôle d'indicateur de prospérité. WILTHEIM a commis plusieurs bévues: -il prend ce qu'il a vu pour un 'camp' romain; c'était l'idée fixe commune à tous, jusqu'à la brillante synthèse de Gabriel WELTER , parue en 1907 et qui en fit justice; nous avons vu ci-dessus qu'il fallut que Jules Vannérus menât la même démonstration pour Dalheim; elle ne fut jamais franchement engagée pour Altrier dont nous reparlerons plus loin; -les chiffres fournis sont plus que suspects: des murs de 40 pieds peuvent avoir existé, à condition qu'il s'agisse d'une mesure en longueur; mais 400 jugères représenteraient plus de 100 hectares, c'est à dire le double des surfaces mesurées par les géomètres modernes pour l'ensemble du Titelberg ; l'erreur est d'autant plus décevante que l'on aurait aimé savoir si les ruines signalées se répandaient sur l'ensemble du plateau ou se concentraient à quelque endroit précis; jusqu'à nos jours, en effet, la superficie occupée par le vicus reste inconnue. Par Gabriel WELTER nous savons qu'avant les fouilles de Charles ARENDT , faites en 1907 mais publiées après la guerre, il n'y eut pas d'intervention archéologique digne de ce nom sur le site ; ARENDT fouilla en plein milieu du plateau. Il dégagea (cf. notre fig.26) un bâtiment parallélépipédique de quelque 18m de long sur 5 de large, subdivisé en 4 locaux, dont l'un était chauffé. Les trouvailles préhistoriques et protohistoriques accaparèrent ensuite presque toute l'attention des fouilleurs (et des nombreux 'chercheurs' clandestins qui ramassaient et emportaient tout ce qui leur tombait sous la main (ou sur le détecteur de métaux, ouvertement -et impunément- utilisé), quitte à le vendre plus tard au musée ou à des collectionneurs privés! Ce n'est qu'à partir de 1968 que des travaux sérieux furent entrepris: une petite exposition organisée au Musée d'Histoire & d'Art par Gérard THILL avait ranimé l'intérêt du public pour le plus prestigieux... et le moins éloquent de nos sites. L'établissement d'un verrier, puis des habitats divers purent être fouillés, notamment avec l'aide d'un groupe d'enseignants et d'étudiants américains. Grâce à Jeannot METZLER, certains éléments (rempart, vicus, céramique) purent être étudiés; on obtint ainsi, enfin, la seule impression véridique du site massivement caractérisé par ses trouvailles d'époque romaine . Etait-ce un uicus? L'activité économique y est bien attestée: en 1968, les fouilles du Musée dégagérent une "cave B" de 3,48 x 3,10 x 3,38m. (Cf. notre fig.27), creusée dans le roc; les murs sont parementés de moellons en calcaire régional; Au milieu, un "enfoncement presque rectangulaire dont les bords sont rougis par le feu". G.THILL laisse entendre que la cave en question peut être mise en rapport avec les creusets conservés au musée, les larmes de verre provenant de la fabrication du verre et les verres eux-mêmes conservés au musée de Luxembourg . Les fouilles menées de 1968 à 1974 ont dégagé une petite zone (notre fig.28)au sein de laquelle on discerne, aux environs de la 'cave du verrier' (marquée d'une flèche) l'ombre de trois ou quatre constructions rectanglaires qui ont une une façade de plus ou moins exactement 7,80m, des murs latéraux soutenus par 14 poteaux (maison 2) sur une distance d'environ 16m. Le soliveau d'appui est à demi enterré dans un fossé aménagé à cet effet; les montants s'y ancrent à intervalles réguliers; les poteaux semblent avoir eu une section de 20 à 25cm, les trous de 30 cm. Des restes de clayonnages recouverts d'argile montrent que la face externe de ces maisons était ainsi protégée contre les intempéries. Nous reproduisons en fig.29 le croquis de restitution proposé par les fouilleurs ; Il est évident qu'il n'a qu'une valeur indicative très générale. Du point de vue de la datation, les restes mis au jour par les fouilles appartiennent à l'époque proto-romaine, c'est à dire à cette longue période de transition qui va du départ de César (-50), au moins jusqu'à l'époque de Claude (+50), sans doute jusqu'après les événements de +70. L'un des éléments les plus spectaculaires du site Titelberg étant l'enceinte, il nous paraît utile de faire état des recherches concernant ce sujet. Notre fig.30 reproduit les restitutions graphiques proposées par J.METZLER ; il y aurait donc eu d'abord (I), un mur en bois précédant un coffrage rempli de terre; ensuite une chétive palissade (II) sur un monticule à peine surélevé; ensuite (III) apparaît la pierre; la face tournée vers l'extérieur est parementée de rangs de pierre soutenus par des poutrages enfoncés dans la vallation interne; enfin un grand dispositif (IV) incliné suivant la pente de la vallation interne; enfin (V) une version allégée à structure perpendiculaire par rapport à la vallation interne. Nous voulons faire abstraction ici de l'épineuse question de savoir si les fouilles exécutées (avec beaucoup de courage, mais des moyens toujours insuffisants) admettent des caractérisations aussi nuancées ; il nous importe d'en discuter la datation. J.METZLER écrit: "Bei unserem heutigen Wissensstand müssen alle Aussagen über die Datierung der einzelnen Bauperioden des Hauptwalles des Titelberges mit äusserster Vorsicht formuliert werden. Das Bodenbruchstück eines Henkelkruges... sowie die Scherben einer italischen Amphora... in den Auffüllschichten von Periode V belegen, dass die letzte Wallaufhöhung zu einem Zeitpunkt durchgeführt wurde, da römischer Import und römische Formen im Treverergebiet verbreitet waren." Il propose ensuite l'époque entre le départ de César et les campagnes transrhénanes de l'époque augustéenne comme convenant à cet ultime type de rempart. La version IV serait "spätlatènezeitlich", terme qui, appliqué -par le même auteur- aux habitats du même Titelberg, s'étend jusqu'au milieu du +1er siècle. Il faudrait donc se demander si deux fragments de céramique sont à mêmes de fonder une chronologie (absolue) sur un point aussi délicat. Citons plutôt J.METZLER quand il décrit les deux dernières formes de l'enceinte: "Pour la construction du quatrième rempart, d'importants déplacements de matériaux étaient nécessaires. Derrière le parement en blocs de calcaire de Haut-Pont et de calcaire d'Audun-le-Tiche et un blocage de pierres, la fouille a révélé un poutrage d'une largeur de près de 11m. Les troncs d'arbres transversaux étaient inclinés vers l'intérieur de l'oppidum, ce qui devait améliorer la statique de la partie frontale de la construction...Avec la rampe arrière, cette fortification atteignait 22 m de largeur. L'inclinaison de ces couches permet d'estimer la hauteur du mur de front extérieur à plus de 6m...Le mur de font de rempart[sc.V] ne se situait pas, comme dans les périodes précédentes en avant des parements antérieurs, mais sur la crête de la levée des décombres des anciennes fortifications. Le parement était relié à des murs transversaux érigés sur la rampe arrière ...de la 4e période. Les creux de ces caissons variant de 1m à 1,40m, étaient comblés de couches de terre et de pierraille séparées par des dallages en plaques de calcaire." Il est permis de considérer le dispositif IV comme proche du murus gallicus (assez sommairement ) évoqué par César; puisque le fouilleur observe qu'il ne fut pas détruit mais tomba en ruines, le phénomène cadre bien avec le déclin d'une certaine aristocratie trévire que César avait d'abord soutenue (voire rétablie), ensuite abandonnée au profit de l'autre groupe, plus ouvert à son nouveau style d'aménagement de nos régions . Si la rupture est consommée en -55/-54, il est évident que ce n'est pas cette année-là que le mur du Titelberg s'effondra; ce n'est sans doute qu'à l'époque des tombes de Goeblange-'Scheierheck' que l'on fixera cet épisode (très provisoirement) terminal. Alors que les tombes C et D contiennent encore un mobilier franchement traditionnel en milieu trévire du Latène finissant ,la tombe A contient encore un matériel d'importation indiscutablement italien (Arezzo), la tombe B appartient franchement à un contexte en cours de romanisation. J.METZLER propose de dater les tombes A et B autour de -20, B peut-être un peu plus tard. Des environs du uicus proviennent les mobiliers de 45 tombes dont il faut rapprocher les 225 fibules naguère publiées par G.THILL ; dans le lot, des 'Distelfibeln' (notre fig.31) datables au plus tôt de +43 à +48. Du Titelberg provient un poignard de légionnaire conservé au Musée Royal d'Art & d'Histoire' ('Cinquantenaire') à Bruxelles. Il est tout à fait douteux que les 50 objets classés parmi les militaria soient tous effectivement à considérer comme tels; en plus, leurs provenances sont quelquefois obscures . Du Titelberg proviennent un certain nombre d'inscriptions qui attestent de l'importance du site et nous permettent de connaître quelques aspects de la vie quotidienne en ce lieu. Les dieux d'abord: Apollon, dieu de la lumière, des arts et de la santé est invoqué sur un peson (IAL 124) qui a dû servir de contre-poids à quelque machine assez volumineuse (métier à tisser?); sur une bague en bronze (trop grande pour avoir effectivement servi à sa destination naturelle), on lit: D M CVLTOR / EIVS (IAL 125). On pense qu'il faut lire les deux lettres de la première ligne: D M; je pensais plutôt à Mithra. Disons, à toutes fins utiles que l'inscription CIL XIII 540*, p.52, invoquant Juppiter Très Bon, Très Grand, Vespasien et les soldats d'une 5e légion, est un faux, déjà condamné par CAGNAT, ROBERT et KEUNE . La plus célèbre des inscriptions en provenance de notre site est celle que nous avons déjà mentionnée: un Sabinus qui est seruus publicus (IAL 123) honore le Genius Vosugonum. Une inscription très fragmentaire (IAL 122) peut se lire de la façon suivante: [VALE]RIO AVG STO.FIL(io) D]EFV[NC]T[O SATV]RNINIA ...MAT [ER F(aciendum) C(urauit)] Saturninia, sa mère, a donc fait poser un monument funéraire inscrit, dédié à Valerius Augustus, son fils défunt. Une autre dédicace, de facture tardive (IAL 121) porte simplement le nom d'une IVLIA IVLLA, fille de Pothus ou Pothius. La salle Titelberg du Musée National d'Art & d'Histoire comporte, en dehors des objets préromains, un bon choix de témoins de la vie à l'époque romaine: relevons deux aediculae qui, pour ne pas être des 'répliques fidèles' des réalités représentées n'en retiennent pas moins l'aspect général; c'est très important pour l'aedicula Esp.4193 qui a trouvé entrée dans tous les manuels d'architecture sacrée parce qu'elle donne les éléments principaux du sanctuaire de facture indigène courant dans nos régions; non moins importante, l'aedicula Esp.4206 figurant une porte de ville (suivant le modèle connu ailleurs) à passage central destiné à la circulation des chariots et passages latéraux réservés aux (très nombreux) piétons. La découverte, en 1970 de l'aedicula 373 du catalogue du musée nous a fait le plus grand plaisir en présentant, taillé dans la pierre le protoype de la ferme romaine telle que nous ne cessions de la décrire. De grands fragments d'entablements, de colonnes un "fragment d'angle d'un monument colossal", des chapiteaux (composites) ainsi que des fragments de statues de divinités diverses (Epona, le cavalier à l'anguipède, torses de dieux, mains, socles etc.) soutiennent l'idée que le vicus du Titelberg comportait au moins un grand sanctuaire de facture gréco-romaine, ainsi que, sans doute une petite zone sacrée (téménos). La légende s'est emparée du site ; sous le titre de "Der Titelberg und die Athemer Knupp", le recueil de GREDT donne le texte suivant: Vor vielen hundert Jahren stand auf dem Titelberg ein mächtiges Lager der Heiden. Dort weilte der Feldherr Tites (Titus) mit einem Heere, über das ihm der Befehl vom Heidenkaiser gegeben worden war. In einer Nacht erschien dem Tites ein Engel und eröffnete ihm, dass er in der folgenden Nacht mit seinem Heere aufbrechen und sein Lager abbrennen müsse, um Jerusalem, die ferne Stadt der Juden zu erobern. Tites jedoch glaubte den Worten des Engels nicht und sprach: "Das ist sowenig möglich, als dass mein Reisestab morgen Rosen trage und das Wasser des Brunnens an den die Knechte meine Pferde zur Tränke führen, morgen früh in Wein verwandelt werde." Am folgenden Morgen, in aller Frühe kamen des Feldherrn Diener und meldeten ihm, dass keines der Pferde von dem Wasser des Brunnens saufen wolle. Da fielen ihm die Worte ein, die er zum Engel gesprochen, und er gab dem Diener den goldenen Becher mit dem Befehl, denselben mit dem Wasser des Brunnens zu füllen. Der Diener tat wie befohlen und brachte seinem Herrn den Becher mit Wasser. Tites kostete und leerte den Becher köstlichen Weines. In demselben Augenblick brachte ihm ein anderer Diener seinen Reisestab. Sieh da! er hatte in der Nacht Knospen, Blätter und Blüten getrieben, und die Rosen verbreiteten süssen Wohlgeruch in des Feldherrn Zelte. Nun konnte er nicht mehr an den Worten des Engels zweifeln. Gleich nachher kündigte man ihm an, dass ein Krieger, den der Kaiser ihm gesandt, seiner vor dem Zelte harre. Er hiess den staubigen, schweisstriefenden Krieger eintreten, und dieser überreichte ihm vom Heidenkaiser den Befehl, sein Lager sofort abzubrechen, dasselbe in der folgenden Nacht abzubrennen und sich mit seinem Heere nach Jerusalem zu begeben, um diese Stadt für ihre Empörung zu züchtigen. In der folgenden Nacht loderten die Flammen flackernd über dem Lager empor und beleuchteten mit ihrem grellen Scheine das abziehende Kriegsheer. Tites, der äusserst reich war, goldene Wagen und Gefässe die Menge besass, hiess jeden seiner vielen hundert Krieger eine Handvoll Erde von dem Berge, worauf das Lager stand, mitnehmen. In einer schönen Wiesenflur wurden die Schätze in die Erde vergraben, unter anderem sein goldener Wagen, seine goldene Wiege. Jeder Soldat warf dann beim Vorüberziehen seine Handvoll Erde darauf, und über den Reichtümern erhob sich bald ein runder Hügel, die Athemer Knupp. Noch heute sieht man diesen Hügel in der Umgegend von Athus. Unter den Leuten des Dorfes geht die Sage, dass derjenige, der sich nächtlicherweise zu diesem Hügel begebe und, ohne ein Wort zu sprechen, denselben eröffne, durch den Wagen und die Wiege aus purem Gold sich unermesslichen Reichtum verschaffen könne. Vorzeiten hatte sich ein Mann in der Stille der Nacht schweigend dem Hügel genaht und mit Hacke und Schaufel darin gewühlt; bereits sah er die Schätze und versuchte sie zu heben. Da rief er einem vorübergehenden Wanderer zu: "Komm hilf mir; es ist mir zu schwer!" Im Nu fiel der Hügel wieder zu und begrub den Schatzgräber. Der Berg, wo das Heidenlager gestanden, heisst noch bis auf den heutigen Tag Titelberg." Il est facile de déceler dans cette légende divers éléments qui sont fréquents et, pour ainsi dire caractéristiques de l'état dans lequel la plupart de nos légendes nous ont été transmises: le récit est dramatisé (par Nik.GONNER qui l'a rédigé pour GREDT); il a un but étiologique, c. à d. qu'il doit expliquer l'origine et le nom d'un site; il vise à expliquer l'étymologie du toponyme (Titelberg = Titesberg = montagne de Titus: interprétation qu'Alexandre WILTHEIM avait déjà rejetée avec indignation!); il y a un côté moralisateur et pieux ( l'ange annonciateur qui convertit l'incrédule; le miracle des roses; la transsubstantiation de l'eau; les châtiments divers réservés aux profanateurs maladroits; la magie du mot à ne pas prononcer); il y a , sous des formes plus larvées, des traces de rituels d'initiation et de passage (la 'procession' des soldats porteurs de terre), la fascination de l'or ( thème du feu dans l'eau; le chariot astral, le berceau mosaïque etc.), peut-être même une certaine idéologie (la ville juive à mater; l'empereur des païens, assez mozartien). On peut estimer que presque toutes ces légendes contiennent un gramme de vérité pour 999 grammes de fiction; celles de ce genre sont des efforts maladroits pour fournir des explications que la raison ne donne pas; en cela contraires à la distinction voulue par GRIMM (entre contes de fées et légendes), elles ont leur justification psychologique, mais ne sont que d'un faible secours pour l'historien et l'archéologue! Il faudrait un long travail de décorticage des efforts rédactionnels entrepris naguère pour 'mettre en forme' les noyaux souvent ténus des informations disponibles ; les sites et les faits d'archéologie y occupent une place considérable: les routes , notamment, qui sont le lieu de maléfices divers, empruntées par des cavales de feu ; passages obligés, elles recèlent des pièges pour les passants attardés; des croix de chemin qui devraient les christianiser, en fait polarisent quelquefois les présences démoniaques! Dans le cas de Hostert, près de Niederanven , le lien s'établit avec Saint Martin qui aurait connu son 'chemin de Damas' "auf dem alten Römerwege, in der Nähe der Niederanwener Kirche " à un endroit censé s'appeler encore aujourd'hui 'Heiligenstein', la pierre du Saint . Certaines constructions enflamment, elles aussi, les imaginations: la chapelle de Saint Pirmin près de Kaundorf a connu un 'Pirmesmännchen', sorte de gnome-ermite thaumaturge et redresseur de torts qui dormait entre les deux sources réputées bienfaitrices et qui sont, à n'en pas douter (comme à Saint-Quirin de Luxembourg et à Echternach (cf. infra) le point de départ du travail d'affabulation . Redisons pour terminer ces pages consacrées au plus connu de nos sites qu'une meilleure connaissance appartient entièrement à l'avenir ; les travaux des quarante dernières années ont permis d'obtenir des renseignements nombreux et positifs quant au site préromain (enceintes, monnaies); les fouilles (lentes et effectuées -faute de moyens- sur des surfaces restreintes) ont prouvé l'existence d'un habitat de type vicus, sans doute artisanal, possédant les caractéristiques essentielles à ce genre d'agglomération; certaines catégories de sources abondent: monnaies, fibules, verres, céramique, inscriptions, sculptures, mais l'on souhaiterait obtenir des résultats semblables à ceux que nos collègues allemands ont fournis pour le site de Bundenbach dans le Hunsrück . Quant aux autres uici possibles, énumérés ci-dessus , les présomptions (probablement justifiées) sont basées sur des faits en quantité tout à fait insuffisante. ALTRIER Relevons le seul exemple d'Altrier . Une bonne partie de la collection Graf provient de ce secteur; elle atteste une importante occupation préhistorique; au voisinage, (l.d.'Op Kaasselt'), un éperon barré a été occupé à l'époque préhistorique... et à la fin de l'époque romaine. Des blocs provenant de grands monuments funéraires furent alors employés à la consolidation d'un mur barrant l'accès du refuge . D'Altrier provient une importante dédicace à I.O.M sur le socle d'un monument dont la configuration générale ne nous est pas connue; les lettres qui honorent Juppiter Très Bon Très Grand, principal dieu de Rome, protecteur particulier de l'empereur, sont de bonne facture (O bien circulaire, barre centrale du M qui descend à la ligne, les deux moitiés de M symmétriques) et donc, sans doute un élément de datation au 2e siècle. Elles sont entourées d'une couronne de lauriers, symbole de victoire, de souveraineté et d'éternité; sur le côté (droit pour celui qui regarde le monument de face), un volatile assez maladroitement sculpté peut être un aigle tenant une couronne dans son bec. D'Altrier provenait une autre inscription qui fut, quelque temps, soupçonnée d'être un faux. J'ai pu établir que Jean ENGLING semble avoir bien lu le texte suivant: D.MINERVINAE CONIVGI DEFVNCTAE QVAE VIXIT ANNIS XXXIII ALBINUS CONIVX TETVLVM POSVIT Albinus, son époux, avait fait rédiger l'inscription pour D(ecima?) Minervina, son épouse décédée à l'âge de trente-trois

ans. Il semble que la pierre provenait du 'Komeshaus', l'une des plus vieilles maisons d'Altrier, à propos de laquelle ENGLING soutenait qu'elle était en maçonnerie romaine jusqu'à hauteur du premier étage! Le musée de Luxembourg possède un bloc qui porte une autre dédicace funéraire dont on arrive à déchiffrer: D ATTO ET M STI. MICCONIS.FI ORVM.VIVI.FECE ce qu'il faut probablement compléter de la façon suivante: D(is) M(anibus) ATTO[LAE] ET [?CA]STI.MICCONIS.FI [LI(i) E]ORVM.VIVI.FECE[R(unt)] "Aux Dieux Mânes ! De leur vivant, les fils (les enfants) d'Attiola et de Castus Micco (ont fait graver cette inscription)". Altrier et ses environs ont produit un nombre considérable de sculptures et de fragments de sculpture: Apollon, Mercure, Priape, Diane, plusieurs centaines de statuettes en terrecuite du type mater, Mars etc. On sait que ces statuettes furent utilisées en guise de quilles par les enfants du village. Il faut donc supposer qu'il y avait quelque sanctuaire, peut-être un lieu de culte oriental, attesté par la découverte d'un galle , prêtre de la Magna Mater . L'un des bâtiments partiellement romains d'Altrier a suscité une controverse entre Jean ENGLING et Christian BECK : Pierre KOMES avait dégagé (vers 1845) un bâtiment de 15 x 7m au l.d. 'Komesgarten'; il y avait trouvé des monnaies de Trajan, Constant et Constantin; d'après ENGLING, il devait s'agir de la plus ancienne 'basilique chrétienne' du pays! Le même auteur avait fait le rapprochement entre les statuettes de déesses païennes (qu'il appelait Nehalenniae, du nom de l'une des divinités en question, il est vrai peu attestée chez nous) et le culte marial, bien établi dans la région (comme dans l'ensemble du pays); il signale des situations semblables à Dalheim, Arlon, Strassen, Niederwampach, Wallendorf, Bettborn, Fléibour, Saint-Pirmin, Troisvierges et Luxembourg; il récidive en précisant les cas de Troisvierges, Luxembourg, Helpert, Berdorf et Weimerskirchoù des saintes chrétiennes et/ou la Viergeauraient pris le relais des déesses-mères de l'époque antérieure; nousévoquerons laquestion ci-dessous, à propos de la Chapelle de Saint Quirin à Luxembourg; disons qu'ENGLING pouvait s'autoriser d'Alexandre WILTHEIM qui n'avait jamais hésité à proclamer haut et fort ce transfert, mais que la thèse se heurte au fait (relevé par BECK) que le culte marial est souvent assez récent (1731 danslecas de Hersberg/Altrier) et ne semble guère remonter aux lointaines époques médiévales où les contacts sont censés s'opérer entre paganisme et christianisme. Nos recherches sur le 'Traité des dieux païens' de Jean BERTELS ont montré que leproblème ne se pose pas vraiment en ces termes; on voit notamment que les pratiques païennes étaient restées vivaces dans nos campagnes qui furent littéralement reconquises, re-christianisées après le Concilede Trente, c'est à dire à la fin du 16e siècle! Le débat qui opposait WILTHEIM, ENGLING et Charles ARENDT (cf. plus loin) aux tenants d'une généralisation récente du culte marial, ne tenait pas compte de cette donnée; or, ce n'est que l'influence des Jésuites (les frères WILTHEIM en tête!) qui fit de la piété mariale une préoccupation populaire et nationale. Les structures économiques Des marchandises transitaient par nos régions, nous l'avons dit, depuis les plus lointaines époques préhistoriques. On sait que certains espaces s'y prêtent mieux que d'autres: les bords deplateaux notamment, qui longent les vallées fluviales, offrant des conditions de facilité et de sécurité absentes des régions forestières, des talweg et des reliefstrès fragmentés. S'il est difficle de parler de "chemins préhistoriques", il n'en est pas moins vrai qu'il y eut des 'zones de circulation' qui répondaient à ces impératifs. L'expérience prouve que ce sont des matériaux (pierres, lingots) qui ont d'abord circulé, ensuite des produits manufacturés, enfin des produits de nécessité courante. L'évolution va donc du besoin vers leconfort. L'expérience préhistorique prouve aussi que les échanges se faisaient à travers le continent tout entier; plus tard, à mesure que se précisèrent des entités politiques, les frontières se multiplièrent, les barrières, les péages, les obstacles; néanmoins, il est avéré que beaucoup de marchandises continuaient à circuler comme autrefois, les structures mondiales de l'Empire Romain facilitant, bien sûr, ces liaisons transcontinentales;on sait que des monnaies romaines ont été trouvées en Cochinchine, des céramiques chinoises à Xanten, l'art dit du Ghandara prouve la pénétration de l'art gréco-romain en Inde, des flacons sassanides ornent les vitrines du musée de Bonn, nos stèles funéraires s'inspirent de modèles votifs de Vulci et du travail d'ateliers situés à Altinum (près de Venise), d'Aquilée et de Sarsina, les piliers funéraires ont des attaches avec la Syrie, l'Anatolie...et l'Afrique du Nord, le mur d'enceinte de Dalheim correspondait à celui de Birdoswald à la limite de l'Ecosse, les riches palais de nos régions paraient leurs murs de marbres d'Asie Mineure, les pourpres venaient de Tyr, les perles de la Mer Rouge et d'Ecosse, les huîtres étaient de marée fraîche; nos salaisons se vendaient à Lyon et en Italie du Nord, et la Cour de Trèves connaissait bien les grands vins du golfe de Naples! Il est évident que ce grand commerce voisinait avec des structures moyennes (p.ex. transalpines), régionales et locales. Le système d'ensemble a souvent été représenté; notre fig. 32 (cidessus) montre le cheminement des centres de fabrication de poterie sigillée depuis la Narbonnaise. Dans ce livre-ci, il ne saurait être question que des deux dernières catégories . Une carte comme celle que nous reproduisons en fig.32 permet de voir que 1) quand les officines de potiers de la Gaule de l'Est fonctionnent, elles sont quasiment autonomes par rapport à celles de la Gaule centrale et méridionale, par rapport surtout à celles d'Italie; leur rayonnement s'étend évidemment en direction des consommateurs que sont les armées rhénanes, les villes et les bourgs de nos régions et des provinces germaniques. Que l'on ne croie pas que cette évolution se soit faite linéairement: un tableau chronologique portant sur la durée des ateliers lorrains montre les différences importantes entre les dates de départ et, parfois l'arrêt des productions; la carte des activités artisanales et industrielles en Lorraine romaine (notre fig.33) (ci-contre) montre les inégalités de répartition (la cité médiomatrique est une zone d'activité dense, celle des Leuques sansdoute presque exclusivement agricole) en

même temps que la présence des principales activités: céramiques, carrières, métallurgie. En pays trévire, l'agriculture était la basede la vie économique; orge,froment, seigle et avoine,pois, fèves,carrottes,navets, poireaux, pommes étaient cultivés dèsavant l'arrivée des Romains; ceux-ci 'apportèrent' prunes, pèches,cerises, coings, vigne, châtaignes, chou, persil, oignon, radis, fenouil, millet, noix,asperges, moutardier et cornichons. L'existence demoissonneuses(attestéesà Buzenol,Arlon, Reims et Trèves)laisse supposer que les exploitations céréalières florissaient; les nombreuxtémoignages iconographiquesconcernantl'industrie textileprésupposent l'existence depâturages et de troupeaux lainiers. Onsuitaujourd'hui en général lathéoriede J.F.DRINKWATER , suivant laquelle pâturages et troupeaux appartenaient à de grands propriétaires (comme les Secundini du monument d'Igel) qui, d'une certaine façon en affermaient les produits:la laine était donnée aux fermiers (même non-éleveurs) qui la filaient et la tissaient, puis présentaient le produit semi-finiau marchand ('negotiator')qui, si la qualité luiconvenait, l'achetaiten attendant de lesous-traiter pour quelquegros (et peut-être lointain) client à qui il le livrait à travers monts et vaux;c'est ce quiexplique l'imagerie de plusieurs monumentssur lesquels les producteurs viennent étaler leur marchandise, mais sur lesquels aussi figurent des chariots et bes barges lourdementchargés de ballots de tissus soigneusementficelésetamarrés.Nos inscriptionsne fournissent guère d'éléments très variés quant aux activités professionnelles: un cachet d'oculiste trouvé à Dalheim , le monument funéraire d'un negotiatorartis cretariae , négociant en céramique.La thèse de Jean KRIER amontré que des gens issus de nos régions avaient été tenancier d'une caupona('bistrot') à Sens , marchand de salaisons (negotiator salarius)à Colijnsplaat ,negotiator tout court à Regensburg ; la plupart (de ceux que nous connaissonspar l'intermédiaire des inscriptions sauvegardées) ont fait une carrière dans l'armée et dans l'administration municipale. Parmi ceux-ci, "l'inconnu de Mersch" mérited'être présenté ici. Lemusée deLuxembourgexpose deux fragments d'une grande inscription que j'ai proposé delireainsi: ................] FLAM[EN]AVGV[STI] FLAMEN.LENI.M[ART]IS.QVINQ[VENNALIS] PRAEF(ECTVS)- COHORT(IS) [I HIS]PANOR(VM). EQ[VITATAE] TRIBVNVS.MILIT[VM. LE]G(IONIS) VIIII HI[SPANAE] PRAEFECT(VS). E[?QVIT(VM) ALAE AVGV]S(?)[TAE] VOCON[TIORVM...............]"[Aqui était]flamine d'Auguste, flaminedeLenus Marspendant cinq ans, préfet d'une cohorte de cavalerie espagnole, tribun militaire de la neuvième légion Hispana, préfet d'une aile de cavalerie Augusta desVoconces..." L'inscription futsignalée une première foisen 1850/1851; on démolissait l'église (malgré des protestations quiavaientalertélacourdeLaHaye)etl'ontrouvaitdespieesromainesà tour de bras. Celle-ci futdiversement interprétée, sibienmême que l'on y lut la présencede prétoriens, le nom de Flamenius etc. Il n'estpassansintérêt de noterque suivantd'aucunsles pierresprovenaient originellement d'un lieu appelé 'Maiss'où,sur unespace de 200x60/70m onaurait trouvé force pierres,mosaïques, dallages, 'médailles'. C'est de là que les blocs (redécouverts en1850/1851), auraient d'abord été transportés à l'endroit du chantier de l'ancienneéglise. Ladate deconstruction decelle-cisemble inconnue et latradition locale,qui peut établir un lien arbitraire entre un bâtiment (que l'on cherche à vieillir) et un site (qu'il faut, en quelque sorte exorciser en en faisant servir les restes à des fins pieuses) peut être arbitraire. Quoi qu'il en soit, on sait aujourd'hui que le l.d. 'Mies' a produit les restes d'un palais romain dont il seraquestion ci-dessous. Des quinze prêtres qui,à Rome, portaient le titre de flamen, trois étaient des flamines maiores , ceux deJuppiter, de Mars et deQuirinus; lesdouze autres étaient qualifiésdeflamines minores. Les flaminesétaient issus des meilleures familles, et leflamine d'Auguste occupait le rang leplus élevé;LenusMarsest le granddieu des Trévires:à Trèves un sanctuaire 'national' lui est consacré; celui qui est flamine de LénusMarsest obligatoirement l'un des premiers personnages de la cité. Notre homme avait commencé sa carrière à la tête d'un 'aile de cavalerie voconce', c.à d. d'un escadron composé en principe desoldats issus de Narbonnaise; l'unité a probablement été stationnée à Soissons, àAltkalkaret,en122, en Grande-Bretagne,à Newstead;la 9elégionHispana estattestée sur le Danube en +14, en Afrique en +20; en 42/43, ellefaitpartie du corps d'armée que l'empereur Claude envoie conquérir la Grande-Bretagne; casernée d'abord à Longthorpe ou Newton-upon-Trent,elle s'installeà York en 71; en 83, elle envoiedes détachements en Germanie, d'autres contreles Calédoniens récalcitrants. La 9e légion reste à York, peut-être jusqu'en 130, peut-être jusqu'en 121 seulement; à ce moment-là elle gagne Nimègue...avant d'être envoyée enPalestine. Commandée par des officiers comme Aulus Plautus, Q.Petillius Cerialis et Agricola, elle fut l'une desarmées les plusprestigieuses de l'époque. NotreTrévire, à la fois illustreet inconnu,a pu parcourir lesétapes militaires de sa carrièreà la fin du premier siècle, puis revenir à Trèves exercer un métier lucratif,avant d'aller passerses vieuxjours danssasomptueuserésidence deMersch!Danslesrégions qui nous entourent, d'autres secteurs d'activité économique sont attestés, la navigation ( il y a des nautae Mosallicià Metz,à Trèves, une corporation des proretae , chefs de barque);des brasseurs, des potiers, des verriers,des tisserands,des forgerons ;un pontromain nécessitaittrentetonnesde ferrements; laPorte Noire de Trèves utilisait 10 tonnes deplomb et 7de fer sousformede crampons et debouchonsreliant (horizontalement) les assises des blocs de pierre! Malgré l'évidence de cesfaits quantitativement impressionnants, les fouilles sont rares qui permettent d'envisager uneproduction autre que strictement locale; les fermesavaient leurpropre fourneau, mais les grandes quantités defer semblentavoir été 'importées'à l'étatsemi-fini.. Lasituation esttoutà fait semblable dans le secteur de la production de poterie; les ensembles agricoles de quelque importance suffisaient à leurs besoinsen poterie commune; les récipientsplus élégants étaient produitspar les 'usines' dont il a été question ci-dessus; ces produits étaient estampillés, ce qui permet souvent de regrouper une production, d'en étudier l'aire de commercialisation, de distinguer des styles, des 'mains', des périodes. Les fouilles récentes ont permis de localiser quelques tuileries , aux environs de Mamer, Herborn et Savelborn; on suppose que les environs des uici de quelque importance fournissaient aux besoins de tuiles creuses et plates des grandes époques de construction (2e, 3e siècles). En pays de vignoble, on admet comme une évidence établie qu'il y avait une viticulture et une vinification dès l'époque romaine. Il n'y a pas lieu d'en douter . Des fouilles en pays trévire nous ont fourni quelques exemplesd'établissements vinicoles sur le cours de la Moselle moyenne (Neumagen, Piesport) . Ama connaissance, il n'y a rien de tel au Grand-Duché; on se gardera d'en induire l'existence à partir de la fréquence de certains thèmes iconographiques (entrelacs de feuilles de vigne, grappes, putti etc.) qui sont en rapport avec le culte dionysiaque et l'imagerie biblique (uitis mystica) plutôt qu'avec l'exploitation d'un vignoble très développé; à l'époque d'Ausone (dernier quart du 4e siècle), certes, les rives de la Moselle sont 'couvertes par Bacchus', mais il est difficile de fixer l'origine générale du vignoble mosellan; le même poète semble d'ailleurs priser surtout les grands crus italiens et la belle vaisselle (en céramique noire, à inscriptions souvent fort lestes, ou en verre artistement décoré) attribuée à la consommation du vin peut avoir servi à bien des boissons différentes:la production de bière est bien attestée à Trèves. Ce que je viensde dire ne revient pas à postuler qu'on ait attendu ce qu'on appelle "l'édit de Postume" (fin du 3e siècle) pour cultiver la vigne, mais entre les édits de Domitienen faveur des cultures céréalières et l'autorisation générale de produire le vin que l'on souhaitait là où la vigne voulait bien pousser , il peut y avoir eu une longue période durant laquelle les importations (depuis le Sud de la France et le Nord de l'Italie, p.ex.) peuvent être restées de mise. Lesmétiers du bois ont dû occuper un nombre considérable de personnes : dans la construction(à toutes époques, des parties importantes sont faites en bois, entièrement ou partiellement), la navigation, toutes les technologies ( souvent au second degré, par l'intermédiaire de charbon de bois) recourent au bois; la plupart des outils que nous connaissons peuvent aussi servir dans ce domaine. Ilest certain que le déforestage intensif rendu nécessaire par la forte consommation de bois n'a pas manqué de transformer le paysage . L'activité principale de nos régions (comme sans doute de l'Empire Romain dans son ensemble) aura été l'agriculture. Nous savons qu'en principe le sol provincial appartenait "à l'état", au S.P.Q.R. Les 'provinciaux' bénéficiaient du ius peregrinum, l'exercice de certaines charges à Trèves, au nom de la communauté des citoyensconférait la citoyenneté dans la mesure où Trèves (dont le statut juridique n'est pas définitivement établi) possédait le droit latin qui rendait possible ce type de procédure. Par l'opération du census , l'administration romaine enregistrait les biens domaniaux sur lesquels portaient les impôts: en principe, ce qui n'appartenait pas " à l'Etat" était propriété de l'empereur, mais les limites (maintenues tant qu'il y avait des provinces sénatorialeset des provinces impériales) étaient finalement assez floues, l'administration n'étant pas l'hydre omniprésente qu'elle est de nos jours; en 212, l'empereur Caracalla fit de tous les habitants de l'Empire des citoyens...afin de pouvoir les taxer pro capite, par tête. A l'impôt foncier et à la capitations'ajoutaient des impôts indirects: de 1% sur toutes les ventes, de 4% sur les ventes d'esclaves, de 5% sur les affranchissements d'esclaves. Lorsque le bureaucratisme s'étendit, la charge des impôts augmenta, l'inflation évidemment aussi. De toutes façons, la base de l'économie évoluaitalors depuis les biens terriens vers les biens monétaires qui, de plus en plus trafiqués (l'Etat était tellement à court de numéraire qu'il ne retirait pas de la circulation des falsifications qui avaient cours sur le plan local et régional) contribuèrent à déconsidérer Rome et à hâter le recours à des échanges officieux ou 'secrets'; les monnaies qui gardaient quelque valeur (comme les beaux services en terre sigillée) restaient en usage des décades durant. On a essayé de délimiter les surfaces des exploitations agricoles et l'aspect topographique de ces domaines; il en sera question ci-dessous, dans le chapitre consacré aux fermes et aux 'palais'. L'instrumentarium agricole est attesté, dansson ensemble, par une découverte d'objets votifs (notre fig.34 ): on distingue non seulement le cheptel bovin (Nos 38,39) et quelques lézards et grenouilles, mais: des roues, des timons, des herses (No6/7), les jougs (No 1), les pioches et piolets (Nos 9,10,11,12), les bêches, pelles, fourches, haches, échelles, faux, ciseaux (31), forets (No 31). L'image de la société Lorsqu'on veut obtenir une image réaliste de la communauté humaine à une certaine époque , il faut passer enrevue des données qui appartiennent à des catégories diverses dont chacune a ses lois (donc ses limites) propres: l'iconographie, l'épigraphie, les fouilles nous donnent beaucoup de renseignements, sans que nous puissions cependant être trop affirmatifs quant aux structures qu'elles nous révèlent. Lecaractère (forcément) arbitraire et provisoire de notre documentation peut nous jouer des tours qui ruineraient des thèses trop tranchantes. Nous essaierons donc, avec les moyens du bord, de donnerune image réaliste des différents groupes de personnes que nous rencontrons. Nous rencontrons le 'Trévire moyen', 'l'homme de la rue' sur notre fig.35 (ci-dessus). Il s'agit d'un dessin d'Alexandre Wiltheim d'après une pierre qui faisait partie d'un pilier funéraire avant d'entrer dans les collections de Pierre Ernest de Mansfeld, puis dans celles des de Neuveforge qui l'encastrèrent dans leur maison de ville sise 12 rue du Saint-Esprit à Luxembourg. De là, elle entra au musée d'histoire. Sur le registre latéral gauche figure un personnage tenant une herse, derrière lui ou bien une divinité ou bien un aide qui lui tend un outil; sur le registre principal, il y a un comptoiren bois derrière lequel se tient un personnage assis dans un fauteuil à dossier rond (peut-êtreen rotin: c'est le métayer, auprès de qui se tient un jeune esclave; derrière le comptoir, unpersonnage debout est le véritable 'comptable' (le dessin de WILTHEIM lui fait une espèce de chignon qui l'a fait prendre pourune femme: le monument n'a rien de tel) devant qui se trouvent les objets qu'apportent les fermiers: unsac en cuir, une sorte de pain; les personnages tiennent des corbeilles, l'un a peut-être un tonnelet (de bière ou de miel). Tous portent le cucullus, un manteau de lourde laine descendant à mi-jambe, muni d'un capuchon. . Sur une autre pierre -de même origine -, notre fig.36, il s'agit d'un paiement en espèces; un comptable est assis à gauche; à l'aide d'un style (ou d'une plume d'oie) il inscrit des chiffres et des notes dansune sorte de livre (il s'agit peut-être de tablettes, tabulae ceratae) ; à droite, quelqu'un vide sa bourse sur la table où deux personnes sont en train, l'une de compter les monnaies versées, l'autre de dicter au comptable les inscriptions à faire dans le 'grand livre'. M.Tout le monde (ou presque) paraît sur toute une série de monuments funéraires. Nous reproduisons en fig.37, le dessin wiltheimien d'un relief funéraire qui fit partie de la collection Mansfelt, puis disparut. Fulvius Potentinus et Lucania Ianuaria sont debout, de face; ils se tiennent par la main; l'homme porte le manteau de loden à capuchon et, de la main gauche des tablettes qui symbolisent soit sa citoyenneté soit le fait qu'il a rédigé un testament; Lucania porte la robe longue qui est une sorte de chiton, drapée sur le buste ou, cela ne se discerne pas toujours, une cape jetée sur les épaules; elle tient à la main droite le uolumen qui atteste qu'elle est devenue citoyenne romaine; elle porte une coiffe qui n'est pas sans rappeler celles que nous connaissons depuis les monuments rhénans. Est-ce un souvenir de son origine? Nous reproduisons en fig.38 un croquis emprunté à un travail de Jeannot METZLER . Sur quelques monuments, on a l'impression de pénétrer bien plus avant dans l'intimité des familles. Ainsi de notre fig.39 qui rend un fragment jadis trouvé à Echternach et disparu depuis . On pourrait emprunter un titre à un poème d'Ausone: Locus ordinandi coqui, l'endroit de commander à dîner! En effet on voit à gauche un gâte-sauce, en train de faire tourner quelque assaisonnement dansune grande coupe assez plate, à l'aide d'une cuiller à long manche; au milieu, quelqu'un semble plutôt occupé à graisser un plat placé sur un réchaud à trois pieds; à droite quelqu'un tient ou bien une petite assiette ou une galette à cuire. Notre fig.40 nous fait assister à un repas . Trois personnes sont attablées: deux hommes, en face de nous, semblent couchés (accubantes) suivant l'usage latin; une femme, un peu tournée vers l'observateur, est assise sur un siège à dossier droit; tous portent des vêtements longs; devant le lit de table est placée la petite desserte ronde sur laquelle on apporte les plats prêts à être dégustés (avec les doigts). A droite, un petit esclave (en vêtementcourt) porte un plateau (qu'il semble tenir en équilibre fort instable) et tient de la main droite une aiguière; à gauche, une servante-confidente se tient debout derrière sa maîtresse. Deux choses sont fort différentes dans la réalité: la coiffe que Wiltheim indique nettement n'est plus guère perceptible; il n'y a pas trace de l'espèce de cuiller ou de louche que notre dessin place sur le bord du lit; il s'agit sans doute d'un décor de celui-ci; par contre legeste d'imprécation que l'un des hommes fait en levant lamain droite , pouce, index et médius tendus comme pour prêter serment, est bien visible sur la pierre exposée au musée de Luxembourg. Ce geste, comme l'atmosphère solennelle, voire quelque peu raide qui règne dans ce tableau, rappellent qu'il ne s'agit pas, en fait d'un moment d'intimité que nous saisissons sur le vif, mais d'un banquet funéraire (imaginaire) réunissant face à la mort les membres (vivants et défunts) d'une familia, le terme comprenant aussi bien les maîtres que les serviteurs. Sur l'une des faces latérales du même monument figure une 'scène de genre' (représentée au moins quatre fois sur les piliers funéraires de Neumagen, conservés au Landesmuseum de Trèves) décrite par Ausone: "Ainsi, lorsque, toute joyeuse, la très jeune fille se fait arranger les cheveux avec le plus grand soin, elle interroge à fond le miroir brillant que lui tend sa chère nourrice; la première fois, elle croit y découvrir quelque jeune soeur,elle donne au métal (qui ne le lui rendra pas) maint baiser ou cherche à arranger quelque aiguille sur son front plein de boucles mutines.." Sur l'autre face latérale du monument, l'atmosphère est fort différente: notre fig.41 montre (ci-dessus) que nous entrons de plain pied dans le monde du travail; de solides gaillards sont en train de ficeler un gros ballot (presque certainement de la laine); au moyen de perches il assujettissent les noeuds, l'un d'entre eux est franchement monté sur le ballot pour assurer le bon serrage dudispositif . La présence d'une roue de chariot et de la partie inférieur d'un cheval nous rapproche des scènes que l'on trouve sur le monument d'Igel . Notre fig.42 montre trois personnes qui sont en train de battre le grain avec des fléaux . Le labour est le thème denotre fig.43, de Mondercange: les boeufs tirent l'arâtre guidé par le laboureur; dans la partie supérieur du relief en forme de niche cintrée apparaîtun dieu protecteur (reconnaissable à l'envolée de son manteau). L'élevage porcin figurait sur un monument funéraire de Waldbillig , peut-être dédié à un C(aius) Sattonius (fig.44) Le faitque sur certaines parties du même monument figurent de nombreux motifs de feuilles de vigne ne doit pas nécessairement faire croire que Sattonius était en même temps éleveur de porcs et vigneron. On peut dire, en gros, que la société que nous entrevoyons à travers nos documents est faite de trois strates: -les ciues, ont acquis le droit latin; ils se font représenter tenant le document officiel qui en fait foi; ce sont les gens qui,ayant conscience de ce qu'ils fondent des 'familles' se font représenter en tant qu'époux, c.à d. géniteurs; ils occupent les postes (réels ou honorifiques) que nous avons évoqués ci-dessus; -les hommes libres, de droit pérégrin; ce sont, estimons-nous les habitants des uici pour autant qu'ils n'ont pas accès à la catégorie précédente; on les imagine artisans et paysans, 'colons' dans l'un des nombreux sens de ce mot; -les esclaves que nous percevons mal, et qui, en ces régions où l'approvisionnement ne se fait pas (comme en Italie) par les guerres qui font des prisonniers, ont pu être relativement rares. On s'accorde à dire que cettesociété n'estpas figée, c'est à dire imperméable; les esclaves peuvent être affranchis, les affranchis ont même un cursus honorum; les pérégrins peuvent atteindre à la citoyenneté et celle-ci, si l'on en croit les textes , aux plus hautes charges de l'Empire. Ausone, dans la 'Mosella' annonce qu'il écrira un livre consacré aux Belges . Voici comment il les évoque: "Je les évoquerai homme par homme et je chanterai leurs moeurs ancestrales, intactes; les Muses Piérides fileront pour moi un fil subtil qui viendra parfaitement s'adapter à mes fuseaux rapides à qui ne manquera même pas la pourpre! J'évoquerai les pacifiques paysans, les avocats, puissants experts des lois et de l'art de dire; je peindrai la fleur des municipes, ceux que la curie a vus à sa tête, dans leur propre sénat; ceux que l'éclatante faconde d'un cours de rhétorique inventé pour les premiers de la cité a hissés au niveau de Quintilien et qui, dans leur citéont présidé un tribunal vierge de tout sang injuste et donnèrent tout leur éclat à des faisceaux inoffensifs." Commentons brièvement ce texte: Le poète ne veut pas confondre tous les Trévires (Belges) dans un seul éloge: il veut relever -au moins- les mérites particuliers de certaines catégories; tous auront une base morale commune, la fidélité à des traditions ancestrales. C'est le fameux mos maiorum, qu'il ne faut -en aucun cas- prendre pour du conservatisme borné, passéiste. Nous savons -depuis Cicéron, Salluste, Varron, Tite-Live et, last but not least Virgile- que l'une des grandes préoccupations des penseurs du -1er siècle, siècle 'troublé' s'il en fut, parcouru par un état de guerre civile tantôt latente tantôt ouverte , fut de donner aux Romains un point d'ancrage solide auquel ils pourraient attacher leurs certitudes, leur sens des valeurs, leur besoin d'ordre, leur goût de la vie bien organisée, utile et productive. C'est ce siècle qui mit à l'honneur ce mos maiorum qui est basé sur le discernement lucide des acquis du passé dignes d'être sauvegardés dans le présent, pour l'avenir. Or, Ausone se rattache directementà cette tradition, et l'on peut dire que son oeuvre est donc le miroir d'une société, telle qu'elle se concevait elle-même . Nous doutons qu'Ausone ait effectivement songé à faire une sorte de fichier des Trévires illustres; par contre, son intention transparaît ici de mettre en évidence certaines catégories qui soutiennent l'édifice social. Ce sont: -les agriculteurs qui aiment la paix; il y a, certes, une sorte de cliché, mais aussi une tradition romaine qui exprime la conscience collective de l'importance des nourriciers; ils viennent en premier lieu chez un poète bucolique, mais cette primauté correspond, nous l'avons dit à une réalité économique et sociale indiscutable; -les avocats, puissants par la parole et émules des plus grands; à une époque de communication principalement orale, le rôle du plaideur est très supérieur à ce qu'il est aujourd'hui; savoir bien dire est déjà participer du pouvoir comme tel; c'est aussi s'intégrer à une culture -Ausone était professeur- millénaire et supranationale, si l'on admet que le poète du +4e siècle se rattachait consciemment à l'Athènes de Périclès; -les hommes politiques; ils sont les meilleurs fils de la nation, la fleur des élites régionales, l'aboutissement de la culture que Rome a conférée aux provinciaux; -les juges, enfin, le tiers pouvoir, nécessaire pour qu'une cité vive une vie ordonnée; mais Ausone insiste (plusieurs fois) sur le fait que le tribunal n'est pas le lieu des vengeances, mais de l'équité, qu'il ne s'agit pas d'y prononcer des châtiments sanglants!En résumé, on peut dire qu'à travers ce texte (parmi d'autres), il est possible d'entrevoir des rapports sociaux qui ne sont pas dictés par les contraintes d'un catalogue de devoirs sévères, mais l'exercice par chacun de charges dont la somme est la cité. La société n'est pas l'association momentanée de groupes de pression, mais l'édifice commun à la réussite et à lasolidité duquel chacun contribue dans la mesure de ses moyens. LA VIE CULTURELLE La communauté a besoins de points de rencontre; ce sont le marché, le sanctuaire, les jeux. Nous considérons que la fonction-marché est rattachée à l'histoire des villes, qu'elles soient de plein droit ou de fait; aucun des uici que nous connaissons n'a de forum identifiable comme tel et même à Trèves nos connaissances concernant cet ensemble essentiel sont lacunaires . Quant aux sanctuaires, dans une fonction communautaire, ils appartiennent également à la capitale trévire : grâce aux découvertes épigraphiques -explicites- nous savons que les secteurs ruraux s'y rendaient en pèlerinage pour honorer les dieux qui y étaient vénérés: Lenus Mars, Iouantucarus, les Xulsigiae, Epona, Mercure, Apollon etc. Le fait qu'aucun sanctuaire ne fut dédié à un seul dieu accroît d'autant la portée communautaire de ces lieux où toutes les aspirations de l'âme humaine rencontrent le sacré . Quant aux jeux, nous savons depuis les découvertes de Dalheim que les grands uici avaient des théâtres où des centaines de personnes pouvaient s'amuser, rire et pleurer, s'indigner et s'exalter au spectacle rutilant des 'jeux' qui, alternant le sérieux et le risible, fournissent au psychisme commun l'occasion de se défouler et de se sublimer. La vie culturelle comporte aussi ce que j'appellerai une dimension passive: elle s'exprime notamment par l'environnement artistique qui, le long des routes, dans les sanctuaires, dans les nécropoles, dans les bâtiments de fonction même et, si nousen croyons le poète et les archéologues, sur les objets de la vie courante cherchait à rendre le quotidien agréable. Nous nous expliquerons à ce sujet dans le chapitre consacré à l'art. Celui-ci n'est pas l'apanage des happy few, mais l'une des évidences de la vie antique. Il ne suffit pas de créer une coulisse artistique, il faut encore que le 'consommateur', c'est à dire aussi l'homme de la rue, puisse apprécier le décor dont on entoure sa vie. Ici, il est vrai que l'archéologue et l'historien sont pris de court: nous savons bien qu'il y avait des écoles (qui portaient le nom significatif de 'ludi' ) et qu'elles enseignaient des matières variées qu'en une civilisation orale il fallait bien mémoriser; mais l'obstination tenace avec laquelle toutes les époques ont fait tracer des inscriptions, le codage iconographique des figurations funéraires et sacrales nous forcent à admettre un degré d'alphabétisation et de culture certains; bien sûr, l'on sait qu'une inscription peut impressionner même (et qui sait, surtout) celui qui n'arrive pas à la lire: maisil se la fera déchiffrer et expliquer. On sait qu'une 'image' peut être lue à divers niveaux, mais la seule répétitivité de certains thèmes faisait tiquer même le promeneur peu porté aux réflexions mystiques. On se gardera donc de considérer l'environnement culturel comme minime parce que nous en mesurons difficilement l'écho, latrace, la gravure dans l'esprit des gens de l'époque. LES ELEMENTS DE LA VIE PRIVEE L'homme moderne -surtout en Occident- est épris de vie privée, différente de l'ambiance et de l'action professionnelles, appliquée -en principe- à restituer l'individu aux communautés numériquement restreintes (famille, quartier, village, région), mais dispensatrices de qualités humaines efficaces, sécurisantes, restauratives, 'méliorantes'. Bref, l'homme moderne recherche un équilibre (souvent difficile à trouver) entre le milieu (quelquefois lointain, très typé, exigeant des comportements nettement prescrits) où il "gagne sa vie" et le milieu privé où il jouit des facultés non utilisées ailleurs. L'homme antique avait sans doute une attitude très différente à cet égard. Tout ce que nous voyons des villes anciennes, depuis Jéricho jusqu'à Constantinople, sacrifie le privé au public; les maisons particulières sont petites, sombres et peu confortables, les aménagements publics somptueux, vastes, avenants. Il n'en demeure pas moins que dans les secteurs ruraux (et nos régions sont les secteursruraux de laciuitas des Trévires) ce principe est quelquefois battu en brèche, l'espace disponible étant moins parcimonieusement attribué qu' au coeur des grandes cités. De toutes façons, même si la privée n'avait pas l'importance que nous lui conférons, même si elle était beaucoup moins distincte de la vie professionnelle qu'elle ne l'est souvent aujourd'hui, elle a un cadre que nous connaissons et que nous allons essayer de restituer,de décrire. L'essentiel est l'habitat; il a la fonction-abri doublée, dans bien des cas, de la fonction économique essentielle: les boutiques sont dans la maison, les ateliers, les échoppes, ,les forges, les étals etc. La vie familiale n'est donc pas coupée de la professionnelle; la cellule familiale paraît dans des monuments innombrables, elle est le point d'ancrage de la société que nous avons essayé de dépeindre cidessus. Elle n'est rien elle-même sans valeurs et, pour l'aborder, il faut connaître les structures morales et religieuses qui la confortent. Nous terminerons par un chapitre sur l'art: en effet, même exprimé dans de modestes objets, il arrondit, croyons-nous l'image que nous avons à nous faire de la mentalité des gens dont nous fouillons l'intimité...pour mieux définir notre position par rapport à eux. L'HABITAT PRIVE En 1967, j'ai essayé de donner un panorama de nos connaissances concernant les 'villas' romaines; à cette époque déjà, la documentation était considérable...mais peu éloquente; des ensembles comme Christnach-'Wolfsberg', Echternach-'Schwarzuecht' et Mersch-'op Mies' avaient beaucoup fait parler d'eux, mais l'état des connaissances remontait à des entreprises assez hasardeuses et, presque toujours, trèsanciennes. C'est dans ce contexte que les travaux de l'abbé Georges KAYSERà Goeblange-'op Miecher' , pour incomplets qu'ils fussent, marquèrent une étape considérable: la ferme fut entièrement dégagée, plus tard même les environs explorés, ce qui permit de trouver un deuxième habitat, des traces d'autres bâtiments et, sans doute même l'enclos qui délimitait l'ensemble. Du point de vue de la méthode, des jalons décisifs furent posés par Heinz CUEPPERS et son rapport sur la ferme de Newel: il était bien entendu désormais que les fouilleurs ne pouvaient plus se borner à dégager un habitat, mais qu'il fallait explorer généreusement les environs de celui-ci, à la recherche d'habitats 'secondaires', de bâtiments d'exploitation (granges, remises, ateliers, greniers),de puits, mais aussi de nécropoles et de sanctuaires. Ainsi définissait-on d'emblée le contexte de cette vie privée qui fait l'objet de ce chapitre . Depuis, nos archéologues ont suivi cet impératif (chaque fois qu'ils l'ont pu). Le travail de Heinz CUEPPERS s'est montré décisif à plusieurs autres égards : il a notamment proposé une sorte de classement quantitatif qui donne une impression des différentes catégories d'habitats romains de nos régions. Ce calcul est basé sur une évaluation comparative de la surface habitable.Voic le matériel présenté: Bollendorf 23,40 x 20,40 = 480 m2 Weitersbach 43 x 32 = 1360 m2 Meckel 50 x 22,50 = 1100 m2 Irsch 35 x 23 = 805 m2 Horath 40 x 20 + annexes = 912 m2 Otrang........40 x 40 = 1600 + annexes = 4225 m2 Newel.........36 x 18 = 648m2 Oberweis......104 x 28 = 3000 m2 Nennig........140 x 30 = 4200 m2. On peut inférer de là l'existence de trois types d'habitats: -les ensembles résidentiels , 'palais' de plus de 3000 m2 de surface bâtie utile (Nennig, Otrang/Fliessem, Oberweis); -les grandes 'haciendas', ayant entre 1000 et 3000 m2 de surface bâtie utile (Weitersbach, Meckel, Otrang peut-être dans une première version); -les fermes de type standard, ayant moins de 1000 m2 de surface utile bâtie. Lorsqu'on essaie d'appliquer ces données à ce que nous savons des habitats romains sur le territoire de l'actuel Grand-Duché, on obtient: -à la catégorie des palais résidentiels appartient le grand ensemble fouillé en plusieurs étapes à Mersch ; -au second groupe appartient -en principe-Echternach ;les choses étant ce qu'ellessont, il est, cependant difficile de décider s'il n'y a pas (par le biais des bâtiments de fonction qui n'ont pu être fouillés, mais qui sont bien indiqués sur les photos aériennes) une situation intermédiaire entre le résidentiel et l'économique, les deux domaines étant très souvent liés; dans ce cas, on admettrait que les parties A et B de notre fig.50 représenteraient la partie résidentielle, C et D l'agricole; -tous les autres habitats sont du groupe pour qui Bollendorf est, même du point de vue de l'aménagement, le type et, en quelque sorte l'illustration. Ceci pourrait signifier que, la catégorie moyenne (attestée sur les espaces étendus du Hunsrück et de l'Eifel) n'étant que peu attestée chez nous, le groupe intermédiaire des métayers-exploitants agissant au nom des propriétaires des grands palais résidentiels n'a pas eu lamême importance qu'ailleurs; est-ce parce que ces fermes appartenaient à l'Etat? Ou ces secteurs ruraux étaient-ils trustés par des 'negotiatores' habitant Trèves ou ses environs plus immédiats? Du point de vue de la typologie, nous nous trouvons devant une remarquable uniformité; danstoutes les constructions de l'époque, on discerne comme élément architectural fondamental un rectangle parallélépipédique. Celui-ci est aussi bien attesté dans les figurations d'époque que constant dans les fouilles. Nous reproduisons en fig. 45 (ci-contre) un essai de restitution graphique de l'ensemble Goeblange-'Miecher' qui le prouve pour l'ensemble des bâtiments découverts. Mais on vérifiera le même fait dans les palais que dans les constructions infiniment plus simples que nous aurons à décrire ci-dessous. LES PALAIS MERSCH "Auf der 'Miès', einer Anhöhe westlich hinter der neuen Pfarrkirche, zwischen der Eisch, der Mamer und dem Merscherschlosse, die früher grösstenteils mit Bauüberbleibseln bedeckt war,sieht man noch jetzt allerlei Mörtel- und Steinreste, Ziegelscherben, Mauer- und Estrichstücke und stösst noch häufig mit der Pflugschar auf ausgedehnte Substruktionen, welche das einstmalige Vorhandensein bedeutender Gebäulichkeiten verraten, die eine Länge von 200 und eine Breite von 70 Meter gehabt zu haben scheinen. Auf derselben Anhöhe entdeckte man einen Schöpfbrunnen, welcher von oben nach unten rings ausgemauert war, und 4 bis 5 Fuss im Diameter hatte. Man grub ihn aus bis zu einer Tiefe von 10 Fuss undwarf ihn wieder zu. Noch vor kurzer Zeit fand man hier eine Menge farbiger Würfelsteinchen, welche auf den früheren Bestand von Mosaiken schliessen lassen. Auf der Miès und in der Nähe fand man Römermünzen von Domitian, von Constantin usw. , auch unter diesen eine von Faustina. Römerbegräbnisse sind hier in bedeutender Anzahl gefunden worden. Als man im Jahre 1853 das neue Schulhaus erbaute und den Hügel abtrug, welcher sich südwestlich vom Bauplatze befand, entdeckte man römische Aschenkrüge (wovon noch zwei im Pfarrhofe), Menschenknochen,Urnenscherben, einen Hirnschädel, verrostete Eisenstücke..." Et, bien sûr, ce fut la malencontreuse démolition de l'église paroissiale qui révéla sarcophages, colonnes, urnes, cippes funéraires. Par ceux qui portaient une dédicace, nous connaissons -en dehors de l'officier grand-prêtre de Lénus Mars, dont ila été question ci-dessus: un SenniusMaior et son épouse Sabin(i)a , un Aturiacius Primulus et son épouse Magiona , la partie inférieure d'un monument funéraire dédié à un Nepos ou Nepotianus(?) par ses fils vivants . Charles ARENDT, l'un des pionniers de l'archéologie moderne, entreprit des fouilles au nom de la Section Historique de l'Institut Grand-Ducal; en 1903, il publia son rapport qu'il accompagnait d'un plan général, notre fig.46. L'on y distingue, à l'Ouest, un ensemble de pièces, dont une hypocaustée, qui pourraient représenter l'un des angles ou l'une des ailes d'un très grand bâtiment. ARENDT (qui était architecte et devint architecte de l'Etat) s'intéressait davantage aux objets et aux problèmes techniques qu'aux fouilles systématiques, fouilla surtout la pièce chauffée dont il fournit un levé que je reproduis en fig.47. Dans les années soixante, un plan de lotissement du secteur 'op Mies' provoqua la découverte de trouvailles antiques sur 140 ares et surtout les restes d'un bassin de 75,60m de long sur 6,50m de large, qui semble avoir contenu 385.000 litres d'eau venant du 'Gréwebierchen'; du centre du bassin part un canal abducteur qui va vers la Mamer. Les fouilles qui purent être entreprises en 1966 vérifièrent l'exactitude des levés faits par Charles ARENDT et permirent d'imaginer l'ensemble. Cf. notre fig.48. Les 31 monnaies trouvées lors des fouilles récentes confirment l'occupation depuis l'époque néronienne jusqu'au début du 3e siècle, puis, sans doute en une deuxième phase, depuis l'époque constantinienne. On déplorera que le site -d'abord assez bien présenté- soit aujourd'hui, comme presque tous les autres, fort négligé et que l'appentis qui abrite la salle chauffée soit en piteux état et peu accessible. Nousaurons, hélàs, à redire la même chose plusieurs fois! ECHTERNACH La qualité exceptionnelle de l'aménagement construit et la richesse des éléments décoratifs découverts nous amènent à traiter det ensemble parmi les palais . Dès l'aube de l'archéologie luxembourgeoise, des nouvelles filtrèrent, concernant des trouvailles romaines au l.d.'Schwarzuecht', à l'Ouest d'Echternach. Jean Pierre BRIMMEYR attacha le grelot en 1850 en publiant notamment un plan-levé (notre fig.49) ( qui est l'un des tout premiers travaux de Charles ARENDT) qui fut, un siècle durant, la seule base factuelle de nos connaissances. On distinguait un mur de 60m de long, aboutissant à un bain vigoureusement chauffé; à peu de distance de là, une grande salle pavée de mosaïques appartenait au bâtiment central du palais. Un croquis dû à V.WAGENER figurait l'aile Est. On ne reparla du secteur qu'en 1975, lorsque le projet d'un lac artificiel mit en danger de destruction immédiate l'ensemble de la zone archéologique supposée en même temps que le 'Löschenhaus', rancienne résidence d'été des abbés d'Echternach. Comme toujours en pareil cas, le dévouement obstiné de ceux qui voulaient préserver les intérêts de l'histoire subit de lourdes défaites , mais obtint un compromis boiteux grâce auquel on put fouiller d'août 1975 à novembre 1976, dans des conditions(physiques et psychologiques) souvent difficiles. Les résultats ne parurent qu'en 1981, mais donnèrent matière à l'un de nos meilleurs rapports archéologiques . Donnons d'abord, en pleine page (fig.50) le plan de l'ensemble tel qu'il a pu être défini par l'heureuse conjonction de fouilles et de photos aériennes. La surface couverte est de 500 x 210 m; elle s'articule en 4 grandes parties: A. le palais, groupé autour d'une pièce d'eau B. la cour terminée par les bâtiments 2-5 C. flanquée de deux habitats( 6,7) D. une zone moins nettement définie (parce que partiellement bâtie) où, suivant l'exemple d'autres grands dispositifs de ce genre (Winkel/Seeb en Suisse) on s'attendrait à trouver des forges, des remises, des ateliers de poterie. Afin d'illustrer les deux extrêmes de la longue histoire du palais lui-même, je reproduis en fig.51 les plans restitués des périodes 1 et 5. L'axiome ci-dessus affirmé s'y vérifie: la géométrie générale du bâtiment reste constante et certains éléments (la pièce centrale, la cour, le bassin et d'importantes parties des ailes ) sont des constantes de l'aménagement de cet habitat "du plus grand standing". Nous reproduisons en fig.52, la proposition de restitution graphique de la façade principale durant la phase 1,telle qu'elle a été élaborée par l'équipe ZIMMER/METZLER. On apprécie bien l'étirement en longueur de l'énorme bâtiment où l'étage ne paraît presque pas, mais où se distingue d'autant mieux lefronton discrètementélégant duportique d'accueildevant l'entrée principale.Si de là, nous passons à notre fig.53 qui reporteau sol les données fournies par l'archéologie et interprétéesdefaçon cohérente par les fouilleurs, nousobtenons:-au centre, l'habitat principal, mesurant 48x 14m (pièces 1-12) -une aile Sud composée d'un péristyle de 17x 16,50 m et d'un bain occupant un bâtiment qui mesure 11,5 x18,50 m une aile Ouest à péristylesur trois côtés , délimité auSudpar l'abside de lasalle 27 dont onestimelasurfaceà 170m2; la salle comportedeux pièces de 4 x 3 m (28 et29) -un portique de façade -unecour de 74 x 29 m, comprenantun bassin de59 x 14,50m-un 'pavillon' à l'Est (31-33) comportantun corridor de 5,40x 2,10m donnant surune salleàabside d'un diamètre de 3,70m; lapièce 30 mesure6 x 3,50 m;elle n'a jamaiseude recouvrementausol; on ya découvert des cendres et des restes decharbon de bois;-à l'Ouest (34), unpavillon de dimensions semblablesdont l'intérieur a été supprimélors des aménagementsde la 3e phase de construction. La découverte de nombreux élémentsarchitecturauxa suggéréaux fouilleurs une restitution du hall central, que nousreproduisonsenfig.54.Lapièce,couvertedelamosaïqueà peltes déjàsignaléeau19e siècle, a enson milieu un jetd'eau dansune vasqueenforme de canthareen marbre (diamètre 44 cm); d'abondantes trouvailles attestent l'existence des pilastres latérauxen marbredisposéssurdeux registres séparés parune cornicheassez plate. L'intérêt étant aujourd'hui assez vif pour les questionstechniques, nousreproduisonsen fig.55 une coupe à travers l'un des bassinsdes thermes dela 3e période de construction. De gauche à droite, dans lasalle chauffée (caldarium), des tuiles sont superposées au revêtement du sol hypocausté; elles s'appuient (au moins partiellement) au mur en élévation; est-cepour accélerer la condensation dela vapeur d'eau et l'évacuer? A droite, la salle froide (frigidarium),surélevée parce que plus ancienne,s'appuie au fondsur une couche de blocaille noyée dans le ciment, aplanie par une couche de tuiles sur laquelles'étend uneaire de tuileau broyé mêlé à du mortier,terminé sur les côtés par un bandeau en quart de cercle qui fait la transition entre l'aire plane et la couche isolatrice en élévation.Procédé fréquent (ici et ailleurs): les murs apposés les uns auxautres; celui de l'ancienne salle est consolidé par des tuiles incluses,méthodeencore accentuée au cours de la 4e période . Afin d'accréditer définitivement l'impression de richessede bon goût qui marquait ledécorde ce palais, nous reproduisonsen fig.56 l'undes chapiteaux pilastrés demarbre blanc. Destylecorinthien, l'appui en basa 20cm de large, l'abaque (en haut) 27 cm, la hauteur est de 22cm. La feuille d'acanthe est placée au milieu, en 'palmette'; leprofil incurvé des feuilles latérales creuse le flancetdessine-en ton surton-une ombre légère sur lemur.Onneterminerapascechapitresanssignalerque le palais d'Echternach n'était pas unétablissement isolé; des découvertes faites récemmentsousl'abbaye et sur lesquelles nousauronsà revenirci-dessous, quand il s'agira delatransition versce qu'il est convenu d'appeler le MoyenAge. LES FERMES Au 6echapitre du 6elivre de son 'Dearchitectura',Vitruve donne des conseilsquantà l'aménagementd'une ferme; on en a tiréle 'plan idéal d'une ferme romaine'que je reproduis -sous toutes réserves- en fig.57. Le plan du bâtiment est carré; les piècessont groupées autour d'une pièce centrale(cour danslespays chauds, salle dans les autres); les pièces sont petites,centréessur lefoyer verslequel converge la vie de lamaison; onprônerait une grande méfiance vis-à-visde cette construction 'idéale' si nous n'avionspas, à Bilsdorf (Fig.58) et à Dickweiler un bâtiment bien semblable. La différence(à peine perceptible) vient de l'existence d'une galerie de façade et de deux tours d'angle . Contrairement à ceque j'écrivais en 1967, j'envisage que la pièce centrale, loin d'êtreun 'atrium'fut une salle communeayant unfoyer ouvertenson milieu. Les quatresocles reportéssur le plannesont doncnullement l'indice d'un impluvium tétrastyle, maisles supportsde charpentedu toit (ou de l'étage). Les (utiles) discussions menées dans les années soixante autourde la typologie du plan denos fermesont permis d'établir au moins une chose: elles naissent toujours d'une construction très simple, un bâtiment rectangulaire (ou carré) auquel viennents'adjoindre des galerieset des tours d'angle. Acetégard encore, les exemplesdeFrance picarde, de Grande-Bretagne et de chez nous(Goeblange!) concordent. RIPPWEILER Les fouilles menées parM.HOMMELà Rippweiler-'Laach'(fig.59) ont dégagé unensemble dumêmetype : il n'est toutefois pascertain qu'il s'agisse bien de tours d'angle, ou alors celles-ciont été simplement accolées à la façade qui, dece fait mesure 32,55m de large; le bâtiment principal a une largeur de 14,80m (481m2), lapièce centrale mesure en gros 19,55x 9,15 (178m2). GOEBLANGE Il est évident que les fermes deGoeblange appartiennent au même genre de bâtiment (Fig.60). Le rapport final consacré à ces fouilles (commencées par l'abbé Georges KAYSER ) a marqué une étape dansnosétudesconsacréesauxbâtimentsd'habitation: eneffet, c'estlapremière fois que, sur initiativeprivée, les instances officielles engageaient plusieurs campagnes defouilles (avec l'aide de forcesrecrutées surplace) aboutissant à uneexploitation quelque peu systématiqued'unassez vastesecteur . Les fouilles portèrentd'abord sur le bâtiment I dont nous reproduisonsle plan en fig.61. Cette ferme mesure-danssa plusgrande extension-34,50 x 20 m;la surface théorique de690m est, mesuréeen espace réelégale à 536m2.D'abord parfaitement symétrique, elle perdit sonéquilibre architectoniquepar l'adjonction de lasalle 6 (12,10 x 6,90 m).Le portique a 20,75 x 4,50m, une moitiéde ce portique passaitau-dessus d'une cave(8,30 x 3,90 m)à laquelle onaccédait par un escalier de 10 marches depuislapièce centrale; cet escalier fut muré lorsquecettecave fut transformée en 3 bassinsdont l'usagen'a pu être établi. Lapiècecentralemesurait13 x12m; le solétait couvert desable damé mélangé à de lachaux; le foyermesurait2 x1,50 m.Iln'estpassituéaucentredelapièce;ilpouait correspondre à un état chronologique ancien qu'il faudraitpeut-êtremettre en rapport avec laversion(tracée en trait léger) décalée des pièces 10 et 7. La pièce 10 (6,20 x 6,70m) attire l'attention par l'extraordinaire largeur de ses murs (1m, alors que les autres murs ont 1 pied, soit 32 cm ); elle est accessible par une porte à deux vantaux de bronze dont on voit bien lestraces dans leseuil monolithique de 1,55 x 1 x 0,67m! "Das massive Mauerwerk deutet auf einen turmartigen Bau hin." Nous connaissons plusieurs types de tours en milieu gallo-romain: les greniers, du type de Mayen ou Köln-Müngersdorf ; les tours d'habitation des burgi tardifs; les éléments centraux des fana. En l'absence de trouvailles éloquentes, aucune explication ne peut être écartée. S'il n'est pas tout à fait logique qu'un sanctuaire soit converti en élément d'habitation, il demeure que l'usage irrespectueux fait à de certains moments de monuments religieux ne s'y oppose pas et que l'on imagine mal des vantaux de bronze donnant accès à un grenier à blé; il n'y a pas d'indice permettant de croire qu'à un certain moment la ferme fut abandonnée et que les habitants se réfugièrent dans la tour. Notre fig.62 donne le plan de la deuxième ferme de Goeblange. La maison mesure 26 x 23 m; souvent remaniée ( et très atteinte par les racines de hêtres centenaires), la ferme donne une impression plus confuse, au sein de laquelle il importe de repérer: -l'accès sur cailloutis, au Nord -la pièce centrale 1, de 9 x 8,25m (74m2) qui garde les traces de trous de poteau d'un aménagement (peut-être) plus ancien; foyer au milieu, de 1,10 x 1,10m -une installation de bains dans la partie Ouest de la maison: 3 est un caldarium, 2 la chaufferie de celui-ci avec un four (praefurnium); dans 4, il y avait un bassin chauffé de 1,30 x 2,80m -la cave 9, accessible par 6 degrés -les caves 16 et 12 dont certains dispositifs n'ont pas été expliqués. C'est dans cette deuxième maison qu'on a découvert une tablette en bronze (tabula ansata) que nous reproduisons en fig.63. On y reconnaît -en cursive relativement soignée- les restes de plusieurs noms: ....BILIS, ligne 1, SA..., ligne 2 . Ligne 3, je lis REPORTABIT. Est-ce que AMATOR, mentionné ligne 4 doit rapporter quelque chose (son affection, la santé?) à AMANDVS? Il s'agirait, dans ce cas, de ce qu'on appelle tabellae defixionum, des billets de conjuration, déposés dans des sanctuaires (souvent souterrains) pour jeter un sort à quelqu'un . Pour ce qui est de la chronologie des deux bâtiments: dans la ferme I, les monnaies appartiennent toutes au 4e siècle, mais la céramique remonte jusqu'au troisième; dans la ferme 2, les monnaies commencent à la fin du +1er siècle et vont, elles aussi jusqu'en 378; les fouilleurs n'ont pas trouvé de trace de destruction: les deux fermes ont cessé d'exister à la fin du 4e siècle; il n'est pas interdit de penser (à cause des aménagements des caves du bâtiment Ique l'une fut, à partir d'un moment que nous ne connaissons pas, plutôt utilisée à des fins artisanales. WASSERBILLIG "Das idyllische Moseltal und seine vom Weinbau bestimmte Landschaft, denen Ausonius vor 1600 Jahren in seiner Mosella ein unsterbliches Denkmal gesetzt hat, sind in den letzten Jahrzehnten wie kaum eine andere Region unseres Landesverändert worden: die industrielle Ausbeutung des Moselsandes, die Kanalisierung des Flussbettes, der Strassenbau und vor allem die grossangelegte und noch nicht abgeschlossene Flurbereinigung im Zuge des 'Remembrement' haben das seit den Urzeiten von der Natur gestaltete Landschaftsbild innerhalb weniger Jahre bis zur Unkenntlichkeit entstellt. Da es meist wirtschaftliche Interessen sind, die solche Massnahmen diktieren, bleibt in der Regel wenig Platz für die Belange der Archäologie...Weder die im Denkmalschutzgesetz verankerte Meldepflicht, der bedauerlicherweise nur in den seltensten Fällen nachgekommen wird, noch die Sensibilisierung einer breiteren Oeffentlichkeit für das kulturelle Patrimonium haben aber daran etwas ändern können, dass Jahr für Jahr wertvolle archäologische Befunde unbeobachtet zerstört werden." Ces fortes paroles, justement désabusées, ouvrent un beau rapport rédigé par Jean KRIER et Robert WAGNER quant aux découvertes faites sur le tracé de l'autoroute Luxembourg-Trèves . Dès 1847, des sondages avaient mené à l'identification indiscutable d'un habitat romain. En 1982, les machines modernes dégagèrent 7 bâtiments en quelques heures, si bien que notre fig.64 peut donner une vue d'ensemble de la ferme et de ses dépendances. Lamaison d'habitation principale, le 'Herrenhaus' au sens de la terminologie traditionnelle- se situe à gauche (à l'Est); dans l'enclos (1,7 ha), il y a au moins un autre bâtiment (A) destiné à l'habitat. Notre fig.65 montre, dans le plan et en élévationla première phase du bâtiment principal ; il mesurait 23 x 15m (345 m2 de surface); les tours d'angle sont encore entièrement inclues dans le plan strictement parallélépipédique de la construction; la deuxième phase de construction se caractérise par le développement de l'une des tours d'angle et l'adjonction à la façade arrière d'une installation de bains. LE SEJOUR DES DEFUNTS Dès les 'Lois des XII Tables' de la plus ancienne Rome, il était entendu qu'on n'ensevelirait ni n'inhumerait à l'intérieur des agglomérations. Ainsi, c'est aux portes de celles-ci, le long des routes ou, en milieu rural, un peu à l'écart des habitations que l'on trouve les nécropoles: le principe en est toujours collectif; il s'agit d'associer dans la mort ceux qui ont partagé la vie terrestre et qui, suivant une croyance aussi répandue chez les 'païens' que chez les chrétiens ne sont que dans un état transitoire, 'en marche' vers la vraie et définitive félicité. "Le problème crémation ouinhumation a suscité maintes interprétations divergentes, notamment quant à la chronologie du relais de l'une par l'autre. Disons simplement que jusqu'à la fin du 2e siècle, la crémation fut l'usage courant, doublement motivé par les pratiques des indigènes et celles des Romains; qu'elle commença alors par être progressivement supplantée par l'inhumation qui fut pratiquée de façon presque exclusive à partir de la seconde moitié du 3e siècle. La crémation se pratiquait sur deux types de bûchers: la tombe-bûcher (bustum)..., l'ustrinum, lieu de crémation fixe à partir duquel les cendres étaient recueillies et disposées dans les divers types de sépultures dont il seraquestion ci-dessous." Une nécropole était toujours visible de l'extérieur: le cas de Lellig en est l'illustration. C'est le long de la RR4 que l'on a découvert un enclos funéraire dont nous reproduisons en fig.66 (supra) le plan levé ; les tombessont marquées par des dalles de pierre ( II mesure 46 x 45 x 40 cm); elles contiennent des urnes en verre , des flacons, des cruches, une lampe . Un espace de 2 x 1 x 0,40m semble avoir servi d'endroit d'incinération: plusieurs couches contenant des fragments de poterie, des clous, des morceaux de fer plus ou moins fondus semblent l'attester. L'enclos se trouvait à 400m d'un groupe de piliers funéraires (fig.67 ci-contre). Deux autres types de monuments funéraires ont attiré l'attention. A 'Bill' , non loin du 'Helperknapp' , on a d'abord découvert des monnaies et des tuiles romaines (donc il y avait un habitat), ensuite un monticule que Jean ENGLING avait déjà signalé comme étant un tumulus c.à d. une sépulture marquée par un amoncellement de terre faisant office de monument . En effet, tout comme les piliers funéraires ne 'contiennent' pas de tombes (celles-ci se trouvent aux environs ), les tumuli n'en abritent que rarement . Des pillards ayant entrepris d'explorer le tumulus de Bill par le centre, le musée décida d'intervenir: ce fut la première fois que l'on appliqua la méthode de fouille dite des quarts de cercle, mise au point au Moyen-Orient pour les tells. Le résultat, bien que négatif, fut concluant: le tumulus lui-même ne recelait rien; fait d'argile apportée sur les lieux, il comportait plusou moins 1000m3 de terreau entre un muret circulaire à rayon variant entre 11,90 et 11,98m. (Fig.68), la circonférence est de 75,50m. Le muret est composé de trois, resp. de 4 assises de blocs de 1,80 x 0,80 x 0,50m; dans ce muret est inclus un autel funéraire (Fig.69) fait de 4 blocs dont l'assemblage mesure 2,80 x 1,90 x 0,60m. L'autel comportait un évidement qui pouvait recevoir une urne cinéraire. La céramique trouvée aux environs de l'autel funéraire correspond aux années qui vont de 190 à 260, les monnaies de 194 à 222. Notre fig.69 montre l'aspect possible du tumulus de Bill. aDonnons quelques exemples de sculptures (et d'inscriptions) sur des monuments funéraires: notre fig.70 montre sur la face principale deux époux représentés suivant le canon social que nous avons déjà évoqué; sur une face latérale (Fig.71) figure un chariot à superstructure en osier. Mais il y a des monuments infiniment plus modestes. Notre fig.72, de Haller, montre trois personnages debout (des parents encadrant un fils défunt?), la fig.73, provenant peut-être de Dalheim, montre Sattonius Artisius et son épouse Primitivia Pri(mani)a . Une forme générale semblable se retrouve dans le monument de Dacuus Dacisillus , Litugenius Secundinus et Nocturna , M.MemmiusCommentus et Primia Urbana, sousune forme légèrement modifiée, dans celui de Iassius Silvinus et Iulius Iassus , sous des dehorstout à fait classiques pour Aturiacius Primuluset Magiona , et pour Sennius Maior . Dans certains cas, la partie supérieureest triangulaire, comme pour le Medicus de Pétange qui fit faire une dédicace pour Iulia, son épouse bien aimée et Iulia Iulla, fille de Pothus, sur le Titelberg . Nous en venons enfin au type de sépulture le plus fréquent; qu'il y ait eu incinération ouinhumation, les restes du défunt étaient déposés dans la terre. Dès le 19e siècle, nos archéologues fouillèrent des nécropoles entières, notamment aux environs de Steinfort , Wecker , à Fentange, Dalheim, Mondorf, Altwies, Filsdorf, Emerange, Greisch, Schwebsange, Rosport, Born, Givenich, Herborn, Moersdorf, Echternach , Waldbillig, Heffingen et Steinfort , Larochette , Bourscheid , Lorentzweiler, toutes n'étant pas entièrement 'romaines' ni toujours 'franques', l'époque n'ayant pas encore le sensdes passages progressifs (depuis le 2e siècle) vers des mobiliers autrement déterminés que ceux des 1er et 2e siècles de notre ère. En attendant la publication de travaux en cours (notamment à propos d'une nécropole proche de Septfontaines) , on se tournera -une fois n'est pas coutume- vers un exemple extérieur au territoire denotre pays: à Wederath/Belginum , la tombe 2370 comportait (fig.73) un récipient (c) dans lequel le gobelet à double anse (a) avait été placé, l'ouverture vers le bas, les deux étant recouverts d'une pierre plate; dans c se trouvait un petit flacon en verre; les cendres furent repérées au milieu des restes d'un coffret en bois (clé, serrure) qui contenait aussi des bagues, des fibules à charnière; ailleurs, on on a trouvé une chaîne, des restes de textiles, une monnaie en argent (un denier en argent, de Tibère), deux autres récipients (d sur l'orifice duquel on avait renversé b). La trouvaille la plus originale est un miroir à couvercle rabattable. Le coffret, le miroir, les restes de textiles, les fibules font attribuer cette sépulture à une femme, le mobilier la faisant admettre parmi les représentantes d'un groupe social relativement aisé. Le Trévire moyen voyait ses cendres éparpillées dans sa tombe ou contenues dans quelque récipient fort modeste. Des fragments de poterie commune, parfois de sigillée, permettent aux archéologues de dater ces trouvailles communes. LA RELIGION C'est à dessein que je place ce chapitre sur la religion presque à la fin de ce livre: en effet, le sujet ne saurait être traité ex abrupto. Tout ce que l'on a dit jusqu'ici y concourt et l'on s'enlèverait à soi-même toute chance réelle de le bien comprendre en l'isolant de l'ensemble de son contexte. L'homme antique voit Dieu au travers de son monde et ne le conçoit bien qu'en en partant pour s'élever versdes 'images' qui, elles-mêmes, ne sont que de pâles reflets de ce que l'esprit et le coeur peuvent savoir au sujet des dieux immortels. Il n'y a pas de contradiction entre Dieu et les dieux; depuis l'époque de Cicéron, on n'hésite plus à employer le singulier pour désigner la somme de ce que les dieux contribuent, chacun pour sa part, à lanotion suprême que l'on aborde à travers eux. Le polythéisme est une réalité, certes, mais qu'il ne faut pas vouloir exprimer par la multiplication de noms divers, de figurations variées que l'on définirait ensuite comme entités séparées, sui generis, parties indépendantes d'un polynôme hyperfractionné. Cette image -fausse, mais très répandue- vient de l'antiquité ellemême (Saint Augustin a beaucoup fait pour réduire la religion romaine à ces fragments de la divinité qui n'en sont plus qu'une caricature), elle est soutenue par les besoins de l'école, parfois de certaines recherches, par les dictionnaires dont la tâche est de distinguer ce que la réalité unit... L'approche que nous proposons est inverse; elle se fonde d'abord sur la lecture des textes, ensuite sur l'observation de la pratique que nous décelons à travers l'archéologie: dans les deux grandes zones-sanctuaires de Trèves, où affluaient, nous l'avons dit, les pèlerins de tous les cantons de la cité, aucun sanctuaire n'est dédié à une seule divinité. Dans nos campagnes, les 'colonnes de Juppiter' réunissent, de bas en haut, au moins quatre divinités ('pierres à quatre dieux') sous l'autorité de Juppiter. En ville et dans les campagnes, on opère la synthèse du divin en donnant clairement à entendre que l'esprit du croyant est libre de s'adresser à l'un ou à l'autre,à l'un à travers l'autre,au 'roi et père des dieux' par l'intercession de Diane, d'Apollon, de Junon ou d'Epone, ou de parler à Dieu 'tout court' en priant face à ces monuments multiples qui les embrassent tous. Onsait, bien sûr, qu'il y a plusieurs religions, pour le vulgaire, pour le sage et pour celui, qui, cultivé sans être nécessairement plus mystique que d'autres, admet que sa vie n'a pas de sens si Dieu n'y prend pas la place qui lui revient. Il faut donc admettre que l'esprit simple interprétait étroitement les attributs des statues divines, qu'il les prenait même pour la divinité: la confusion est de toutes les époques! Il faut admettre que des garçons d'écurie aient prisEpona pour une déesse 'des chevaux', qu'un sergent de cavalerie l'ait adoptée comme sainte patronne. Cela ne veut rien dire quant à la théologie de la déesse que nous entrevoyons bien, tout à fait ailleurs . Si l'on accepte deuxséries de faits essentiels, à savoir que nous descendons de gensqui appartenaient (dans le cadre de la celticité et de la germanité) à la grande famille indo-européenne et qu'à l'époque romaine (pour lemoins)certains principes directeurs issus de celle-ci restaient actifs, on en vient à présumer que la divinité, alors, se présentait au travers des trois fonctions que Georges DUMEZIL a mis cinquante ans à étudier, à cerner, à exprimer. Peu après sa mort, le colloque de Luxembourg a montré que la méthode dumézilienne -tant qu'elle est appliquée par des spécialistes, à l'abri de toutes les simplifications outrancières- vaut indiscutablement pour la religion romaine et, à travers elle, la mythologie et l'histoire des premiers temps de Rome, mais aussi -comme l'avaient montré G.Dumézil et Paul Marie Duval- les religiosités celtique et germanique . Enfin, n'oublions pas de rappeler que la religion romaine n'est pas unépisode passager dans l'histoire des mentalités dont nous nous réclamons. Non seulement a-t-elle marqué cinq siècles directement, mais, par sa persistance obstinée dans des campagnes peu peuplées et peu accessibles aux innovations, a-t-elle perduré presque jusqu'à nous. Que dans l'une de nos églises on ait vénéré un Juppiter jusque dansles années vingt de ce siècle en le prenant pour Dieu le Père (ce que mutatis mutandis il est exactement) peut n'avoir de valeur qu'anecdotique; que le 16e et le 17e siècle aient dû partir à la conquête de nos campagnes presque entièrement païennes est la réalitéde l'époque post-tridentine, caractérisée (e.a.) par l'action de Jean BERTELS, puis des Jésuites. LES GRANDS DIEUX Juppiter, Junon, Minerve On sait que ces dieux occupaient le temple du Capitole de Rome ; on n'ignore pas que chaque fois que Rome construisait une nouvelle cité ou en romanisait une, elle lui imposait en tout premier lieu la construction d'un capitole qui fût le reflet de celui de la Ville et assurât péremptoirement la prééminence des grands dieux romains. La fameuse tolérance religieuse que les modernes admirent tant, dépend entièrement de cet axiome; Rome netolère d'autres dieux (que les siens et ceux de l'Etat tout d'abord) que dans la mesure où, primo lasuprématie de ceux-ci est assurée et que, secundo, les 'autres' aient une large base d'entente commune avec eux. C'est sur cette base commune que -dans nos provinces, aux époques dont il est question ici- se produit ce qu'il est convenu d'appeler l'interpretatio Romana, un phénomène très complexe qui se présente à nous sous -au moins- 4 formes différentes: -des dieux gréco-romains admis par nos ancêtres, sous leur nom et avec leur théologie; l'interprétation se situe dans l'admission au sein de la communauté provinciale; c'est le cas de Juppiter quand il est invoqué comme "Très Bon Très Grand" ou accompagné de certains signes: -quand ledieu romainMars est associé en pays trévire à Lenus de telle façon que Lenus n'apparaisse pas seul, il semble que l'interprétation soit dans l'association très intime des théologies de l'un et de l'autre -quand au nom d'un dieu romain on ajoute par conjonction le nom d'une divinité indigène, l'interprétation est dans le fait que les théologies ne sont certes pas identiques, mais ont -au niveau fonctionnel- des zones communes; ainsi,quand Apollon et Sirona, Mercure et Rosmerta (à Wasserbillig ) sont invoqués, cela présuppose que dans le théologie de l'un et de l'autre,il y ait une zone commune qui incite le Trévire d'époque romaine à combiner leur action au bénéfice de quelque propos précis -enfin, quand un dieu indigène est invoqué et évoqué grâce à des moyens stylistiques et religieux empruntés à la 'grammaire' gréco-romaine, il n'y a pas lieu d'y subodorer quelque volonté de 'résistance' à la romanité, au contraire: cela signifie que ce dieumême est transféré tel quel dans la pratique religieuse de l'époque; c'est, bien sûr, le cas d'Epona. Quant à l'aspect psychologique de cette interprétation romaine, gardonsnous de croire que l'adhésion religieuse soit en proportion du schéma que je viens de donner: faible pour Juppiter, Junon et Minerve, très forte pour Epona! L'homme ne change pas de religion; il peut accepter de changer de mots, d'images, de morale, de culte: il gardera ses voies d'accès à la divinité. Comment expliqueraiton sinon que les matres , renonçant à tous les canons de l'esthétique gréco-latine s'imposent chez nous depuis le fin fond de la Préhistoire? En fait, nous avons tout lieu de croire que le Trévire d'époque romaine suivait la procédure que j'ai décrite ci-dessus: au-delà des images et des signes (mais grâce à eux, puisqu'ils sont là pour faciliter les choses!), il accédait à Dieu en utilisant toute la palette des possibilités que la religion multiforme d'alors lui offrait. Juppiter,Junon et Minerve sont associés sur une inscription de Dalheim,soigneusement gravée sur une plaquette en bronze qui a pu orner une statuette. Ainsi que nous l'avons déjà dit, Juppiter est invoqué sous la forme I.O.M. sur le socle d'un monument d'Altrier ; la couronne et l'aigle sont les 'signes': dans l'esprit des fidèles, la (probable) statue, les signeset, pour ceuxqui savaient lire (ou identifier les graphèmes): l'inscription s'additionnaient. Juppiter figurait sur une inscription de Bollendorf vue vers 1850 ; associé à Junon à Merl. Juppiter est ledieu du ciellumineux; père et roi desdieux, fils deSaturneet d'Ouranos, d'abord caché au sein de la terre , puis, enrévolte contreson père,sauveur desesfrères,ilreçutdeceux-cilafoudreetletonneequi faisaient delui le maître dela pluie, leresponsabledel'ordre dans la nature(commechezles dieux etchez les hommes), de la morale, de l'hospitalité, du serment, du respect;maîtredu sort, dieu providentiel, il décide du sort des armées et des états. Barbu,trônant,tenantlefoudre, il est donc l'incarnation parfaite des trois fonctions indo-européennes: -souverain(signe: le trône) -guerrier (signe:le foudre)-bienfaiteur (signe: l'aspectde bon père jovial). Junon a pu figurer sur l'inscription de Luxembourg-Merl que j'ai mentionnée ci-dessus; danscecas, on lirait: I.O.M. IVN[ONI] ... La dédicae se fait doncà Juppiter(Très BonTrèsGrand) et à Junon, par un personnage qui a pu s'appeler Censorinus. A Dalheimune tabletteen marbre dont le CILaffirmait qu'elle avait été trouvée dansles ruines d'unsanctuaire,porte ce qui suit: IN.H.D.D.I GINAE E LIOR.VI ORSIGNINIV DEOR. DE SV Ce que l'on peut (au moins partiellement) restituerde la façon suivante: INH(ONOREM) D(OMVS) D(IVINAE) [ET IVNONI RE] GINAE E[T PRO MEMORIA ?...................... FIL]IORVM VI[V]ORVM...................... SIGN[A.....INIVS?..................DEOR(VM).DESV[ORESTITVENDA CVRAVIT]Junon est mèreet reine des dieux; protectrice des femmes,elle s'identifie si bienà elles que chacune 'asa Junon' comme chaque homme a son genius, une sorte de double, angegardien, alter ego,en mieux, bien sûr! Junon emprunte à son origine latine le flambeaugrâce auquelon la reconnaît notamment surles 'pierresà quatre dieux'. Souveraineenpremière fonction, bienfaitrice etprotectriceen troisième,elleest 'guerrière'en cequesessanctuairessontquelquefois des fortifications (l'arx du Capitole). Entermes d'interprétationromaine,Junonpeutaccueillir enelle tousles types de Matres que l'on netiendrait pas àexprimer enstyleindigène.MINERVE Parce que plus profondémenthellénique que tous les autres dieux (très indirectement) héritésdu panthéon grec,Minerve , "déesse des métiers" ne connaît pas laferveur denosancêtres;Mercure lasupplante danstoutesfonctionssouveraines etprotectrices, et ses attaches avecle monde de laspiritualitéet del'intellect lui barre l'accès aux coeurssimples. MARS ET MERCUREMars n'est pas 'le dieu dela guerre'; dieu latin, protecteur des champs qu'il défend contretoute agression,il fut l'un des dieux les plusanciens de Rome; c'est entant que tel, non entant que 'symbolede la guerre' qu'il convient d'enfaire l'un des membres les plusimportants du panthéon romain.Protecteur contre les agresseurs,Marsestledieudesjeunesgueiersetc'estdanscecontexte(oudansunevariantedececontexte) que nousleconnaissonsen milieu trévire . Nousl'avons dit, c'est sous le double vocable de LENUSMARSqu'il est le principal (mais non leseul) dieu dusanctuaire de l'Irminenwingert àTrèves.Et nousavons dit que 'l'inconnu de Mersch' étaitgrand prêtre de ce dieu qui a dû être particulièrement honorédans nos régions. Le faitqu'il y soit associé au flaminat d'Auguste nous fait croire que le dieu avait une dimension politique que d'autres dieux (Mercure et,bien sûr Juppiter) ont euequand ils étaient associésà des titresoudes fonctions 'impériales'. Mais Lenus Mars revient sur une autre inscription. Du Widdenberg semble venir une petite tabula ansata dont il convient de lire l'inscription: [LE]NO.MARTI VERAVDVN. °E°T INCIONE. MI ITIVS. PRIS CINVS. EX°V°OT Ce qu'il convient detraduire: "A LenusMars, à Veraudunuset à Inciona,Miitius Priscinus a fait graver cette tablette en accomplissement d'un voeu." Noussavons qu'il faut lire à la deuxième ligne VERAVDVNVSparce que le même dieu est mentionnéentoutes lettres sur une très belle inscription qui vient dumêmesite et quilui associe la même INCIONA par ailleurs totalement inconnue. Mars, quantà lui,revient sur une inscriptionde Grevenmacher , souslaformeMARTIVEGNIO,àMarsVegnius, par Adiutor, fils de Sollus. Nousignoronstoutdecette variante du dieu. L'association,sur leWiddenberg,de LenusMars, Veraudunus et Inciona pourrait plaider en faveur d'une sorte de triade régionale associant (forcément) des divinités qui ont des fonctions religieuses semblables. Mercure, disaient Jules César etTacite,est le dieu queles Gaulois vénèrent le plus;il convient de nuancer cette affirmation en un milieu oùdes influences indigènes restent vivaces; oui,sur les inscriptions, Mercure apparaît le plus souvent;non, sur les figurationsiconographiques,Hercule lui dame le pion! Mercureest lemessager des dieux, l'envoyé et, un peu le représentant de Juppiter, l'accompagnateur des morts qui cheminent vers la rédemption,dieu souventsouverain (MercuriusAugustus, enItalie), protecteur de ceuxqui voyagent(et donc des marchands ) et de tous ceux qui exercentune faculté manuelle404,unetechnè, il correspond fortbien au schémaindo-européen, maisaussià l'idée de lisibilité àdiversniveaux quej'ai exposéeci-dessus. Bien des historiettes plus ou moins édifiantes se tissaient autour de lui, en pays de bourgeoisie florissante, il était obligatoirement un granddieu, mais son message proprement religieux parlait aux âmes que l'angoisse de la mort saisissait. La belle inscription de Wasserbillig portait,semble-t-il ce texte: DEO MERCVRIO [ET DEAE ROS] MERTAE AEDEM C[VM SIGNIS ORNA] MENTISQVE OMN[IBVSRESTITVIT?] ACCEPTVS TABVL(ARIVS)[AVG(VSTI) ET] AVGUSTAL[IS] ITEMHOSPITALIA[SACROR(VM) CELE] BRANDORVM GR[ATIA PRO SELIBE]RISQVE SVIS DED[ICAVITA.D. ...?] IVLIAS LVPO ET[T MAXIMO CO(N)S[VLIBV]S Traduisons:"Au mois de juillet de l'année où Lupus et Maximus furent consuls , Acceptus, agent douanierimpérial , fit remettre en état -pour son salut et celui de tousles siens-cesanctuaire deMercure et deRosmertaavectoutson décor etsesstatues etle bâtiment nécessaire à la célébration des saints offices." HERCULE: L'AMI DU GENRE HUMAIN Hercule est presque omniprésentdans nos régionset, sansqu'onait besoin delenommer, ilse reconnaît facilement (Fig.74) àsa carrure athlétique, à sa nudité musculeuse, à la dépouille du lion de Némée qu'il porte sur l'épaule gauche, à la massue qu'il tient de la droite . Le monument d'Igel lui est en grande partie dédié puisqu'il figure sur l'un de se plus grands registres (Nord) l'apothéose du demi-dieu 'ami du genre humain', champion de la vertu alliée à la vigueur. On sait que la religion romaine admettait parfaitement qu'il y ait, entre les hommes simplement humains et les dieux tels qu'on les concevait, toute une série d'échelons intermédiaires. En fait, les défunts qui figurent sur les monuments que nousavons plusieurs fois évoqués subissentdéjà "l'héroïsation", c'est à dire l'élévation dans un type d'existence bien supérieur au sort commun des vivants; certains, il y a fort longtemps, s'étaient distingués par des actes de bravoure au service de la communauté: le récit mythique retient l'image du 'dragon' chassé et/ou tué , du bienfait libérateur qui permet l'épanouissement du groupe bénéficiaire. Certains héros n'ont pas dépassé une importance régionale, Héraclès/Hercule est un phénomène 'mondial'; il semble toutefois qu'il ait connu une faveur particulière dans nos régions. Y a-t-il 'rencontré' quelque prédécesseur indigène (dont nous ignorons tout)? Ou est-ce sa théologie mi-humaine mi-divine, sa fonction d'intercesseur-type qui a assuré son succès? Dans la terminologie indo-européenne, c'est l'aspect troisième fonction qui prédomine; on sait que c'est le lot des divinités 'locales' très anciennes! Mais les deux autres sont présents: l'apothéose élève le héros à la quasi-divinité , et l'aspect de guerrier protecteur est, chez lui, particulièrement évident. C'est l'occasion de souligner -comme nous l'avons fait ci-dessus pour Mars- que les dehors militaires, les signes martiaux, les parures d'armes, boucliers, casques et cuirasses ne signifient rien autre que la plus vieille fonction indo-européenne de 'protection des champs'. APOLLON Audébut de son poème sur la Moselle, Ausone décrit quelques étapes d'un voyage depuis Bingen jusqu'à Neumagen . La vallée du Rhin était perdue dans les brumes, la montée sur le plateau fut rude et l'on y voyageait d'abord dans le 'désert verdoyant' d'une forêt si drue que les branches entrelacées des arbres empêchent la lumière du jour de pénétrer; ensuite, c'est l'aridité du plateau qui manque d'eau, puis -l'on approche du but- un endroit, Tabernae où les fontaines sont pérennes. Enfin: Et tandem primis Belgarum conspicor oris Noiomagum, diui castrainclita Constantini! Purior hic campis aer Phoebusque sereno Lumine purpureum reserat iam sudus Olympum. Nec iam consertis per mutua uincula ramis Quaeritur exclusum uiridi caligine caelum: sed liquidum iubar et rutilam uisentibus aethram Libera perspicui non inuidet aura diei. Phébus est Apollon et ce n'est certes pas un hasard qu'Ausone l'ait placé, en majesté, pour ainsi dire à l'entrée de son hymne au paysage qui abrita une réussite culturelle digne d'être imitée ailleurs. Apollon fut longtemps le 'protecteur' d'Auguste, dans la vie de Constantin, il rivalisa longtemps avec le Christ qui, s'il est présenté en Dieu lumineux combattant les Ténèbres du Malin, se rapproche encore davantage de lui. Les différences sont, bien sûr, essentielles: Apollon est le dieu de Délos ('la Brillante'),et de Delphes où le monde entier envoyait consulter l'oracle. Vainqueur du serpent Python (incarnation des forces inquiétantes de la Terre), il est le dieu des chants triomphaux, du Péan, du paysage sacré; d'une beauté physique parfaite , reflet d'une beauté spirituelle absolue, il est le 'maître' des muses et des nymphes, déesses des éléments naturels et des arts. Nous juxtaposons (Fig.75) une figuration de Berdorfavec une autre, de Luxembourg . Les traits communssont visibles, évidents; l'élément 'dieu des muses' est très accentué: Apollon paraît presque toujours la lyre à la main; il existe ici un curieux phénomène de substitution, puisque c'est Hermès qui inventa l'instrument, mais le cédaà Apollon; plus tard, un procédé semblable se fit à propos de la flûte. Mais Apollon paraît aussi armé: comme sa redouable soeur, Artémis, il porte le carquois et de ses flèches invincibles abat les enfants de Niobé . DIANE Hâtivement proclamée 'chasseresse', Diane est avant tout la déesse des grottes (Cumes),des lacs (Nemi) et des boissacrés(Aricie). De Capoue vient la tradition de la biche qui accompagne Diane, mais, loin d'être pour elle un gibier, l'animal figure l'association d'une divinité régionale ainsi 'signifiée'. Vierge mais accoucheuse (elle aide à mettre au monde son frère Apollon), elle est redoutable pour les femmes en travail à qui elle peut envoyer des maladies mortelles. Tueuse de dragons, compagne d'Héraclès dans son combat contre les Géants, ennemie des Atrides (elle exige le sacrifice d'Iphigénie), elle est donc tout sauf la jeune femme court vêtue de certains monuments élégants, plus esthétiques que religieux. De Bollendorf, les WILTHEIM connaissaient déjàunmonument qui, sculpté dans l'un des blocs erratiques relativement fréquents dans la région , comporte un registre inscrit et un registresculpté. L'inscription porte: D E A E D I A N A EQ. P O S T V M I V S P O T E N S.V. S Quintus Postumius Potens a donc accompli son voeu à l'égard de la déesse Diane. Le monument ne laisse pas que de poser des problèmes : l'examen des fissures du bloc porteur, des remarques glissées ici et là , suivant lesquelles le monument aurait été restauré au 17e ou au 18e siècle, le désaccord quant aux restes de sculptures , l'absence d'environnement religieux nous empêchent de bien l'insérer dans le contexte de ce chapitre. Toujours est-il que Diane fait partie du panthéon trévire, mais, bien sûr,sans être une 'déesse des chasseurs'. EPONA Epona n'est ni "protectrice des chevaux" ni "déesse des cavaliers et des voyageurs", elle n'a jamais "été adoptée par les Romains." Positivons: 1° son nom s'écrit en lettres latines sur un certain nombre de monuments d'époque romaine, peu d'ailleurs, une petite trentaine pour l'ensemble du monde romain; Hercule est attesté 57 fois dans la seule cité des Trévires. Son nom est cité par Apulée de Madaure, au 3e siècle, dans l'histoire de la métamorphose de Lucius en âne; son nom ne figura jamais dans les listes de dieux païens donnés par les Pères de l'Eglise. Epona n'a jamais été adoptée par les Romains 2° cavaliers et voyageurs semblent avoir invoqué les dieux par séries entières (cela valait sans doute mieux: les routes n'étaient pas sûres): les 'pierres à quatre dieux', les colonnes à Juppiter, les petits sanctuaires dédiés aux biuiae, triuiae, quadruuiae abondaient,déesses desdeux, des trois, des quatre chemins.Mercure dominait cemonde de très haut,maisses voyages menaientaux enfers... 3°parce qu'il est représenté, par le Giotto etd'autres, en compagnie d'oiseaux, SaintFrançoisd'Assise n'est ni 'dieu des oiseaux' ni 'protecteur des oiseaux' et la Vierge à la Licorne n'est pas 'protectrice des licornes'. Charlemagne tenant l'orbe n'est pas 'protecteur des globes'. N'épiloguons pas: que quelqu'un, dieu ou roi, soit représenté tenant un objet ou accompagnéd'un animal,ou simultanément avec unanimal,établit,certes,une relation(ou la présuppose), mais celle-ci n'estpassimplement attributive ni surtouttutélaire parrapportà l'objet et à l'animal.Epona est en rapport avec le cheval. Sonnom, Ep-onasignifie en vieuxbreton cheval. Equos et equus signifient en latin cheval. Le suffixe -ona (peuétudié) relativement fréquentparmi lesthéonymes latinset latinisés, semble indiquer une sorte d'élargissement,d'augmentation, avec une nuance derespect, de religio. L'iconographie est indiscutable. Notre fig.76 réunit les deux types iconographiques essentiels: -à Contern,il s'agit d'une femme qui chevauche une grande monture; assise à califourchon, elle n'estpas sans rappeler les cavalières irlandaisesRhiannon et Rigantona; messagères divines (un peucomme Mercure), elles sont écuyères royales et sirapides que nul ne peut les rattraper; -àEchternach, la déesse est assiseface auspectateur, dansune attitudeincompatibleavec un déplacementà cheval, elletient dansson giron une coupe defruits; en fait, ladéesse trône, sur le chevalqui est son trône en même temps que l'interprétation (solaire, souveraine, cosmique) de celui-ci; les fruits sont l'indication évidente du pouvoir bienfaisant sur la natureetses produits. LeMusée Nationald'Histoire&d'Art à Luxembourg, possède une pièce (unique), l'aedicula322: ils'agit d'une chapelle en formede maison sur plan parallélépipédique,à fronton triangulaire; dans lafaçade, il yaune ouverture par laquelleon peut inspecter l'intérieur, pour découvrirsur le mur defond une Epona galopant.Al'état normal, elle setrouvait dans l'obscurité; quand on yintroduisait une lumière (ou qu'un rayon de soleil ypénétrait),elle naissaità lalumière,se révélait, devenait visible danssonpassage (ultra-rapide)entre les éclairages-etlessituationsthéologiques etrituelles-qu'elle parcourait. Eponaexisteetagitau niveau des trois fonctions indo-européennes: 1°lafonctionsouveraine: trônant et maîtrisant le cheval-soleil 2° la fonction guerrière: Epona protège 3° la fonction prophylactique: compagne des défunts (quand elle est représentée tenant un petit chien), dispensatrice des fruits de la tee, elle estgarantedubonuseuentus,dusuccèsultimedelaviehumaine.LESPETITSSANCTUAIRESAinsiquenous l'avonsditci-dessus,les pélerinages vers les grandssanctuaires deTrèvesdrainaientcertainement lafoi régionale telle qu'elle se manifeste officiellementet en communauté. Mais,noussavonspar de nombreux exemples (il est vrai surtout extérieursà notre actuel territoire) que l'onpeut dire que chaque ferme de quelque importance, bien sûr chaque uicusavait 'son' ou 'ses'sanctuaires. Lemot fanum est de convention (moderne) pour désigner ces constructions dont l'essentiel est unetour presquecarrée, entourée d'un portique qui faitoffice d'ambulatoire. STEINSEL C'est en 1954 que l'on découvrit les premiers restesde substructions romainesaul.d. 'op Rëlent', dans un site admirable, au-dessus de Steinsel (où les trouvailles romainesabondent, notamment au voisinage de l'église).J.MEYERSordonna des fouilles, maisn'en publiajamaisles résultats.C'est doncgrâceà un rapport dû à J.METZLER que noussommesen mesure de fournir-commefig.77- le plan-levé de l'ensemble qui mesure 56 x 60/54m; le fanum lui-mêmemesure12,80 x 11,80m, la cellaintérieure 7,40x 6,80m. Lesautres bâtiments, dont les traces ontété découvertes le long des murs du téménos sontdes hospitalia,des bâtiments d'accueil pour les fidèles. D'une inscription trouvée surplace, ilrésultequel'une des divinités vénérées ici est unTARANVCNVS dont nous ignoronstout. Concluons ce chapitre par l'évocation d'un cas curieux qui offre l'avantage d'être typique de certaines situationsauxquelles noussommes aujourd'huiconfrontés. La topographie de la ville de Luxembourg est marquéepar les deuxvallées qui serejoignent dans l'actuel faubourg du Grund; celle de la Pétrusse vient de la régiondeHollerich(oùil y a des trouvailles romaines; d'où vientpeut-être unchemin romain; oùse fonde l'une des plusanciennes paroisses de la ville); celle de l'Alzettedélimiteune sorte d'éperon naturel('plateau duRham', dont Jean Guillaume Wiltheim disait qu'ilportait un véritable camp romain; Alexandre, plus prudent, n'évoque que des trouvailles de poteries romaines etsouligne l'importancede Weimerskirch)qui domine précisément l'endroit où les deux cours d'eau font leur jonction. C'est là que setrouvaitune égliseSt.Udalric, donton dit qu'elle fut la plus anciennede la ville. L'endroit est donc marquépar la nature et par l'histoire; à deuxcents mètres vers l'amont de la Pétrusse, on trouve la chapelle de Saint Quirin telle qu'elle se présente aujourd'hui au visiteur(fig.78).Ensemble complexe s'ilen fut, comprenant:-deux grottesouabrissousroche,à flanc decoteau, nonseulement en positionexondée, mais dominantepar rapportà la vallée;-une source, captée;-unsanctuaire à deuxsalles, principalementcomposé d'une façadeplacée devant les grottes; -un peu plus haut, le long de l'actuelle route de Trèves,une chapelledans laquelleonvoit trois personnages féminins chevauchant sur quelque équidé . L'ensemble est tel que Charles ARENDT l'a 'restauré', sans doute à la fin du siècle dernier; à ma connaissance, il n'existe pas degravure plusancienne montrantl' état antérieur des lieux. Lesanctuaire, dit 'Gräinskapell'en luxembourgeois, a attiré l'attentionen 1859, lorsqu'un anonyme posa le problème desrapports entre "l'oratoire en formede catacombe", prochede la source réputée pouravoir des vertus curatives dansle domaine ophtalmologique, et les époques plus reculées,romaine voire celtique. Le rituel encore en usage (au mois de mai) consistait àapporteraux trois saints titulairesdulieu-Ferréol, Quirin et Firmin- des mâchoires de porc ...Etait-ce un rituel sacrificiel celtique? L'auteurdutexte de 1859 ne se faisait pas faute de faire aussi le rapprochement avec la chapelle supérieure et les trois saintes, -Fides, Spes et Caritas- qu'il soupçonnait allègrement d'avoir eu des déesses païennes pour ancêtres. Commença alors l'une de ces controverses savantes dont nos compatriotes sont friands: un autre anonyme rejetait ces allégations "infâmantes" pour les saintes et les saints de ce lieu. Plus tard, il vint à résipiscence: en 1866 , Jean ENGLING rédigea une brochure basée sur une documentation fournie par le curé LANGER ; désormais, nul doute: la chapelle avait été celtique, puis germanique et romaine avant d'être christianisée sur décision de Grégoire le Grand. ENGLING signalait que Saint-Quirin avait été (ou était encore) une étape importante des pèlerinages de mai qui se rendaient à l'Octave de Notre-Dame de Luxembourg et qui empruntaient soit la Rue Large, soit faisaient le tour par l'abbaye de Münster avant de gagner la ville haute. Pour ce qui est du culte païen, ENGLING suppose qu'il ressemblait à celui d' Ardoina et qu'il était le foyer spirituel des autochtones implantés sur le plateau du Rham. Charles ARENDT, polygraphe, architecte de l'Etat, émule luxembourgeois de Bodo Ebhardt, relança la question au début de ce siècle; une fois de plus, le congrès archéologique d'Arlon, en 1899, avait donné l'impulsion. "Y avait-il chez nous du temps des Romains des autels votifsdes trois déesses-mères?" Le principe de son raisonnement est que, des autels chrétiens ayant remplacé des sanctuaires païens à Berdorf, Amberloup, Fenningen, Altwies, Selingen, Mersch, Mertzig, Lannen, Villers sur Semois, Wolkrange, Ethe, Latour, Messancy, Arlon, Essailles etc., il est possible qu'à Troisvierges, Vianden, Sonlez, Auw etLuxembourgune succession semblable se soit opérée . Quelquesannées plus tard , ARENDT prend le problème par l'autre bout: partant du groupe des "trois vierges" , Fides, Spes, Caritas, filles de Sainte Sophie, il postule "gemäss Tradition" l'existence d'un "autel païen" . Cette argumentation -dangereuse, mais souvent pratiquée par nos historiographes amateurs- l'amène à disserter aussitôt sur les "déesses de la nature", triple Hécate, tres matres, Wurt, Warpande, Sculd ouHolda, Brechta, Hel! Le bilan des recherches et des réflexions est, en fin de compte, assez décevant: certes, le site est, à tous pointsde vue admirable; il correspond à tous les canons requis pour les lieux où l'histoire s'active, mais ce fait à lui seul n'a jamais valeur d'argument . Il est vrai que la conjonction site de confluent, proximité (probabilité d'une route romaine d'intercommunication), source, sanctuaire-grotte,saints guérisseurs (Quirin et Ferréol sont légionnaires romains si bien que je me suis toujours demandé si ce fait et leur cuirasse ne sont pas pour quelque chose dans l'origine de la pseudo-tradition antique affirmée par ARENDT), chapelle supérieure contenant les trois personnages féminins chevauchant , peut inspirer les imaginations; il faut pourtant se méfier de celles-ci et, plus encore quand il s'agit des 'antiquités romaines' de la ville de Luxembourg! Nous leur consacrerons un chapitre à part, à la fin de ce livre. IN SINV SANCTORVM La christianisation de nos régions est étroitement liée au rayonnement de la ville de Trèves. Agritius y fut évêque en 314, immédiatement après le décret de Constantin permettant à l'église chrétienne de prendre officiellement rang parmi les religions de l'Empire. La légende attache à Hélène, mère de Constantin, une action déjà quelque peu systématique, puisqu'elle semble avoir offert une partie de son palais de Trèves à des fins pieuses . Les monastères (Saint-Maximin, Saint-Matthieu, Saint-Paulin, Stavelot, Malmédy, plus tard Echternach) ont beaucoup oeuvré pour organiser l'espace politique, économique et culturel (plus ou moins) vide à mesure que se perdait en velléités diverses et opposées, entraînant une déstabilisation politique qui qui ne se ralentit qu'avec la renaissance carolingienne. Certes, les musées de Trèves-comme déjà l'oeuvre des WILTHEIM-s'enorgueillissent de dizaines d'inscriptions chrétiennes, mais elles appartiennent aux 6e, 7e et 8e siècles . A ce moment, ce n'est plus l'Antiquité qui se survit, on est en pleine époque detransition vers le Moyen Age. On sera en droit de supposer que des chrétiens ont existé chez nous, avant même la 'paix de l'Eglise', ils échappent à nos investigations et nos sources (toutes très postérieures) sont à manier avec la plus extrême prudence. A Ettelbruck, en 1963, on découvrit une inscription indiscutablement chrétienne : deux colombes se dressent à gauche et à droite d'un calice dont débordent des ceps de raisins; les colombes tiennent des feuilles (d'yeuse?) dans le bec; elles les présentent au Seigneur dans l'eucharistie. MARINUS avait presque 38 ans quand son épouse Dalmatia le recommanda 'in sinu sanctorum' , dans le sein des saints, et fit faire cette plaque . La véritable évangéisation vint plus tard, elle fut l'oeuvre de la foi missionnaire de genscomme Willibrord qui réussirent à la communiquer: aux durs paysans de Frise et d'Ardenne, mais aussi à des roitelets querelleurs, soucieuxde se tailler des 'biens' aux frais d'autrui et naturellement peu portés à écouter la voix du ciel se manifester dans des mandements épiscopaux ou pontificaux. Tout est toujours à recommencer: le seizième siècle perdit l'unité chrétienne, le dix-septième fut parcouru de guerres et d'épidémies à n'en plus finir. Le Concile de Trente ordonna de tout reprendre. Et dans nos campagnes, on chassa les démons du paganisme, ou, avecplus d'intelligence, on les baptisa de nomschrétiens, et ils servirent la bonne cause. Pour clore ce chapitre sur la religion, redisons encore une fois que, lors même que certains jalons intermédiaires nous font défaut et que nous sommes donc bien obligés d'observer la plus grande prudence, il n'en est pas moins certain que les dieux de l'antiquité ont longtemps hanté les esprits. Grâce à Marc SCHOELLEN , noussavons que les jardins d'Ansembourg comportaient une allée ornée de dix statues "mythologiques" dont nous reproduisons en fig.79 Diane tenant l'arc et prenant une flèche dans son carquois, Saturne (ici symbole de la vieillesse) tenant l'enfant (symbole du renouveau dans les cycles de la vie), un Hercule tout à fait dans la tradition italienne et romaine , un Mercure brandissant le caducée . On n'en conclura pas que le comte vénérait ces dieux païens! On n'y verra pas non plus un simple jeu de l'esprit, une pure curiosité de collectionneur: c'est entre les deux, dans le domaine des convictions qui admettent que la conception del'espace(strictementorganisé) comporteuneinterprétation temporelle, reliant hier à aujourd'hui, sansconflits,sansexclusives. Nous savonsque cetteattitude existaitdéjà dans l'antiquité (relativement) tardive. DEL'ANTIQUITE AUMOYENAGE La chronologie traditionnelle fait commencer le Moyen Age avec l'acquisition-ledimanche desRameaux 963-, parle comte Sigefroid, duterrainqui portait les restes d'une tour fortifiée,sur le site où naquit, plus tard, laville deLuxembourg. En fait, si l'on considère que le passage d'une époque à l'autrese faitprogressivement, c. àd.duredelongues années, onpeutdifficilement rattacher celui-ci à un épisode relativement ponctuel etqui n'eut pas beaucoup de conséquences immédiates. L'on cherchera donc, pourdécrire la jonction entre l'Antiquité et le Moyen Age un site, (s'il lefaut) une date, des structuressocialeset matérielles qui correspondent mieux à cette évolutionque l'échange (d'ailleurspeut-être mal daté) d'un document juridique. A notre avis, c'est àEchternach qu'il convient de situerl'ensemble de ces conditionsqui permettentd'étudier uncontexte assez compréhensif pour avoir valeur générale toutenrestant bien lié à des données saisissablesavecnetteté.ECHTERNACH"Echternach,ainsi que d'aucuns l'ont dit, était dans l'ancienne Gaule une bourgade appelée Andethanna. L'itinéraire d'Antonin en fait mention; elle était apparemmentsituéesur les bords de la rivière Sûre qui prend son cours non loin de Bastogne, à partir de deux sources jumelles. Celui qui a fait Echternach et qui en estle saint patron s'appelle Willibrord, l'apôtre des Frisons. Vers 680, alors que Justinien tenait le sceptre impérial etqu'en Gaule le palaisroyal étaitaux mains de l'illustre Pépin Ier quiavait lafonction de maire du palais,Willibrord, né en Grande-Bretagne,menaitune saintevie de moine. Quand il entenditdire que les terres boréales étaient habitées par unpeuple qui s'adonnait à l'idolâtrie, sonexceptionnelle sainteté,sonamour du prochainetsurtoutla piété qui lesaisit devant l'aveuglement qui accablait cesgens, iltraversa-difficilement- lamer anglaise, s'adjoignit douzefrères en religion et débarqua sur les côtes franques. Aussitôt, la nouvelle de sa faconde etde la foi qu'il prêchait parvint aux oreilles de Pépin; il obtint de celui-ci l'accord pour qu'il se rendît en Frise (conquise par CharlesMartel, fils de Pépin) semer ladivine paroleet, l'idolâtrie étantdéracinée,irriguer les nouveaux plants dela divine rosée quicoulait enabondance de sa bouche. Car Pépin voyait luire en lui l'ardent amour deDieu et la passion de lasainteté qui illuminait son regard. MaisWillibrord jugeait qu'il ne pouvait procéder àl'exécution de cettemission tantqu'il n'aurait pas reçu du pape Serge l'autorisation et le pouvoir de ce faire.Il dirigea donc ses pasversRome. Quand il y parvint, le pape étaitailleurs.Maisun ange du ciel avertit nuitammentle Souverain Pontife: qu'il se rendît à Saint-Pierre au lever du jour, qu'il yacueillit généreusement Willibrord qui s'y rendrait et qu'il lui conférât l'autorité de répandre publiquement la parole de Dieu. Obéissant à ces prémonitions, le pape, degrand matin,ainsi que l'angele lui avait prédit, trouva le vénérableWillibrord en laditeéglise.Bientôt, l'ayant reçuavectousles honneurs, ill'éleva dans l'ordre épiscopal et lefit évêqued'Utrecht."Cetexte est dûà JeanBERTELS;sionlesoumet à unexamen critique, deux types de remarquess'imposent:-le texte regroupeautour dusaint évêque toute une série d'actions (mission northumbrienne; mission frisonne; créationde l'évêché d'Utrecht;accord du pouvoir laïc et du pouvoir ecclésial; vie de sainteté et action de propagation de la foi etc.) historiques qu'il n'a pas, seul, mises en mouvement ;Willibrord bénéficie donc,de la partde l'historiographie, d'une focalisationreprésentative dont le but est édifiant; -iln'en est pas moins vrai qu'àtravers lui ces structures sontbien décritesetcorrespondent,en gros, aux lignes de forcequi, à l'époque, permirent d'opérer -du moins sur ceplan- la jonction entre les deux pouvoirs qui risquaient, à chaque instant, de se contrarier et, peut-être surtout, d'implanter ces forces intégratricesen ces terres du milieu, entre Germanieet Francie,là où il fallait faire des compromis,opérer des synthèses, trouver des formules sur lesquelles on bâtirait un pouvoir capable de s'imposer largement . D'Echternach , Alexandre WILTHEIM disait : "Saint Willibrord fonda sur les bords de la Sûre le monastère d'Echternach, illustreentre touspar lavie religieuse qui s'y déploie. Non loinde là, en remontant le fleuve sur l'autre rive, celle qui est couverte de forêts,à l'endroitoùl'onmonte en pente légère vers la hauteur,ily a un rocher taillé et sculpté quia la formesuivante... L'inscription de cemonumentasouvent été éditée, jamaiselle ne l'a été convenablement!En 1657,sous la conduitede Richard PASCHASIUS,abbé d'Echternach (en lui ladignité et la vertu se le disputaient), je l'ai moi-même soigneusement copiée..." Ils'agit, biensûr del'inscriptionà Diane dont ilaétéquestion ci-dessus;onnotera l'extrême brièveté dupassage consacréà laville d'Echternachetau saint patronqui en fait l'illustration. Ily a plusieursexplicationsà cela: quand WILTHEIM écrivait ce passage (disons, vers1650), l'époque (l'une des plustroublées denotre histoire; laGuerre deTrente Anset lapeste s'étaient conjuguées pourvider le paysd'un bon tiers deses habitants, laissant les autres, souvent éparpillés dans les forêts, vivant comme des bêtes,dans l'hébétude, la malnutrition, lasuperstition) s'appliquait(sous la vigoureuse inspiration de lafamilleWILTHEIM)à faire du culte de la Vierge lefacteur de ralliement national et populaire; onsent cettepréoccupationjusquedanscepetittexte-ci:laseule mention quisoitfaite deWillibrord, concerne le culte: religione inprimis florens. De ces textes relativement anciens -mais bien révélateurs- on retiendra quelques certitudes et plusieurs interrogations:-autour de la personne de Willibrord, on voit s'esquisser un monde qui, ayant Romepourcentre n'ena pasmoinsà résoudre ses problèmesen périphérie: lesdeux faits sontessentiels puisqu'ils marquent déjàla continuité et la différence d'avec l'époque romaine; alors Romeétait aussi le centredu pouvoir, mais d'un pouvoir principalement temporel et,si leprincipe même du gouvernement des provinces était de les associer àleur propre destin, cette association se faisait bien suivant les termes généraux valables au niveau de l'Empire dans son ensemble; -visiblement, certains milieux (les moines d'Angleterre) prennent des initiatives qui visent de larges parties de l'Europe tombée en décrépitude à la suite des partitions romaines et de l'effondrement progressifde la pars occidentis (aubénéfice de l'Orient qui, même en matière religieuse, domine tout); on assiste donc à un relais de pouvoir par rapport à l'ancien pouvoir politique (qui reste dispensateur d'autorisations maisn'initie presque pas) aussi bien que par rapport à l'Eglise dont les structures 'missionnaires' sont encore fort rudimentaires et sollicitent, pour ainsi dire, des actions 'coup de poing' qui évangélisent (sommairement) des régions très vastes; -longtemps, ceux qui ont eu à traiter d'Echternach avant l'épanouissement médiéval et moderne, n'ont eu que quelques éléments, épars et peu spectaculaires à évoquer; BRIMMEYR se réfugiait encore dans les exposés généraux et la description des monuments romains des environs; le 19e siècle découvrit les premiers éléments du palais de 'Schwarzuecht', mais le problème archéologique restait entier: y avait-il eu autre chose que ce palais? Où? En quoi consistaient d'éventuels 'restes romains' que l'on subodorait ici et là? La jonction s'opérait-elle avec l'époque de Willibrord? Pourquoi avait-il choisi cet endroit plutôt qu'un autre? Il y eut des progrès certains lorsque, au lendemain de la seconde guerre mondiale , les destructions de l'offensive allemande de décembre 1945 permirent des fouilles qui établirent non seulement plusieurs étapes très anciennes de la 'basilique', mais encore, progressivement: 1° la probabilité de découvertes romaines sousl'église abbatiale ou au voisinage immédiat de celle-ci 2° la certitude d'une fortification romaine sur la colline portant l'église des SS.Pierre et Paul. Aujourd'hui on peut dire que les présomptions concernant le premier point se confirment et que, sur le second, nous sommes fort bien renseignés. Notre fig.80 donne le plan de l'établissement romain du 4e siècle sur la colline qui porte, l'église paroissiale; le diamètre intérieur du dispositif est d'environ 53m; le mur d'enceinte a entre 1,45 et 1,50m. La tour I sert de porte d'accès; elle a une section de 4,50 x 4,70m. La tour II mesure 2,70 x 3,60m; elle s'appuie contreun bâtiment rectangulaire qui serait la crypte de l'église subséquente; le mur de celle-ci serait romain jsuqu'à une hauteur de +4m. Les parties les plus anciennes du mur de fortification sont datées (par les monnaies et les céramiques) en 260/269 respectivement 271/273; suivant que l'on interprète ces documents (assez peu nombreux) de façon stricte ou plus large, l'aménagement (assez hâtif) aurait été au moins commencé à la veille ou tout de suite après la razzia de 275/276; nos fouilles à Bigelbach, assez voisin, ont montré que celui-ci a été atteint à ce moment. La majeure partie des trouvailles provenant de la colline date du dernier quart du 4e siècle et du 5e (sigillée dite d'Argonne): il faut supposer que la politique de Valentinien Ier, soutenue sur le mode lyrique par Ausone , est à l'origine de ce dispositif défensif. Désormais, la topographie ancienne d'Echternach se composait de deux éléments: le palais de 'Schwarzuecht', la colline fortifiée face au débouché de la vallée venant de Bitburg, sur les bords de la Sûre. On s'interrogeait d'autant plus sur l'existence (plus que probable) d'une agglomération civile et ce n'est pas sans raison que l'on s'intéressait à des murs signalés depuis 1951 par J.DUMONT, remis en vedette par H.CUEPPERS, mais, orientés différemment que l'église romane de 1073, non fouillés et non identifiés; il fallait supposer que ce fût là ce qui restait de l'église 'basilicale' mérovingienne ("Saalkirche") dans lechoeur de laquelle Willibrord avait été enseveli en 739. Les fouilles entreprises durant l'hiver 1981/1982 afin d'installer un nouveau réservoir à mazout sous la cour qui sépare 'l'aile des prélats' de la sacristie de la basilique, firent découvrir, puis dégager deux tronçons demur, les murs A et Bde notre fig.82.Sous le mur B , deux tombes purent être dégagées; l'une ('Grab 1' de nos figg.82 et 83) contenait une boucle de ceinturon qui peut être datée au 8e siècle;, de la fouille de 1949-1950 provient une fibule en forme de croix, du 7e siècle. Notre fig.83(supra) montre le mêmedispositif, dans le sensde la longueur: on voit qu'au moment d'installer le défunt de la tombe 1, on creusa le sol à travers les couches 3-7, jusqu'au sol naturel (couche 1); le matériel dégagé fut réparti sur les dalles qui recouvraient la tombe. C'est de ces remblais issus des couches 3-7 que proviennent les trouvailles romaines, des fragments de tuiles et de briques, de céramique (sigillée du 3e siècle, mêlés à d'autres des 7e et 8e. On mesure toute l'importance de ces trouvailles, fussent-elles encore -quantitativement- insuffisantes pour étayer autre chose que le soupçon d'un habitat romain tardif, proche du lieu où le 8e siècle construisit la plus ancienne des églises willibrordiennes . En 1988, j'ai publié ma communication à un congrès d'études romanes où j'avais essayé de faire le bilan des recherches consacrées à l'articulation Antiquité/ Moyen Age depuis le bilan de Franz PETRI paru en 1977. Citons: " Du point de vue de la chronologie pure, il devient évident que le matériel disponible -il est vrai fort divers- se rapporte surtout aux 5e, 6eet 7e siècles. D'un côté, la démonstration est ainsi faite que le 4e siècle n'est pas seulement un niveau de découvertes urbaines (Trèves!), bien que la ville impériale soit sans doute pour beaucoup dans la permanence qui se manifeste aux siècles suivants; de l'autre côté, il semble clair que le 8e siècle évolue déjà vers des horizons archéologiques différents." Cela se vérifie à Echternach, comme à Bitburg et Neumagen pour lesquelsM.Karl Josef GILLES a publié des études décisives . Il en résulte deux constats qui nous paraissent essentiels: 1°sur un nombre considérable de sites , il y a continuité d'occupation, souvent du 2e siècle jusqu'en plein Moyen Age 2° ces occupations mélangent des influences germaniques à celles que, par contrecoup, on définira comme gallo-romaines; on obtient donc l'image précise des débuts de la germanisation, telle qu'elle s'amorce, avant de s'accélerer cinq cents ans plus tard. Du point de vue des définitions, il importe de bien montrer que le concept "gallo-romain" a donc deux sens bien différents, suivant les époques auxquelles on l'applique: d'abord, jusque vers les années soixante-dix du +premier siècle, il désigne une attitude (et les expressions de celle-ci, depuis l'étologie jusqu'à l'art) vis-à-vis du fait celtique tel qu'il s'exerçait en cette partie de la Gaule à travers les traditions indigènes relativement bien affirmées; plus tard, à partir du troisième siècle, il joue lui-même ce rôle face à une germanisation, lente et progressive qui, en deux cents ans, change lastructure humaine de la société d'entre Rhin etMeuse, l'élément gallo-romain étant alors le phénomène traditionnel par rapport auquel il faut définir les innovations. Les chosesse compliquent du fait que les gens de l'époque se rendirent compte du changement subreptice et, dans certains cas, lui résistèrent. Il y eut une 'renaissance celtique' à la fin de l'époque romaine, mais le phénomène est si controversé (et si peu étudié) qu'il est trop tôt pour l'exposer ici . Nous reproduisons en fig.83 (ci-contre) un croquis que j'ai publié en 1988 , pour essayer d'exprimer le 'cours des temps' pour une période qui va de -50 à +700. On imaginera la partie centrale, hachurée, tournant lentement autour de son axe, à l'intérieur du cylindre principal qui délimite (de façon purement abstraite) le temps. La partie hachurée représente ce qui a fait l'objet de ce livre, l'histoire de nos ancêtres trévires (on le voit, l'espace géographique, au sens "national" n'y joue plusaucun rôle ) durant ce qu'il est convenu d'appeler la période romaine. I représente la période protoromaine, depuis le départ de Jules César jusqu'à l'époque de Domitien/Trajan, les grands empereurs organisateurs de nos régions. II, la 'Blütezeit' de la bourgeoisie trévire; III, l'époque post-romaine, franque. On l'aura remarqué, la partie hachurée augmente et diminue: elle incarne le fait régional, indigène, sous tous ses aspects; celui-ci est façonné par la romanité durant la période II; durant la période I, d'omniprésent, il diminue vers la romanité; durant la période III, il augmente jusqu'à réoccuper entièrement la scène du devenir. Quant au 'temps romain', il augmente vite en I, reste constant en II et diminue en III, mais, pour l'un et l'autre approche (graphique ou autre) je laisse une ouverture qui tend à indiquer qu'il n'y eut jamais de rupture véritable. J'attends le jour où des informaticiens m'aideront à représenter ce graphique sur ordinateur, à le faire tourner...et à enregistrer le document. A ce moment-là en effet, on pourra marquer sur le cylindre central un événement-point qui, en suivant le cours normal de son évolution laissera sur la projection orthogonale du graphique la trace exacte (bi-dimensionnelle) de son action sur le devenir historique. Il sera alors prouvé que l'on ne peut pas choisir une date, faire le bilan de l'avant et de l'après, comme si entretemps l'événement qui conditionne et cautionne la date n'avait pas bougé! LE PASSE ROMAIN DE LA VILLE DE LUXEMBOURG La ville de Luxembourg est (justement) fière de son passé. Dans celui-ci entrent des composantes antiques, mais peu 'visibles', et donc, pour de nombreux auteurs matière à exagérations lyriques et patriotiques, pour d'autres à silence obstiné.Nous voudrions emprunter une voie moyenne et, sur les pages suivantes dresser brièvement le bilan au sujet de quelques sites qui entrent en ligne de compte, puis proposer un itinéraire de visite, (notre fig.84) établi sur la base de la 'Carte topographique' 1: 5 000 de la Ville de Luxembourg PROMENADE FANTOMATIQUE On se réunira sur le parvis du Conseil d'Etat ou, de l'autre côté de la rue Victor Thorn, devant le monument Goethe (Repère 1). Descendre la montée de Clausen: à droite, le rocher du Bock porte les restes du château comtal; après le pont du chemin de fer, prendre à droite pour visiter le plateau d'Altmünster(monument commémoratif; au bout duplateau: tour de l'abbaye médiévale:repères 2 et 3). Revenir dans la montée de Clausen, descemdre jusqu'à l'embranchement (à main gauche) de la rue de l'Espérance: beau portail Renaissance . (Repère 4) Descendre les escaliers à main droite, traverser le pont: en face, entre (à gauche) le pont du chemin de fer et (à droite) le rocher qui porte la statue de Saint Joseph (dans les jardins du Grand Séminaire de Luxembourg): tout l'espace naguère occupé par le château Mansfeld ! (Repère 5) Suivre l'allée Pierre de Mansfeld vers la droite, en longeant l'Alzette dont le cours fut rectifié pour s'adapter à la géométrie des jardins du château. Devant la brasserie, prendre à gauche larue de Clausen jusqu'au square (Repère 6) marqué par lemonument aux victimes des bombardements aériens de la première guerre mondiale. Derrière, se trouve l'une des portes du château Mansfelt. Les blocs romains sont des moulages. Revenir en arrière en direction de la rue de la Tour Jacob (Repère 7), passer par celle-ci, prendre à gauche le 'Kosakeshté' qui monte (par env.150 marches d'escalier) sur le plateau, près de la 'Strocke-Kapell', au voisinage de l'Instut National des Sports. (Repère 8) C'est ici qu'ont été faites les découvertes archéologiques de 1962, dont il sera question ci-dessous. C'est entre l'INS et les tours de la troisième enceinte, près de 'Rham' ('Rumm') que se situaient les restes (assez hypothétiques) d'habitats (romains?), de monnaies, de poteries. On jouit ici d'un panorama exceptionnel sur la vieille ville et une partie de ses faubourgs. Descendre la rue de Trèves jusqu'à la Porte de Trèves (celle du 17e siècle), entrer sur le plateau de Rham. (Repère 9) Une certaine logique du paysage permet d'imaginer ici une (hypothétique) première implantation humaine. Longer le plateau, descendre dans le faubourg du Grund. On verra bien leconfluent de la Pétrusse et de l'Alzette (repère 10) : encore un endroit 'désigné par la nature'. Traverser la courtine de la forteresse pour se rendre au débouché de la Rue St.Ulric et de la vallée de la Pétrusse. L'ensemble Saint-Quirin est à 150m. (Repère 11) Revenir Rue St.Ulric, d'où l'on regagnera la ville haute, soit par la Rue Large (en forte pente, mais qui passe par l'une des portes de l'ancienne forteresse) ou en empruntant l'ascenseur (Repère 12) qui ramène sur le Plateau du Saint-Esprit. Aller en direction du Musée National d'Histoire & d'Art (repère 13) par la Rue du Saint-Esprit et la Rue de l'Eau. L'exercice que nous suggérons peut paraître un peu inquiétant parce qu'en aucun endroit on ne sera face à des témoignages directs et authentiques de l'époque romaine: ceux qui ont existé et qui ont survécu aux divers cataclysmes que la ville a subis (dont les programmes d'urbanisation, depuis 1869!), sont regroupés au musée du Marché-aux-Poissons ; il demeure que, parfois, des sites existent 'sans preuves' et l'historien pourra, exceptionnellement, les évoquer, peut-être pour les exorciser.. LES VOIES ROMAINES Si l'on s'avisait d'élaborer une maquette du site qui porte la ville de Luxembourg, en réduisant les faits à figurer à ce que l'on peut supposer pour la période romaine, l'image générale serait marquée par des routes et quelques habitats humains, disséminés sur la rive droite de l'Alzette, au confluent avec la Pétrusse et sur la uastitas du plateau qui porte la ville haute depuis les élargissement successifs que celle-ci a connus à partir du 11e siècle. L'axe romain de l'actuelle agglomération est (de l'avis commun, mais sans preuves) la RR 2 qui entrait dans Luxembourg par le Val Sainte-Croix et l'avenue de l'Arsenal (aujourd'hui Avenue Emile Reuter) , puis suivait la Grand-Rue; des environs du Conrots Eck (coin rue du Palais et rue du Marché-aux-Herbes), elle descendait vers le 'Schéieschlach' ('trouée Scheer') et la montée de Pfaffenthal ; elle franchissait l'Alzette face à la 'Hiel' par où elle gagnait le plateau du Kirchberg et Hostert/Niederanven . Elle passait donc au voisinage immédiat du secteur Marché-aux-Poissons où sont censés se localiser les restens (invisibles!) de la plus ancienne ville. En effet, à l'endroit de la maison von Scherff-Collart, devenue Musée National, on a localisé (peu après 1888), les restes d'une tour carrée (10x10, à l'extérieur, 7 x 7 à l'intérieur) qui est supposée se trouver à l'endroit de celle qui fut tout ou partie du 'castellum Lucilinburhuc', objet de l'échange traditionnellement daté en 963 . Autres parcours romains: -la rr13 venait de Dalheim par Hassel et Itzigjusqu'à Bonnevoie; elle aurait emprunté la Rue St.Ulric (au voisinage de Saint-Quirin se situait peut-être la jonction avec une route d'intercommunication venant de Tossenberg par Merl et Hollerich) avant de monter par la rue Large jusqu'au Marché-aux-Poissons. Les deux tiers de ce parcours sont, à l'heure actuelle, purement hypothétiques. La carte donnée par J.P.KOLTZ (notre fig.85: nous avons ajouté des flèches qui permettent de mieux reconnaître le parcours supposé des routes romaines) fournit en outre 5 éléments de voirie que la légende (de la carte!) attribue à l'époque romaine. Nous avons numéroté ces 5 tronçons: 1* diverticulum , de Merl à Gasperich et Hespérange 2* une jonction de celui-ci à la route qui vient de Dalheim par Itzig 3* un diverticulum entre la RR 2 et la RR 3 (jonction à Mersch), depuis Strassen par Rollingergrund, Mühlenbach, Dommeldingen et Blascheid 4* la RR 3, depuis Mamer jusqu'à Mersch et Weiswampach, par Kehlen, Keispelt et Schoenfels 5* un tronçon rejoignant la RR 2 à Senningerberg et partant, semble-t-il, des environs de l'ancien 'château Collart' à Dommeldange. Toutes ces données sont cartographiées par J.P.KOLTZ, sans appui dans le texte de son livre où l'on renvoie e.a. à l'étude sommaire - de Nic. VAN WERVEKE. SEMANT a l'intention de mettre sur pied, prochainement, un projet de recherche sur cette question d'autant plus urgente que l'extension rapide de la ville et l'incurie presque générale risquent de faire disparaître rapidement les derniers moyens disponibles pour combler les (très) nombreuses lacunes de notre savoir, précisément dans ce domaine où l'on répète inlassablement, sans s'astreindre à l'établissement de preuves. Et les derniers témoins oculaires (qui virent la ville en 1930 et en 1913)se font rares . L'HABITAT Alexandre Wiltheim démentait son frère Jean Guillaume qui avait cru déceler sur le plateau du Rham les restes d'un véritable camp romain. Son constat est, lui,plein de nuances: "Il y a peu de monuments romains, si l'on entend par là des monuments enplace; d'importés, il y en a en grand nombre. En place: la voie consulaire reliant Arlon à Trèves et passant par chez nous... Ensuite, la colline Insulaqui s'appelle aussi Rumm. On croit qu'on lui a jadis (bien que nul n'ait découvert quand) donné le nom d' Insula d'après la configuration du lieu. En effet, l'Alzette, la baignant en arc de cercle, en fait une péninsule. Pour ne pas donner l'impression que j'évite de me prononcer quant à l'ancienneté du nom, je constate que c'est depuis trois siècles que je le trouve mentionné dans d'anciens documents... Mais ce n'est pas sur la seule foi du nom que je me serais décidé pour une attribution romaine, si la colline n'avait pas prouvé, jadis et récemment, qu'elle est bien romaine par ce qu'on y a trouvé et dégagé. Nos pères se souviennent qu'en 1590, lorsque Mansfelt décida de transférer en un autre lieu la porte (qui tirait son nom de la colline) d'Insel, on découvrit un récipient en métal fin, tirant sur le blanc. En voici l'aspect [notre fig.86, ]. A l'intérieur, il y avait à peu près 1200 monnaies, les unes en bronze, mélangées à d'autres d'argent. La plupart dataient de Dioclétien, de Maximien et de Constance Chlore. A présent, des champs cultivés et des jardins occupent le sommet de la colline. Dans de vieux censiers, j'ai découvert qu'à l'époque de la guerre contre les Bourguignons (il y a deux siècles environ), on y rasa de nombreuses maisons. Il reste partout des vestiges de rues et de pavements qui séparent les jardins et les champs. Il n'y a pas d'époque où les laboureurs n'eussent mis au jour ou arraché au sol, à l'occasion des travaux des champs, des monnaies romaines, des tuiles, des briques, des fragments de vases en terre cuite. Mais c'est surtout en 1632, lorsqu'on aménagea les fondations de la plus grande des tours, implantée sur une avancée de la colline... que j'ai vu une quantité incroyable de vases en terre cuite cassés; j'en ai ramassé plus d'un à l'endroit où ils s'accumulaient de telle façon qu'à eux seuls, sous terre, ils formaient un amoncellement." Commentons. Alexandre Wiltheim a vu -le site, qui est plus oumoins celui d'un 'éperon barré'; il offre d'excellents paramètres à toute implantation humaine: Jean Guillaume en concluait qu'il y avait eu nécessairement un camp romain, castra hiberna, c'est à dire un camp construit en dur; il postule (sans plus de raisons ni de preuves ) laprésence deConstantin et de Valentinien dans ce camp -des traces dans les champs en amont de Dënsel, donc en direction du cénotaphe dont nous parlerons ci-dessous; il qualifie ces traces de 'rues' et de 'pauimenta', d'aires bétonnées...sans dire qu'elles fussent romaines; on y trouve des monnaies et des fragments de vases romains (qui peuvent provenir de la nécropole à laquelle appartient le cénotaphe) -une grande quantité de tessons de poteries, peut-être romaines. Wiltheim connaît par ouï-dire un trésor enfoui en 305, il a été informé de découvertes faites en 1632, lors de l'aménagement de l'unedestours,ils'estpeut-êtrerendusur placeeta peut-êtreinspectél'amoncellement de fragments de poteries dont il est question; maispourlui, l'indice capital delaromanité detoutes les découvertes faites est bien l'étymologie par insula,purement 'érudite'. Il faut doncserésigner à laphrase-clé: Romana hic pauca, il y a, ici, peu de restes romains. Il faut déplorer d'autant plus vivement que celles qui ont été découvertes,à Bonnevoie-'Kaltreis' p.ex.- aient été inutilementsaccagées ;à notre avis, il s'agissait(Cf.notre fig.88) des dépendancesd'une fermede belles dimensions. Quelques découvertes faitesautour du pont romain de Pfaffenthal attestent le lieu et l'importance dece point de passage,sansfournir aucun renseignement bien net quant au genre de l'implantation humaine, sans doute voisine. Quelques trouvailles très récentessontsignalées montée du Pfaffenthal (1988): 5 monnaies, dont 4 du4esiècle; boulevardThorn (1988): 1monnaie;îlot du Rost (1990/1991: 3 monnaies de trois époques tout à fait différentes, rue du St.Esprit (1990): une monnaie de Constantin .Quant aux antiquités romaines qui sontexposéesauMusée National sousl'étiquette 'Luxembourg', elles proviennent pourune large partdes collectionsdeP.E.de Mansfelt (1517-1604)quiles exposait dans son château de"La Fontaine"à Clausen,faubourg de lavillede Luxembourg. Construità partir de 1563,cechâteau aux dimensions gigantesques (4,7km demur d'enceinte,5 grandes portes(dont 2 sont partiellement conservées, uneenplace, l'autre plantéeà l'entréed'unetaverne)ne fut achevé que peud'annéesavant la mort ducomtegouverneur. En 1609, le roi d'Espagne,Philippe III,institué héritier par Mansfelt, donna, dit-on, l'ordre d'amener à Madrid les collections luxembourgeoises. Les circonstances (et les termesmêmes de l'ordre royal) nesont pas éclaircies; onse demande si l'on pouvaitsongersérieusementà faire faire un aussi long voyageà des objets aussi encombrants et, comparativement à tant d'autres, aussi peu prestigieux. Beaucoup ne partirent jamais : ils reparurent dans les collection Binsfeld, de là passèrent chez lesWiltheim, puis au Collègedes Jésuitesoù les pierres 'païennes' furent assemblées sous forme de 'pilae', c à d.de 'tours', composées debric et de broc. Les confrères de notre premiergrand archéologue n'avaient pas legoût des antiques : les pilae furent démolies et les blocs romains utilisés dès1686 (Wiltheimétait mortdeux ansplus tôt) à la construction de l'aile Sud du Collège dans les murs duquel certaines purentêtre retrouvées. Non seulement le 'Luxemburgum Romanum' nefut-il pas imprimé , mais 'disparut'pendant 150 ans ,avant de refairesurface entre les mains du gouverneurDE LA FONTAINE.huit ans après que le vaillant ClaudeAugusteNeÿen ait publiéson édition, d'après des copies. Le palaisMansfelt fut laissé à l'abandon; en 1628, les jardins furentsaccagés, en1643, on arracha les plombs des toits et des canalisations pour enfairedes boulets decanon;en1649, lesbains et les jardins furentvendusà l'encan; le siège français de 1684 ruina tout . Mansfelt n'était pas un archéologue, mais un prince de la Renaissance qui aimait às'entourer du faste desépoques révolues. Il permit aux érudits de visiter ses collections. Jean BERTELS, abbé de Munster y venait en voisin ; c'est peut-être là qu'il se découvrit un goût pour les 'cippes païens'... et lemoyen depratiquer une ré-évangélisation (par conversion forcée des dieux gréco-romains en apôtres et saints chrétiens!) devenue urgente après les décennies tourmentées des grandes guerres entre l'Empire, la France et l'Espagne. Le 17e siècle n'étantguère plus heureux, il fallut attendre le 18e pourque le goût de la culture et des choses del'esprit recommençât à l'emporter surles préoccupations matérielles les plus immédiates.Et le 19e pourque le germe semésortît ses effets. Il fallut enfin la stabilitépolitique (1815, 1839, 1856) etéconomique (1842),soutenues par une bourgeoisie libérale qui utilisait la culture comme l'unde ses instruments d'accession aupouvoir, pour que le (désormais) petit Grand-Duché pût s'occuperplus intensément de sonhistoire lointaine. Nousavionsfondé naguère quelquesespoirssur la découverte, en 1962, (révélée par la presse) de grands blocs romainsaux environs de la 'Strocke-Kapell', près duFort Rumigny,à cinq centsmètres duplateauduRhametdela'portedeTrèves'oùle17esièclesituaitsoitun'camp'soitunhabitatromain.On construisait l'Institut National des Sports et onze blocs sculptés furent dégagés et, en partie, sérieusement endommagés.Beaucoup appartenaient àune grande constructioncirculaire(la courbure des blocsa permis de calculer un diamètre de32m!), sansdoute uncénotaphe marquant la tombe de quelqueriche marchand; audessusd'uneassise deblocsincurvés(imitantlamaçonnerie engrandappareil) vient une frise d'entrelacs de feuilles de vigne et d'yeuse disposés en volutes;sur uneautre partie du monument (dontl'assemblageest trop problématique pour que nous proposions ici l'une ou l'autre tentative de restitution graphique), il y a un méandre (trèsaplati)et un puttoailé qui peut incarner un ventpuisque,devant lui, ily a un arbrequi plie. Sur l'un des fragments de corniche, ily a une monumentale lettre H, qui peut dater de lafin du +1er siècle. A côtéde ces restes, deux fragments de monuments funéraires (nous sommes donc bien dans un contexte funéraire, au voisinage d'un habitat), inscrits . Grâce à la presse, il y eut un petit mouvement d'opinion en faveur d'un exploitation archéologiquedu site; leMinistère des AffairesCulturelles la remit à plus tard... , le sport bénéficiant d'une priorité absolue. On ne conclura donc pas ce chapitre sans quelque nostalgie; il se peut que le raisonnementtenu maintenant par lesfouilleurssoitcorrect:si,à chaquechantier que l'on ouvre (etque l'on arriveàsurveiller quelquepeu) quelques monnaies romainesapparaissentsur leplateauquiporte la villehaute, il n'est pas exclu que le moment vienne oùl'image d'une occupationse confirme.Un programme de recherche initié par le Service National des Sites et Monuments porte surl'examen scientifique du secteur le plus anciende la ville: nousauronssansdoute de nouvelles informationssur lecontexte de ce qui fit l'enjeu de l'échange avec Saint-Maximin. Une bonne monographie sur le château Mansfelt fixera mieux le séjour de beaucoup de pièces qui sesont retrouvées dans les musées.Un musée municipal bienagencéserale foyerd'une synthèsede nos connaissanceset,espérons-le,celui d'uneactionderecherche et decommunicationsystématiques. En attendant tout cela, nous proposons ci-dessous unitinéraire historique quin'a d'autre prétention quede montrerà travers ce qui est visible aujourd'hui, 'derrière' les constructionsimposantes del'époquede laforteresseomniprésente, les lieux où s'est (peut-être) jouée la toute première période de ce qui devint (au 11e siècle) la ville de Luxembourg. LA VILLE D'ESCH SUR ALZETTE "En1655, près d'Esch-sur-Alzette, un petitbourg du Duché de Luxembourg, à l'extérieurde la porte, entre deuxsources et une rivière, unpaysan quilabourait dégagea un 'sarcophage'en pierreaumoyen desacharrue.Dans cettepierre,setrouvaune urne enverre verdâtre, très élégante, presque pleinede cendres et d'ossements, ; elle contenait aussi deux 'lacrimatoires' en verre de la même couleur verte, pleinsde larmes.A côté decette urne plusgrande (elle devait avoir unecapacité dedeux chopes de Beaumont et demie),setrouvaient une urne plus petite en argile relativementpâle, etunelampe en fer aux parois internes de laquelle collait encorel'huilequi l'emplissait jadis."C'est en ces termessimples qu'un possible informateur d'AlexandreWILTHEIMrédigeaune note dontcelui-cifit letextesuivant, plus littéraire: "Il y a un bourgagréable:Esch. Aux portes, les paysansavaient l'habitude, àun certain endroit, de heurter des pierres au moyen du soc. Il arriva, un jour, que quelqu'un décida d'arracher l'obstacle. Il serendit compte qu'ily avait,en-dessous, unsarcophage, maissanscouvercle. Queferaitle barbare rustique? Il fitpasser son coultre au milieu du sarcophageet détruisit cequ'il avait trouvé! A l'intérieur, il y avait trois vasesenverre, unenterre cuite, avecune lampeenfer à suspensoir;toutest,maintenant dans le plusmauvaisétat,à l'exception de la lampe que j'ai intégrée ci-dessus dansmonchapitresur ce sujet...Quantauxrestesenvee,laplupartontété recueillis parmon frère Christophe...L'un de ces vases est en verre verdâtre,d'un contenud'une chopeet demie de Beaumont, s'appuiesurtrois pieds ; du côtésupérieur, il yavait deux'tuyaux'. Lehaut était recouvert d'un couvercle. Al'intérieur duvase, il yavait une grandequantitédecendres etquelques ossements (pour ainsidire les restes combustibles du défunt!) avec deux petites lagènes, l'une à cou plus long, l'autre, plus courte, servant de lacrimatoires, danslesquels les parents des défuntsépanchaient leur douleur.."Il n'est passans intérêt, d'abord, decomparer lessources dontnous disposons; Alexandrea vu les vases romains d'Eschchezson 'frère' Christophe .L'auteur dupremier texte a recueilli une information et uncroquis qu'il a peinturluré de façon appliquée, mais quelque peu suspecte ;il envaexactement demême de la lampe.Les modernesonttiréde l'indication fournie par l'informateur de1655 quant à lasituation'inter duos fontes et flumen', 'entredeuxsources et une rivière' une localisation au l.d. 'an der Buerhiehl' ; au voisinage immédiat,on connaît(depuis 1859) une nécropole mérovingienne. Alexandre WILTHEIM a connu les objets découverts après Christophe, puisqu'il se plaint du mauvais état de celle-ci; c'est donc, sans doutedansles dernières années de sa vie -et à la fin de son manuscrit- qu'il fit état du renseignement concernant cequi avait été,au départ une auge('Steinkistengrab'). L'interprétation en lacrimatoire destinéà recueillir les larmes des parentsdes défunts futsi tenace qu'Antoine NAMUR n'hésita pasà lui consacrer un petit traité rédigé en latin! Il s'agit, biensûr, de balsamaires. Le sited'Esch (cf. nos figg.91 et 92) afourni plusieurs ensembles préhistoriques importants, deuxtorques celtiques et une fibule, rue Michel Rodange, "2 Gedenksteine an Kaiser Titus" , quelques tombes romaines au 'Gaalgebierg', découvertesen 1924; lanumismatique les dateau+1er siècle.On signale dessubstructions gallo-romaines au

l.d.'auf derGleicht'. Je doisà LucienREDING nonseulement les renseignements grâceauxquels j'ai pudessiner notre fig.90et la fig.91 qui est un fortagrandissement de lapartie portantsur le centrede la ville),mais une synthèse que je reproduisci-dessouset qui est lecommentaire. Bâtiments 1'Im Quartier, an der Buerhiel' Villa romaine. (Wiltheim 8,3,fol.131 et 8,7,fol.155; Wiltheim/Neyen, pp.302,315 et s., et fig.409, 454, 455; Krier/Weiller,Lemanuscrit WiltheimdeBaslieux, feuille 4, no 8 p.46et feuille 5no9 p.48.Fig.p.47,49. Voir aussi p.33; C.Eschno A 25; Flies pp.46-48)16 'Op Béiseng' Substructions gallo-romaines. Aumoins trois bâtiments. (C.Esch no A 49.) 15 'Gläicht' Substructions gallo-romaines (détails sur la carte Esch) . 10 'Gadeslach' Substructions gallo-romaines. Monnaiesromainesà l'emplacement du haut-fourneau B. (Flies p.35;Weiller,FMRL 1, no 121, 122 (pour l'asde Tibère; C.BettembourgnoB 276) 11 'Homecht' Base d'un monument gallo-romain. (RapportVandyck du 30septembre 1846; C. Bettembourgno B276)Trouvailles isolées.Monnaies. 7Rue de l'Alzette No 8Dupondiusde Domitianus. (C.Esch NoA1;Weiller, FMRL 1 No118, 2 no79) 20 'Ellergrond' 9 monnaies romainesen compagnie d'antiquités diverses ( Carrière Arbed) (Welter no B; Flies, p.48;Weiller, FMRL 1 No119) 19 'Ellergrond' Maison Bauret:monnaies romaines du 2e et du 4e siècle, objets. (Flies p.50; C.Esch noA 62; WeillerFMRL 3,no11; Welter No6(seulementobjets) 8 'Millewé' 2 monnaies romaines (Weiller,FMRL 2, No79; C.Bettembourg NoB 234) 17'Hädefeldchen'Monnaies romaines, 2emoitié du4esiècle;clochette galloromaine en bronze. (C.Esch,noA50) 18'Hénzebierg'Monnaiede Postume(C.Esch A no57) 14 TerrainFOLA (StadeEmile Mayrisch) Monnaieromaine(imitation locale, vers275) (Weiller FMRL4, 94) Pierres 5'UmGruef' 2 pierres votives (Titus??) (Welter,no N;Flies, p.51)Poteries 3 'An der Delt' 1936. 16 vases romains, 1assiette et des tessons(coin rueEmile Mayrisch, rue Mathias Koener) (Kremer ;Welter,no K; Flies, No52; C.Bettembourg, No B 266) 6 Petite rue duMoulin Tessons romains. (Kremer; Flies p.58) 9Rue de Mondercange Tuyau d'une conduite d'eau; tessons 'celtiques' ouromains. (Welter, no M; Fliesp.51 No8; C.BettembourgNo B 233) 4Rue de l'Hôpital Cruchon romain. (Flies p.53 ) Tombes 21 'Ellergronn' 13 tombes romaines, trouvées en 1924, à proximité de la borne 63. Urnes carrées, 1 ronde contenant comme objets des fibules et des monnaies romaines ( au moins 1 en or). (Guide officiel de la ville d'Esch-sur-Alzette et du Bassin Minier, 1924, p.33, 3 ill.; Flies pp.48-50; C.Esch, no A 184) 12 'Bouwenaker' Fragments de poterie romaine (nécropole?) (C.Esch No A 35; Flies p.51) 13 'Gaalgebierg' Trois tombes du +1er siècle. (C.Esch no A 44 (avec détails); Flies p.50; Weiller, FMRL 1, no 120; PSH 61,1926, P.452) 2 Rue Emile Mayrisch/rue Mathias Koener Nécropole romaine(?), trouvée en 1936. (Kremer) Le rapport REDING cite (pour mémoire) et comme appartenant à la période préromaine: -rue Michel Rodange: une tombe de femme, 2 bracelets (Kremer, rapport non daté; PSH 67,1938,p.597; FliesPP.37-39; Hémecht 1972,1,P.77 S.) -'Gläicht': 1 monnaie trévire ARDA au cavalier -rue Emile Mayrisch, au 74: 1 monnaie gauloise La Tour 8351. Il attribue à la période mérovingienne: -'Quartier': une nécropole mérovingienne (C.Esch No A 25, avec références) -Place Saint-Joseph: un scramasaxe. Il est donc certain qu'il arrive à la deuxième ville de notre pays ce qui est le lot de la première: le caractère urbain, l'expansion par secousses, la rapidité des travaux modernes, gênent une vue d'ensemble sur le phénomène d'occupation du sol. Il est certain que la proximité du secteur Titelberg-Mondercange d'un côté, Dudelange/Mont St.Jean de l'autre, placent le site d'Esch dans le champ d'attraction de l'échange au moins régional des marchandises qui circulaient dans ces parages. ARS GRATIA ARTIS Nous considérons que l'art commence où la volonté du créateur dépasse la simple fonctionnalité; si quelqu'un veut faire 'plus' que le strict nécessaire et qu'il soit capable de traduire ce 'plus' par un attrait qui porte à choisir 'l'oeuvre' (qu'il s'agisse d'un groupe de temples ou d'une cuiller en bois) de préférence à d'autres, il fait oeuvre d'artiste. Nul n'ignore les multiples embûches de tels essais de définition; il suffit qu'ils nous livrent accès à une façon de voir les milliers d'objets réunis ici et là "autrement", c'est à dire au-delà de leur simple identification, de découvrir leur forme et, peut-être, ce qui les a fait choisir autrefois (et souvent plaît encore aujourd'hui). Voir, reconnaître, regarder, apprécier sont les quatre étapes de la difficile exploration artistique de notre patrimoine. Ecartons les soupirs de nos esthètes: à l'un des degrés cognitifs que je viens d'énumérer, chacun rencontrera des raisons (autres qu'archéologiques, scientifiques, statistiques) dese constituer un musée imaginaire qui corresponde à ses besoins du moment! En nos lointaines régions, il y a peu d'oeuvres qui soient de la qualité decelles que les Romains volèrent à Corinthe et (imitées, copiées, (re)produites ici et là) ornaient les collections des riches particuliers, parfois le forum d'une ville soucieuse de son environnement culturel. Les grands musées rhénans en recèlent une douzaine: elles ne sont, pour ainsi dire, d'aucun intérêt. En effet, pour celui qui connaît les collections vaticanes, les Thermes de Dioclétien, le musée de Naples et ceux d'Athènes, Delphes et Olympie, ce qui peut faire sursauter à Mayence, Xanten et Avenches ne sera qu'image, reflet, sévèrement jugé. A Trèves, Metz, Arlon et Luxembourg, l'art d'époque romaine inclut, certes quelques oeuvres de ce genre. Nous n'en parlerons pas . Les poses alanguies de tel Apollon, d'une Diane qui conviendrait mieux au parc de Versailles qu'à Trèves, le déhanchement languide d'un (supposé) Cernunnos plairont à qui se satisfait de cela. En dehors d'eux, il y a des centaines d'oeuvres qui sont de l'art indiscutablement, mais trahissent des styles (Neumagen, Mayence, Cologne, Metz, Arlon) régionaux traitant des sujets qui sont juste assez 'généraux' pour se rattacher encore à l'art du vaste monde, mais suffisammentparticuliers pour être restitués sans hésitation à leur milieu d'origine. Rarement art fut plus social: -l'architecture est avant tout au service de la communauté, -la sculpture orne, certes, les beaux jardins des palais que nous avons décrits, mais aussi les places publiques, les routes, les nécropoles, les sanctuaires régionaux; elle est omniprésente sous la forme des milliers de petites figurines en terre cuite blanche, produites au moule, en quantités semi-industrielles: animaux (dont les ancêtres du 'Péckvillchen' ), êtres humains (bossus,malades, paysans à capuchon , bambins symplegmes etc.) ou dieux dont on invoque la protection particulière en en achetant la figuration, puis en se privant d'elle en guise desacrifice. Art très populaire donc, bien en contraste avec les 'petits bronzes', coûteux et généralement d'importation, -la vaisselle: les sigillées ne sont pas une marchandise de grand luxe, mais bien à l'image et à la portée des petits-bourgeois de nos monuments funéraires; les gobelets noirs à dépression sont rares, fragiles, donc sans doute précieux; la poterie rouge,brune, beige et blanche a des formes à la fois pratiques et avenantes: elle a, en bonne partie, était fabriquée sur place; les verres proviennent de procédés techniques si courants qu'il ne faut pas croire qu'ils aient été très exceptionnels; le verre à vitre est attesté, les flacons les plus divers ont rempli toutes sortes d'usages, seules les pièces exceptionnelles (comme nos verres de Junglinster ,de Hellange , Steinfort et Marscherwald) ont été jugés dignes des vitrines des musées. -les mosaïques (Diekirch, Bous, Itzig, Echternach) comportent quelquefois des médaillons importés depuis la vallée du Rhône, au milieu de pierres naturelles façonnées et assemblées dans nos régions. Notre propos n'est pas de tomber dans l'excès populiste d'un 'minimal art' dont la qualité ne dépendrait plus que de la bonne volonté du spectateur complice. C'est pourquoi nous allons proposer ci-dessous (sans même les illustrer, pour forcer le lecteur -furieux- à aller les découvrir au Musée National d'Art & d'Histoire) un petit choix d'oeuvres qui nous semblent appropriées à guider -en toute première approche - les pas du visiteur vers les oeuvres qu'on s'évertuait jadis à élaborer pour lui. "Du côté pignon, dans une niche peu profonde pratiquée entre deux pilastres qui supportent le fronton triangulaire, le buste d'une femme est représenté enbas-relief. Dans la niche des faces latérales est sculpté un oiseautourné vers la face antérieure. Une ouverture est pratiquée dans la base. La pierre est endommagée à la face postérieure. H.23,

Larg.14, Prof. 14 cm. Prov.inconnue. Musée, date inconnue. No d'inv.268. Réf.Espérandieu No 4285.- Welter, Röm.Luxbg.no 21 pl. 5.- Hatt, p.224.- Colombet, p.227." Telle est la 'fiche' donnée par le catalogue du musée . Elle n'identifie pas la 'femme' (qui pourrait, à la rigueur être un Apollon, aucun attribut sexuel n'étant décelable), de face, dans l'attitude encore 'archaïque', frontale, de certains monumentsrhénans du +1er siècle; le visage ovale est marqué de traits simples: les arcades sourcilières, la dorsale du nez, le menton pointu; il est entouré comme d'une aura de cheveux disposés en couronne, les boucles formant comme des flammes. Le cou est assez épais, la chute des épaules atteint le bord du cadre de la niche; une toge, peut-être ornée d'une étole se divine sur le haut du buste. Le regard accroche: il n'est pas du tout celui de nos bonnes matrones à l'expression quelquefois obtuse; c'est le regard de la femme diadémée de Fennange, pénétrant, sans 'gentillesse'. On l'a dit plusieurs fois: ces petites 'maisons' (aediculae) sont fréquentes chez nous; il semble y avoir eu un tenon qui permettait de fixer l'objet (par le bas) sur un socle ou sur un autre monument. Y échafaudait-on encore un consensus religieux, comme sur les colonnes à Juppiter et bien des piliers à funéraires?La louve allaitant Romulus et Rémus -qui figure comme emblême sur ce livre- est le "couronnement d'un monument funéraire" ; haute de 6o cm au sommet, large de 94,50, elle provient de l'enceinte fortifiée d'Arlon, auquel on l'arracha en 1671, avec d'autres bloc sculptés qui vinrent parer les maisons des riches bourgeois de Luxembourg et de Metz. Je n'hésite pas pour autant à l'évoquer ici: nos liens avec Arlon sont nombreux et la visite du beau musée de larue des Martyrs est d'obligation stricte pour qui veut prendre connaissance de nos objets d'époque romaine, dans leur abondance comme dans leur variété. En effet, cette louve dont tout le monde dira qu'elle est le symbole banal de la présence romaine, d'abord en est le seul exemple connu (chez nous; il n'y a rien de telà Trèves), ensuite est assez différente de la louve capitoline qui forme, pour ainsi dire, le stéréotype de base de ce genre de monument. A ma connaissance, Marcel RENARD a été le seul à attirer l'attention sur le fait qu'en nos régions, la louve prenait quelquefois un tour inquiétant qui, suivant J.J.HATT , serait plus ou moins celui de Cerbère engloutissant les défunts. Sur un monument funéraire, cette thématique pouvait être connotée; le dessinateur qui travaillait pour Alexandre WILTHEIM a d'ailleurs donné à l'animal la queue du lion et des griffes de grand félin. Voulait-on trop en faire d'un seul coup? Nos ancêtres bourgeois regardaient à la dépense, tout en se soumettant à l'obligation sociale du "beau-monument-bien-impressionnant"! Rien n'empêche d'interpréter le regard de la louve comme un geste de tendre protection à l'égard des bambins qui se nourrissent goulûment! L'art moderne n'aura donc pas le privilège des 'lectures antithétiques'. La 'petite tête 248' provient d'une sorte de bloc gigantesque de maçonnerie, de 14 x 5,5 x 2m, parementé à l'extérieur, formant un "autel funéraire", voisin de plusieurs sépultures (du 3e siècle), à Grevenmacherberg-'Heck' . Autour, on a récolté en 1972, un millier de fragments de sculptures, dont celle-ci. C'est le visage d'un homme chauve, barbu, au nez camus, le front plissé, au regard vaguement interrogateur, le pli de la bouche très marqué. Sur ces monuments funéraires du 3e siècle ( presque tous appartiennent à cette époque), le contexte religieux est presque toujours 'orientalisant', ce qui signifie, bachique de façon plus ou moins larvée. L'appartenance à l'un des cultes les plus prisés (parce que religieusement les plus riches, sansrapport avec la gaudriole avinée descommentaires simplistes) s'entourait alors sinon de quelque mystère , du moins d'une imagerie si complexe (figurant les âges de la vie, les saisons astrales, les signes du zodiaque, les symboles mystiques, les parties du monde, les éléments), nécessitant une lecture à tant de niveaux que le lecteur moderne se trouve quelquefois confondu devant l'imbrication des fils de pensée, de foi et de communication. Art social, disions-nous, mais aussi art religieux (l'un n'excluant pas l'autre, c'est le moins qu'on puisse dire!), dans la mesure où les oeuvres les plus remarquables, faites pour durer, appartiennent à cette catégorie. Cette orientation thématique limite moins la portée de nos connaissance qu'il n'y paraîtrait à première vue: la religion jouait un rôle primordial dans la vie de l'époque, il n'est donc pas surprenant que toutes les formes de la vie, dès qu'elles se 'dépassent', dès qu'elles donnent le meilleur d'elles-mêmes , se retrouvent en elle . VISITER LELUXEMBOURG ROMAIN Il est possible de visiter les sites aménagés mentionnés dans ce livre . Nous proposons l'itinéraire suivant , facile à repérer sur une carte touristique. Notre fig.93 (ci-contre) reporte les sites ci-dessous mentionnés.) Première journée: visiter le Titelberg (Repère 1) en matinée; pour cela, se rendre à Differdange; demander son chemin à l'entrée de la localité; prévoir 20' de marche à pied jusqu'à l'entrée du site et au moins une heure pour la visite de celui-ci. L'après-midi, gagner Arlon (repère 2) et visiter le Musée Archéologique, rue des Martyrs. Deuxième journée : commencer par les fermes de Goeblange (repère 3); accès depuis Capellen ,Koerich et Nospelt; se rendre ensuite à Bill (près de Finsterthal, à l'Ouest de Mersch) (repère 3); gagner ensuite Mersch (repère 4) où l'on visite (derrière l'église décanale) le plateau de 'Mies' (bassin du palais romain) et Diekirch (repère 6); on y visitera le musée municipal (mosaïques romaines) et l' église Saint-Laurent (fouilles médiévales et romaines): accès sur le côté sud. L'après-midi, se rendre à Echternach (repère 7)pour la visite du monticule qui porte l'église des S.S.Pierre et Paul (fortification romaine tardive) et du palais romain près du lac artificiel . Ces deux journées seront extrêmement chargées et laisseront le visiteursur sa soif! Il vaudra donc mieux prévoir franchement cinq jours et compléter par la visite de Trèves et, si possible de Metz . DES SIECLES DE ROMANITE: EN GUISE D'UNE CONCLUSION On ne 'conclut' pas un livre qui se veut ouvert. Il n'est pourtant pas impossible, croyons-nous, d'épingler quelques catégories de faits qui sont, au bout du compte les pôles autour desquels se regroupent les problèmes, les acquis, les structures dont quelques-unes viennent du passé; la plupart sont franchement orientées vers l'avenir. Qu'on ne considère pas cette remarque comme une fioriture, une figure oratoire, c'est l'aveu des nombreuses lacunes que nous n'avons cessé de montrer. Cet avenir est, certes moins inquiétant qu'il ne l'était voici vingt ans, maison sait bien qu'à mesure que se multiplient les découvertes, les interrogations prolifèrent, les perspectives s'ouvrent. Pour aborder l'étude systématique des grandes questions soulevées dans ce livre avec une bonne chance d'aboutir, nous devrions disposer bientôt de quelques bonnes équipes multidisciplinaires, rien qu'au niveau universitaire; nous devrions être intégrés à des équipes transnationales d'entre Rhin et Meuse, et, tous ensemble, susciter partout des cellules de collecte, d'étude, d'évaluation...On ne ferait plus, alors, commencer notre histoire en mai 1940! Nous avons fait le maximum pour dégager l'histoire des objets; l'on s'y réfugie trop, à l'abri de listes, catalogues, petites monographies; l'histoire est au-delà. Elle nous force à prendre un risque quand, quelquefois, la matière fait (encore) défaut; j'ai eu à montrer naguère que notre pays n'a pas vraiment de tradition d'historiographie romaine. Il nous en faut pourtant une, puisque pour l'instant encore, on consent à se réclamer d'une culture 'classique'...que d'autres sont occupés à assassiner. Pas de laudatio temporis acti! Notre époque est la meilleure qui fut, puisqu'elle est. Mais, connaître, apprécier, intégrer les valeurs du passé, ce n'est pas refuser les avantages de la modernité...grâce à laquelle nos connaissances ont (enfin!) progressé. Il n'est d'histoire que contemporaine, mais , pour être pleinement telle, elle doit s'enraciner dans la nuit des temps. Au centre de nos réflexions se trouve Rome. A la suite d'un long processus et de la conjonction de facteursaussi nombreux que complexes, Rome se trouva (à partir du -3e siècle, surtout après sa victoire sur Carthage) entraînée au-delà d'elle-même, vers ce qu'il est convenu d'appeler ses 'provinces'. Ce fut l'improvisation permanente, rien de tel n'étant prévu, surtout pas la 'conquête du monde'. Il fallut attendre cinq siècles pour qu'on en vînt là. En fait, cette 'domination' ne se stabilisa jamais tout à fait; des provinces n'existèrent qu'un temps, d'autres se considéraient depuis longtemps comme partie intégrante de Rome. L'Italie hésita souvent et s'appauvrit vite; la Gaule douta peu et prospéra longtemps. Les 'Germains' (pas ceux de César, ceux des 4e et 5e siècles) "cherchaient des terres" (elles ne devaient pas manquer dans un monde aussi peu peuplé); en attendant, ils pillaient d'abord les villes, ensuite, s'établirent à demeure. Déjà des congénères venus deux cents ans plus tôt se défendaient contre eux... Dès les premiers temps, il était inévitable que l'arrivée d'étrangers (passablement arrogants, porteurs de culture, l'épée à la main) suscitât des réactions d'hostilité; mais peu à peu (pour quelquesuns tout de suite) une évolution s'engagea vers de nouvelles valeurs. Celles-ci ne sont pas simplement mercantiles; celles-là sont le support d'autres valeurs qui, par le biais de l'otium (temps de méditation, de prière, de lecture, de jeu, d'activité artistique, de convivialité...) donnent accès à des valeurs familiales et communautaires si évidentes qu'une partie considérable de l'art et de l'architecture leur sont dédiées et, pour ainsi dire, subordonnées. Rome a toujours su éveiller le sens des valeurs; depuis les historiettes édifiantes des premiers temps, jusqu'aux épopées lyriques des grands auteurs et aux idylles positivantes des derniersécrivains 'païens' , on voit Rome mettre en oeuvre tous les jeux de sa puissance spirituelle (elle ne fut jamais capable de tyranniser le monde grâce à ses légions si souvent vaincues)...et réussir à se survivre (jusqu'à aujourd'hui) dans une certaine façon de penser le droit, l'ordre (administratif), le bien public (bien des multitudes ordonnées), les relations avec Dieu et l'accès à lui par la vertu. L'on croyait autrefois que laromanisation est l'apparition de traits romains sur les statues des dieux celtiques, de stèles inspirées d'Asie Mineure,d'Aquilée et de Sarsina, l'usage de l'alphabet latin, une onomastique différente, des infrastructures économiques renouvelées , pour d'aucuns un système d'exploitation esclavagiste et une prolétarisation de la main d'oeuvre... Tout cela correspond, un peu, à des observations correctes, mais qui n'expliquent rien. Nous savons que Rome s'est ruinée au bénéfice de ses provinces, qu'elle a sacrifié l'Italie à la Gaule (à lasuite d'un libéralisme économique débridé), qu'elle a permis à (presque) toutes les tendances philosophiques, à (presque) toutes les religions de s'enseigner et de faire du prosélytisme; partout, les traditions indigènes influent largement dans les oeuvres faites sur place, simples objets de la vie courante ou chefs d'oeuvre du plus haut prix réservés aux 'élites'. Celles-ci sortent d'écoles, apprennent des métiers, gèrent des entreprises, tiennent des livres, dirigent de lointains comptoirs, font de l'import-export...et gouvernent la cité. La rupture la plus funeste, entre la cité et l'action économique s'évite longtemps; à force de vouloir tout régenter, on finit par la provoquer et c'est alors que les fata imperii furent menacés. Dans nosrégions, on assiste à des phénomènes de perfusion; des âges de la pierre, elles gardent -involontairement, bien sûr- le sens des développements lents; César n'a rien obtenu ni Auguste; les Flaviens recueillent le bénéfice des impulsions données ici et là; l'imagerie de l'arc de Bénévent (Trajan recevantl'hommage des prêtres, des citoyens, des militaires, des provinces) traduit la structuration d'un pouvoir qui sera mondial sans jamais savoir exactement où (géographiquement) s'arrête ce monde; le pouvoir, lui, n'est pas lié aux limites -incertaines- du 'champ' auquel il s'applique. Quand les princes trévires eurent accompli leurs ultimes trahisons, les Trévires (artisans, boutiquiers, médecins, enseignants, quelquefois soldats, métayers, charretiers...) furent propulsés sur l'avant-scène de la liberté (nomen speciosum, un mot qui brille comme l'or,selon Tacite); trente et quarante ans plus tard, ils sont établis, Trèves est une ville. Par Dalheim et Metz, elle communique avec la Provence, mère des arts, avec l'Italie du Nord et "l'au-delà" d'où vient lalumière. Dans ces vastes devenirs, notre pays n'est qu'une plage minuscule battue par les effets du temps;on aura essayé de montrer-vu la tendance très luxembourgeoise à de feintes modesties- que cela n'exclut pas la participation à lavie de l'époque (et un peu au-delà) ni même, à droite et à gauche, quelque trait un peu original. C'est très romain!